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Ris donc, Quichotte !

Paris
Opéra Bastille
09/22/2000 -  25, 27, 30 septembre, 3, 5, 8, 11, 13 octobre
Massenet : Don Quichotte
Samuel Ramey (Don Quichotte), Carmen Oprisanu (Dulcinée), Jean-Philippe Lafont (Sancho), Jaël Azzaretti (Pedro), Allison Cook (Garcias), Jean-Pierre Trevisani (Rodriguez), Kevin Greenlaw (Juan)
Gilbert Deflo (mise en scène), William Orlandi (décors et costumes), Antonio Marquez (chorégraphie), Joël Hourbeigt (lumières)
Orchestre et choeurs de l'Opéra National de Paris, James Conlon (direction)

Loués soient les cirques, asiles psychiatriques, prisons et plateaux de cinéma. Sans eux, les productions lyriques d’aujourd’hui se verraient privées d’un bon tiers de leurs sources d’inspiration ! La seule difficulté, c’est qu’en adoptant un cadre désormais si convenu (bien que nullement critiquable en soi), le metteur en scène place très haut la barre afin que des idées théâtrales très fortes justifient ce qui apparaîtra autrement comme un simple expédient. Le chapiteau de Gilbert Deflo et William Orlandi laisse au début espérer un univers à la Lola Montès bienvenu pour servir une partition chatoyante et bigarrée. Hélas, l’inspiration tourne court au bout de cinq minutes et l’ennui s’installe, pesant, dans ce dispositif à la symétrie clinique et aux éclairages stériles que la chorégraphie d’Antonio Marquez vient davantage décorer qu’animer. L’avant-dernier opéra de Massenet réclame un regard où s’équilibrent ironie et naïveté, tendresse et sens de la pose si l’on en veut rendre séduisantes les grosses ficelles dramatiques et psychologiques (la tentation du chromo saint-sulpicien guette en permanence), et dévoiler les trésors de nostalgie fantasque. Il y faut du panache - et ce n’est pas ces quatre moulins cheap qui vont nous le donner - et une infinie subtilité dans la direction d’acteurs ; or le plateau semble ici totalement livré à lui même. Seule bête de scène de la distribution, Lafont donne un vrai relief à son Sancho Pança ; son chant vigoureux mais rogue n’est pas en revanche un modèle de rigueur musicale dans un rôle exigeant plus de rondeur et de sens des couleurs. A l’inverse, Carmen Oprisanu étale un très beau matériau vocal (timbre ample, lumineux et homogène, projection percutante), une diction soignée (Janine Reiss est passée par là), mais la ligne de chant manque de mobilité, surtout dans le médium, pour pleinement se couler dans une musique où l’ornement, les chausse-trappes rythmiques, les constantes nuances dynamiques doivent souligner la sensualité, mais aussi les hésitations et le spleen profond d’un personnage que l’interprète ne parvient de toute façon pas à habiter - on y entendrait avec plus de curiosité une Kasarova, une Brunet, une Karneus, voire une Delunsch dans un cadre plus intime. Ne possédant ni la force scénique illuminée de Raimondi, ni la bouleversante poésie de Van Dam pour séduire en chevalier à la Longue Figure, Samuel Ramey devrait s’imposer par la qualité et la noblesse du chant. Mais la voix est désormais encombrée d’un envahissant vibrato qui gâche quelques moments cruciaux - dont la Prière -, même si par bonheur tout l’acte ultime touche par sa force de conviction. Remarquable quatuor de soupirants, où brillent à la fois anciens et nouveaux pensionnaires du Centre de Formation Lyrique ainsi que la toujours excellente Jaël Azzaretti, chœurs admirables de timbres comme d’élocution.
L’intérêt de la soirée se concentre en définitive dans la fosse. Conlon, qu’on a souvent entendu moins inspiré dans le répertoire français, trouve un parfait équilibre entre l’opulence pré-ravélienne des grandes espagnolades, la vitalité et la précision très mozartiennes des phrases de cordes dans les petits dialogues et l’ample lyrisme des airs et des passages dramatiques. Comme toujours, l’orchestre est superbe d’équilibre et de timbres, et d’une discipline assez exceptionnelle un soir de Première dans une partition tour à tour aussi dense et aussi exposée pour les différents pupitres. Mais il distille aussi un caractère, des couleurs, une expressivité, du solo de violoncelle aux dialogues des vents, qui tiennent en haleine et permettent d’oublier tout ce que le plateau n’offre que par intermittences.



Vincent Agrech

 

 

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