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Reconstitution entre épure et féérie

Paris
Palais Garnier
10/22/2011 -  et 25, 26, 27, 28, 29, 31 octobre, 1er, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9*, 10, 11, 12 novembre 2011
Léo Delibes et Ludwig Minkus : La Source (version réalisée par Marc-Olivier Dupin)

Myriam Ould-Braham*/Ludmila Pagliero/Charline Giezendanner (Naïla), Florian Magnenet*/Karl Paquette/Josua Hoffalt (Djémil), Laura Hecquet*/Muriel Zusperreguy/Isabelle Ciaravola (Nouredda), Stéphane Phavorin*/Christophe Duquenne/Vincent Chaillet/ Aurélien Houette (Mozdock), Alessio Carbone*/Mathias Heymann/ Alistair Madin (Zaël), Ballet de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Koen Kessels (direction)
Jean-Guillaume Bart (chorégraphie, dramaturgie), Eric Ruf (décors), Christian Lacroix (costumes), Dominique Bruguière (lumières), Clément Hervieu-Léger (dramaturgie)


L. Hecquet, F. Magnenet (© Anne Deniau/Opéra national de Paris)


Créée en 1866 par Arthur de Saint-Léon, sur un argument de Charles Nuitter, La Source connut une brève carrière à l’Opéra de Paris, et fit une dernière apparition sous les ors du Palais Garnier récemment inauguré, avant de s’évanouir, à l’instar des témoignages matériels réduits en cendres par l’incendie de la salle Le Peletier, en 1873. Ce destin malheureux a nourri l’imagination de l’étoile émérite Jean-Guillaume Bart depuis de nombreuses années, avant de pouvoir réaliser ce désir de reconstitution d’un ouvrage auréolé de mystères et de légendes, baignant dans une fascination pour l’exotisme caucasien bien dans l’esprit du romantisme finissant.


L’histoire est la suivante: Djémil tombe sous le charme de Nouredda, promise au Khan par son frère Mozdock. Le chasseur offre à la jeune fille la fleur qu’elle convoitait, et dévoile le visage de celle-ci. Il est alors rossé par les hommes de la caravane. Après le départ de cette dernière, Naïla, l’esprit de la Source, lui révèle le pouvoir de la fleur qu’il a cueillie: c’est un talisman qui lui permet d’exaucer un vœu. Le Khan succombera alors à la beauté de Naïla: l’éviction de Nouredda venge ainsi la rebuffade essuyée. Alors qu’elle lui révèle son amour pour lui, la nymphe se résigne au lien qui unit Djémil à Nouredda, et meurt.


La partition présente la particularité d’avoir été écrite à quatre mains, associant le célèbre Ludwig Minkus à un débutant, Léo Delibes. L’efficacité du travail du Viennois comme support chorégraphique se révèle entre autres dans les scènes de caractère du premier acte – la caravane de Mozdock, entre autres. La seconde partie s’ouvre sur les notes de Delibes, bien ficelées et énergiques, à défaut d’originalité. Le dernier tableau réunit les deux contributions, et s’achève de manière un peu abrupte. Marc-Olivier Dupin, en charge de la réorchestration (la partition étant parvenue à l’état de réduction pour piano), s’est autorisé quelques substitutions de morceaux de Minkus pour faire entendre des pages peu données de Delibes – Les Nymphes des bois pour la valse avant le sacrifice de Naïla, ou encore le Prélude de l’acte III de Lakmé pour accompagner l’aveu de Naïla. La performance de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris subit les approximations usuelles à la musique de ballet, nonobstant la fougue parfois rugissante de Koen Kessels.


Plus recréation que reconstitution, la chorégraphie de Jean-Guillaume Bart synthétise la tradition romantique et le néoclassicisme de Balanchine et Robbins, de même que l’argument a été émondé de ses scènes et personnages secondaires – simplifiant ainsi avantageusement la lisibilité du drame. Le résultat s’apparente ainsi à une épure condensant les mouvances qui traversent le répertoire de la maison, tissé d’évocations plus que de citations, donnant ainsi une impression d’homogénéité dramaturgique à même de supporter l’envol de l’imagination du spectateur. Le travail sur la mime est à cet égard significatif. Une approche similaire a présidé à l’élaboration des décors et des costumes – des troncs de cordes jalonnent le plateau où sont suspendues les fleurs et une réplique lacérée du rideau de scène, rehaussant la féerie des elfes et minimalisant le kitch à son expression essentielle.


Myriam Ould-Braham fait converger sur son visage l’innocence diaphane de Naïla – l’expression d’abandon qu’elle arbore dans les portés la fige presque dans son immatérialité. Exceptés quelques soucis techniques pour sa variation à la fin du premier acte, au dynamisme contraint, Florian Magnenet incarne avec une touchante simplicité l’innocence de Djémil – la scène de l’aveu est à cet égard remarquable. Nourredda est une figure plus hautaine, ce que Laura Hecquet a bien compris. La même efficacité dramatique profite à Mozdock, interprété par Stéphane Phavorin. Enfin, nous ne pourrions faire l’impasse sur le bondissant Zaël d’Alessio Carbone, à l’énergie communicative.


En programmant La Source, Brigitte Lefèvre fait ainsi valoir que la création gît parfois dans des archives dispersées. Le ballet de Jean-Guillaume Bart, tout en enrichissant notre perception du répertoire, rappelle aux côtés de la Psyché de Ratmansky, présentée le mois dernier, que la magie et le kitch ne sont pas forcément des obscénités dans le langage de la contemporanéité chorégraphique.



Gilles Charlassier

 

 

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