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Une expérience exceptionnelle

Paris
Salle Pleyel
11/08/2011 -  
Franz Schubert : Die schöne Müllerin, D. 795
Matthias Goerne (baryton), Christoph Eschenbach (piano)


M. Goerne (© Marco Borggreve)


En coproduction avec l’Orchestre de Paris, Pleyel a confié cette saison les trois grands cycles de lieder schubertiens à Matthias Goerne – qu’on pourra par ailleurs entendre dans des cantates de Bach le 17 décembre à la Cité de la musique mais aussi les 11 et 12 avril avec l’Orchestre de Paris – et Christoph Eschenbach – qui dirigera lui-même à deux reprises cet orchestre en mars et en avril prochains. Même s’ils s’y ont déjà retrouvés ensemble en mars 2007, le lieu n’est sans doute pas le plus propice de la capitale pour une liederabend, mais il a au moins un mérite: pouvoir accueillir un nombreux public que peu d’artistes sont capables de réunir dans ce répertoire et ce, nonobstant la brièveté du concert. Car si Le Voyage d’hiver (28 février) se suffit à lui-même, La Belle Meunière (1823) aurait pu être associée à une œuvre pour piano, comme le sera Le Chant du cygne (11 mai), suivi de l’ultime Sonate. Les lumières, pas entièrement éteintes, ne contribuent pas non plus à un climat intimiste: point n’est pourtant besoin de lire le programme de salle, puisque des surtitres pourvoient à la traduction des textes – tant pis pour ceux qui sont assis de l’autre côté, dans les tribunes du chœur, et qui n’auront sans doute pas bénéficié pleinement du spectacle, autant visuellement qu’acoustiquement, avec un chanteur leur tournant le dos et un couvercle de piano orienté vers la salle.


Mais que pèsent de telles réserves au regard d’un moment aussi exceptionnel, qui suscitera sans doute un flot de superlatifs et à l’issue duquel l’exercice désormais trop souvent convenu de l’ovation debout aura paru justifié comme rarement? Ce que les spectateurs ont vécu, retenant leur souffle soixante-quinze minutes durant, hormis les inévitables tousseurs et ronfleurs de service, constitue en effet une expérience comme il ne peut s’en produire qu’avec un Sokolov ou un Volodos, un Abbado ou un Ozawa. A quarante-quatre ans, le baryton allemand se trouve au sommet de son art, particulièrement dans ce recueil dont il a déjà laissé trois enregistrements au cours des dix dernières années, deux parus presque coup sur coup chez Decca – en studio avec Eric Schneider (voir ici), en compagnie duquel il l’avait interprété à la Cité de la musique en septembre 2002, puis en public avec Alfred Brendel – et un chez Harmonia mundi – avec Christoph Eschenbach, précisément. Rapidement libérée de cet engorgement qu’on a pu lui reprocher, la voix, impeccable sur l’ensemble de la tessiture, effectue un travail constant sur la couleur et s’attache à conférer tout leur sens aux poèmes de Müller, restitués avec un soin méticuleux, qu’il s’agisse de transfigurer la sensibilité Biedermeier du «Curieux» et du «Salut matinal» ou de porter hardiment l’esprit romantique de «Le soir après le travail» et d’«Impatience». Goerne a beau se mettre en danger avec des tempi lents, le phrasé demeure subtil, d’une douceur infinie dans l’ultime «Berceuse du ruisseau».


Mais c’est ici bien plus qu’une leçon de chant: il fait parfaitement ressortir le parcours dramatique suggéré par la succession des mélodies, qu’il enchaîne quasiment sans interruption, en y joignant expressions du visage, gestes des bras et mouvements du corps, au point qu’il donne parfois l’impression qu’il va s’élever au-dessus de la scène. La musique, en tout cas, ne touche plus terre, vole haut, très haut, pour une saisissante «Pause» ou dans cet alliage de décantation et de tension dans «Fleurs séchées» et «Le Meunier et le Ruisseau», même si cela ne saurait étonner de la part de celui qui, l’automne dernier à Bastille, a rendu justice de façon si émouvante au rôle-titre de Mathis le peintre. Eschenbach, parfois contesté comme chef, demeure un formidable pianiste – quel toucher admirable dans cette note répétée de «La Couleur chérie»! – mais ne tire pas la couverture à lui et sait rester dans son rôle d’accompagnateur, fidèle alter ego de Goerne.


Inutile de dire qu’il est fortement recommandé de réserver ses places pour Le Voyage d’hiver et Le Chant du cygne.


Le site de Matthias Goerne
Le site de Christoph Eschenbach



Simon Corley

 

 

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