About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Voyage musical

Paris
Salle Gaveau
11/28/2011 -  et 4 (Tokyo), 10 (Tokorozawa) décembre 2011
Franz Schubert : Winterreise, D. 911
Mark Padmore (ténor), Till Fellner (piano)


M. Padmore


Comme Matthias Goerne et Christoph Eschenbach (voir ici), Mark Padmore et Till Fellner donnent en un an (mais sur deux saisons) les trois grands cycles schubertiens salle Gaveau. Mais alors que les Allemands n’en sont qu’à la première étape, l’Anglais et l’Autrichien parviennent au terme de leur parcours: après La Belle Meunière (novembre 2010) et Le Chant du cygne (janvier 2011), voici donc Le Voyage d’hiver (1827). Malgré la venue, au même moment, de Valery Gergiev et Hélène Grimaud salle Pleyel et de Bertrand Chamayou au Théâtre des Champs-Elysées, le concert, comme Goerne trois semaines plus tôt ou, dans un registre voisin (voir ici) la création d’O Mensch! de Dusapin, suscite une belle et réjouissante affluence, à l’échelle du lieu – idéal pour une liederabend – et de la notoriété des interprètes. Car s’il s’inscrit dans une prestigieuse lignée de ténors schubertiens britanniques, Mark Padmore, qui vient d’aborder la cinquantaine, n’a sans doute pas encore acquis, du moins de ce côté-ci de la Manche, une réputation aussi flatteuse que celle de Peter Pears, d’Anthony Rolfe-Johnson ou même de son cadet Ian Bostridge. Mais sa prestation montre que Philippe Maillard et ses «Concerts parisiens» ont eu mille fois raison de vouloir remédier à cette situation.


Certes, si d’emblée la prononciation est impeccable, la justesse inattaquable et l’accent quasi insoupçonnable, le premier tiers du recueil pâtit toutefois d’un timbre qui s’étiole dans le grave, voire dans le médium, et d’attaques fragiles dans l’aigu. Mais les choses ne tardent pas à se mettre en place: même si l’expression semble davantage s’extérioriser par les gestes des mains et des bras, la voix, dont la couleur si particulière rappelle parfois celle de Peter Schreier, sait captiver et émouvoir. L’allure est plutôt vive, même sans doute un peu trop rapide («Le Corbeau», «Au village»), mais elle traduit un tempérament plus combatif que résigné («Le Matin tempétueux», «Courage»). En même temps, la progression de l’émotion est contrôlée («L’Auberge»), la souffrance reste toujours digne, ne triche jamais, tendant vers un dépouillement des plus poignants («La Tête du vieillard», «Le Poteau indicateur», «Le Joueur de vielle»).


Si c’est avec Paul Lewis (Harmonia mundi) qu’il a récemment enregistré ce Voyage d’hiver (voir ici) et qu’il l’interprétera à de multiples reprises en tournée en février prochain, Padmore trouve en Fellner un partenaire fiable et attentif, qui sait installer un climat en quelques mesures («Sur le fleuve», «Dernier espoir»). Mais il ne se cantonne en rien à un rôle d’accompagnateur: travaillant les effets et la sonorité, il confère à son piano un caractère volontiers beethovénien par son exigence un peu hautaine et son refus de la compromission.


L’art du récital, pour difficile d’accès qu’il puisse paraître, n’en réalise pas moins des miracles, car une fois de plus, il parvient à dompter un public dont il faut pourtant si souvent déplorer l’indiscipline, mais ici comme hypnotisé jusqu’à la dernière mélodie. Les nombreux rappels réservés aux artistes sont à la mesure de cette tension qui peut enfin se libérer et de cette reconnaissance qui peut enfin se manifester: cela étant, les spectateurs en attendaient-ils vraiment plus et était-ce une bonne idée, «pour ne pas laisser le public dans un état de tristesse», de les remercier en chantant Nuit et rêves (1823)? Cette générosité mérite bien sûr d’être saluée, mais nul, pas même Schubert, n’est en mesure d’offrir une apostille à la hauteur d’un tel voyage musical.


Le site de Mark Padmore
Le site de Till Fellner



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com