About us / Contact

The Classical Music Network

Bordeaux

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Par-delà l’opéra et le chant

Bordeaux
Grand-Théâtre
11/18/2011 -  et 20, 22, 24 novembre, 6 (Agen), 8 (Bergerac) décembre 2011
Philip Glass : Les Enfants terribles

Chloé Briot (Elisabeth), Amaya Dominguez (Dargelos, Agathe), Olivier Dumait (Gérard, Le Narrateur), Paul (Guillaume Andrieux)
Emmanuel Olivier (piano et direction musicale), Jean-Marc Fontana, Françoise Larrat (pianos)
Stéphane Vérité (mise en scène, scénographie, lumières), Hervé Poeydomenge (costumes), Romain Sosso (réalisation des images numériques)


(© F. Desmesure)


Compositeur souvent décrié par les avant-gardes, entre autres pour son attachement à la tonalité, Philip Glass a tissé au fil des années un univers immédiatement reconnaissable. Avec Les Enfants terribles, adaptation du roman de Jean Cocteau réalisée avec l’aide de Susan Marshall et étrennée au Théâtre Casino de Zug (en Suisse) en 1996, les codes esthétiques et les hiérarchies consacrées par quatre siècles de tradition lyrique subissent ce que l’on pourrait appeler une déconstruction.


Dès les premières notes de cet anti-opéra, les thèmes et les rythmes répétitifs installent un climat hypnotique, que Stéphane Vérité a su saisir d’emblée. La neige tombe tandis que les formes en ombres chinoises dessinent un mouvement perpétuel, qui donne l’illusion d’une marche immobile et ininterrompue. La valeur du temps est immédiatement transsubstantiée dans cette atmosphère baignée du souffle de l’immémorial. Le dispositif vidéographique en fond de scène sculpte les cadres successifs où se déroule le drame, de la chambre des enfants tapissée de couvertures de magazines des années cinquante – comme en écho au film de Jean-Pierre Melville tourné en 1950 – à l’intérieur vaste et vide de la demeure héritée par Elisabeth, jeune veuve de Michael. Les alternances de couleurs musicales, obéissant plus d’une fois à l’opposition mineur-majeur, trouvent une traduction visuelle juste et épurée, à l’instar de l’économie dans le matériel employé, et en premier lieu de l’effectif réduit à trois pianos. Cette formation chambriste possède cependant une puissance évocatrice et fascinatoire remarquable, qui n’a rien à envier à des instrumentaria plus fournis.


A rebours de l’intégration de la ligne chantée aux harmonies et aux rythmes de la partie instrumentale, les répliques déclamées par les protagonistes semblent être écrites dans un système hétérogène à celui de la partition confiée aux trois pianos. Ce ton et cette distance rappellent un certain style tragique auquel Cocteau a voulu rendre hommage dans ce conte poétique. Les couleurs vocales des interprètes, à la jeunesse voisine des personnages, entretiennent une parenté assumée avec celles des comédiens du film. Olivier Dumait incarne un Narrateur à la diction fluide, élégante et empreinte de la mélancolie de l’inéluctable. Son Gérard sait tirer parti d’une écriture très exigeante et tendue dans le haut de la tessiture, trait caractéristique de la facture vocale de chacun des rôles. Il n’est pas anodin que ce soit le même mezzo pour Dargelos et Agathe, l’une étant le miroir féminin de l’autre, exerçant sur Paul la même fascination exclusive et désespérée. Juvénile pour le premier, Amaya Dominguez met en valeur l’adolescent tourment qui agite la seconde, aux limites de la crispation mélodique. Chloé Briot, qui fêtait ses vingt-quatre ans à l’issue de cette soirée de première, douée d’un magnétisme certain, fait rayonner le caractère manipulatoire d’Elisabeth, avec un sens du style confondant. Guillaume Andrieux révèle les couleurs claires et immatures qui identifient Paul, baryton aigu.


Joué sans entracte, le spectacle suscite une attention plus proche du septième art que du genre lyrique. Si l’on peut réserver parfois son jugement sur la simplicité de l’harmonie, on ne peut résister à l’attraction d’une écriture éminemment cinématographique, à laquelle les trois pianistes, Françoise Larrat, Jean-Marc Fontana et Emmanuel Olivier – coordonnés par ce dernier – donnent un relief saisissant et envoûtant. Coproduits avec le Teatro Arriaga de Bilbao, Les Enfants terribles tourneront ensuite à Agen puis Bergerac, et seront l’objet d’une diffusion radiophonique sur France Musique le 15 décembre ainsi que d’une retransmission sur France Télévisions à une date ultérieure. On ne peut que souhaiter à la production la fortune qu’elle mérite.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com