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Un maître-mot: l’élégance

Paris
Salle Pleyel
10/25/2011 -  
Igor Stravinski : Agon
Richard Strauss : Metamorphosen
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Symphonie n° 4 en fa mineur, opus 36

The Cleveland Orchestra, Franz Welser-Möst (direction)


F. Welser-Möst (© Don Snyder)


Et de quatre! Après la venue des orchestres de Chicago sous la direction de Riccardo Muti, de Pittsburgh sous la baguette de Manfred Honeck et de Philadelphie sous la houlette de Charles Dutoit, la Salle Pleyel accueille le premier des deux concerts donnés dans la capitale par l’Orchestre de Cleveland, considéré depuis longtemps comme un des meilleurs du monde et figurant également depuis belle lurette parmi les fameux «Big Five» américains. Sa venue était d’autant plus attendue qu’il ne s’était pas produit à Paris depuis près de deux ans jour pour jour, leur précédent concert datant d’ octobre 2009. Dans le cadre d’une tournée européenne qui a débuté à Madrid puis Valence, et qui se prolongera notamment au Luxembourg et à Vienne, Franz Welser-Möst et ses musiciens ont choisi de donner de grandes pages du répertoire même si le concert de ce soir débutait par une relative rareté d’Igor Stravinski (1882-1971).


Agon (1957) ne fait, en effet, pas partie des partitions les plus populaires du compositeur russe. Fruit d’une collaboration entre Stravinski et Balanchine, ce ballet pour douze danseurs est moderne à l’oreille, les instruments intervenant de manière éparse sans que les grandes lignes (incarnées par le violon solo et les deux flûtes, solistes récurrents tout au long de l’œuvre) soient toujours bien audibles. Toujours est-il que cette entrée en matière permet immédiatement de prendre conscience de la qualité des instrumentistes de l’Orchestre de Cleveland à commencer donc par le violon superlatif de William Preucill, grinçant à souhait, mais aussi des trompettes d’une netteté stupéfiante, sans compter des castagnettes, un piano et une mandoline quelque peu loufoques...


Tout autre évidemment était la deuxième pièce au programme, les Métamorphoses (1945) pour vingt-trois cordes, déjà données à Cleveland il y a quelques semaines et considérées dès leur création par Paul Sacher comme un des derniers chefs-d’œuvre de Richard Strauss (1864-1949). Les cordes de Cleveland sont, au moins depuis Georges Szell, légendaires: la légende continue ce soir. On est subjugué de bout en bout par une interprétation qui, en dépit de rares problèmes de justesse, aura été techniquement parfaite. La profondeur des contrebasses à la fin de la pièce lorsqu’elles entonnent le thème tiré de l’Héroïque de Beethoven, des aigus d’une pureté extraordinaire chez les violons, des altos à la chaleur communicative qui n’auront pu que toucher Antoine Tamestit, présent parmi les spectateurs: tout est là. Et pourtant, l’interprétation conserve une certaine distance, Franz Welser-Möst demeurant trop souvent sur la réserve et, ce que l’on peut regretter, ne se laissant aller à aucun emportement, les attaques des cordes privilégiant constamment la douceur et l’exactitude du trait sur la violence, pourtant présente, du discours. L’interprétation gagne finalement en sobriété et en lisibilité ce qu’elle perd du strict point de vue de l’émotion.


Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) est décidément à l’honneur des phalanges américaines puisque, après la Cinquième donnée par l’Orchestre de Pittsburgh, voici venu le temps de la Quatrième (1878). «La plus belle chose que j’ai jamais composée» disait Tchaïkovski dans une lettre à un ami écrite peu après la création de cette œuvre: cheval de bataille pour tout grand orchestre, elle aura été le clou de ce concert, permettant à l’Orchestre de Cleveland de briller de bout en bout. Franklin Cohen à la clarinette, Frank Rosenwein au hautbois, Mary Kay Fink à la flûte piccolo et Richard King, emmenant avec lui ses quatre autres comparses cornistes, auront été parmi les solistes les plus en vue de cette seconde partie. On ne peut naturellement passer sous silence la plénitude et la discipline des cordes, jouant avec maestria du legato (dans le deuxième mouvement Andantino in modo di canzona) ou du pizzicato (dans le Scherzo, si virevoltant et si proche des célèbres ballets composés par ailleurs). La réussite de l’ensemble doit évidemment beaucoup à Franz Welser-Möst avec lequel l’entente de l’orchestre semble excellente; chef titulaire depuis 2002, son contrat a d’ailleurs été récemment reconduit jusqu’en 2018, date du centenaire de l’orchestre. L’Autrichien se laisse enfin aller mais évite soigneusement toute faute de goût: pas d’épanchement inutile, pas de rubato excessif, pas de ralenti de mauvais aloi. Bien au contraire, il frappe par la clarté et la fluidité qu’il instille à l’ensemble, la partition relevant de l’évidence, et par sa tendance à aller droit au but sans fioriture aucune. Le résultat est superbe et fut très justement ovationné par une Salle Pleyel conquise.


En bis, Franz Welser-Möst et l’Orchestre de Cleveland donnèrent un superbe Prélude au troisième acte des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner, nouvelle occasion pour les spectateurs d’apprécier le soyeux des cordes (quelles contrebasses!) dont la mélancolie faisait parfaitement écho aux Métamorphoses entendues auparavant. Face à un tel résultat, une seule question se pose: à quand le chef autrichien dans la fosse de l’Opéra de Paris?


Le site de l’Orchestre de Cleveland



Sébastien Gauthier

 

 

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