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Sobriété italienne

Paris
Salle Pleyel
11/01/2011 -  et 31 octobre 2011 (Amsterdam)
Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 1 en ré mineur, opus 15
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 en si mineur, opus 74, «Pathétique»

Hélène Grimaud (piano)
Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano (direction)


A. Pappano (© Riccardo Musacchio)


Comme on pouvait s’y attendre, la venue d’Hélène Grimaud Salle Pleyel a suscité l’affluence des grands soirs. Il faut bien avouer que, même si sa dimension de star médiatique de la musique classique peut en énerver certains, la jeune pianiste possède un charisme indéniable et ose s’aventurer hors des sentiers battus, ce qui ne l’empêche naturellement pas de donner les grandes œuvres du répertoire à l’image de ce Premier Concerto de Brahms (1859), qui a beaucoup fait pour sa réputation. En effet, c’est sous la direction de Kurt Sanderling, récemment décédé, qu’elle l’a joué et enregistré en 1997, accompagnée par l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde. Récompensée en 1999 comme «enregistrement classique de l’année», cette version a immédiatement séduit par son engagement, son équilibre et la véritable communion qu’offraient alors les deux artistes.


Ce soir, il en fut de même. D’emblée, les premiers accords de l’Orchestre de l’Académie nationale de Sainte Cécile sont fracassants, Antonio Pappano insufflant une force et une violence formidables à cette introduction qui contraste merveilleusement avec l’intervention suivante des cordes. L’entrée du piano est idéale, Hélène Grimaud se fondant dans le climat dorénavant apaisé sans tirer la couverture à elle (ce qu’elle ne fera d’ailleurs jamais tout au long du concerto), alternant comme il convient force et engagement dans les tutti, délicatesse du toucher dans les passages où elle est davantage sur le devant de la scène. Sans affectation, comme on pouvait peut-être le craindre et comme on l’a parfois vue, Hélène Grimaud développe son discours avec une sobriété (à l’image de sa tenue, veste gris perle et pantalon noir) et un sens du naturel qui rendent à la partition toute sa force sous-jacente, vite édulcorée par les effets que certains souhaitent lui donner. L’Adagio est rêveur; si le volume des cordes est parfois en deçà de ce qu’on pourrait souhaiter (en dépit de neuf violoncelles et huit contrebasses), les vents sont merveilleux, à commencer par le hautbois de Paolo Pollastri et le cor de Guglielmo Pellarin. Hélène Grimaud joue cette partition dans un climat serein et majestueux à la fois, notamment lorsqu’elle est rejointe par la clarinette veloutée (dont on reparlera) d’Alessandro Carbonare. Enchaînant immédiatement le troisième mouvement (Rondo. Allegro non troppo), Antonio Pappano, avec force éructations, lance de nouveau l’orchestre dans une course à l’abîme qui dévaste tout sur son passage, la soliste répondant parfaitement à l’intention du chef. Les derniers accords, en dépit d’une mise en place légèrement perfectible, sont salués par une véritable ovation à l’adresse de la soliste mais aussi du chef qui s’est, comme il sied, comporté en véritable partenaire dans ce concerto monumental. En bis, Hélène Grimaud donne le merveilleux arrangement que Giovanni Sgambati (1841-1914) fit de la «Plainte d’Orphée», extrait célèbre du «Ballet des esprits bienheureux» tiré du deuxième acte d’Orphée et Eurydice de Gluck. L’apaisement après l’emportement...


Autre œuvre phare du répertoire, la Symphonie «Pathétique» (1893) de Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) bénéficia elle aussi d’une très belle interprétation. En premier lieu, Alessandro Carbonare, que le public parisien pouvait régulièrement apprécier lorsqu’il officiait au sein de l’Orchestre national de France, a été somptueux à chacune de ses interventions à l’image d’ailleurs d’une excellente petite harmonie (quels bassons également!). Les cordes auront été décevantes en raison de leur manque d’ampleur en plus d’une occasion (le pupitre des premiers violons s’étant avéré maigrelet à quelques reprises) et d’une mise en place perfectibles (certaines attaques du dernier mouvement Adagio lamentoso). L’énergie débordante de Pappano n’a pas pour autant gommé les passages de pur lyrisme, le chef italien se laissant d’ailleurs aller à quelque alanguissement qui aurait facilement pu être évité. Pour autant, on est séduit par la maîtrise de l’orchestre et par le souffle donné à l’œuvre.


Une partie non négligeable du public, comme c’est malheureusement trop souvent l’habitude (mais l’impolitesse est partout...), quittait déjà Pleyel lorsque Pappano invita ses musiciens à donner un bis, obligeant ainsi les spectateurs debout à se réfugier précipitamment sur les côtés ou dans les escaliers de la salle. Ce fut une émouvante et grandiose «Nimrod», neuvième des Variations «Enigma» (1899) de Sir Edward Elgar: dernière occasion pour la soirée d’apprécier un orchestre dont la venue à Paris est malheureusement trop rare.


Le site de l’Académie nationale Sainte-Cécile
Le site d’Hélène Grimaud



Sébastien Gauthier

 

 

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