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Grandeur du lieu, intimité de l’œuvre

Versailles
Chapelle royale du Château
09/22/2011 -  
Johann Sebastian Bach : Motets «Komm, Jesu, komm» BWV 229, «Fürchte dich nicht, ich bin bei dir», BWV 228, «Der Geist hilft unser Schwachheit auf», BWV 226, «Jesu, meine Freude», BWV 227, et «Singet dem Herr ein neues Lied», BWV 225 – Fantasia sopra Jesu meine Freude BWV 713
François Couperin : Messe pour les couvents: «Elévation – Tierce en taille» et «Offertoire sur les grands jeux»

The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists: Olaf Reimers (violoncelle), Valerie Botwright (contrebasse), Györgyi Farkas (basson), James Johnston (orgue), Sir John Eliot Gardiner (direction)


J.-E. Gardiner


Après une semaine où les grands orchestres de la capitale ont effectué leur rentrée, c’est au tour de la programmation musicale du Château de Versailles, en partenariat avec le CMBV (Centre de musique baroque de Versailles), de reprendre ses activités. Celle-ci s’était conclue, en 2010-2011 sur un magnifique festival «Venise-Vivaldi-Versailles» qui était donné après une année dédiée principalement à l’œuvre d’André Campra (1660-1744), alliant œuvres connues et véritables raretés. Pour l’année 2011-2012, les «Grandes journées» sont, cette fois-ci, consacrées à l’encore méconnu Antoine Dauvergne (1713-1797). Là aussi, de nombreuses exhumations musicales sont attendues tant chez Dauvergne (des extraits de son opéra Polyxène mais aussi l’intégralité de ses ouvrages lyriques que sont Les Troqueurs, Hercule mourant ou La Coquette trompée) que chez Jean-Chrétien Bach avec son opéra Amadis de Gaule, la saison permettant également d’entendre des œuvres chorales et orchestrales de François Devienne, Wolfgang Amadeus Mozart, Nicolas-Marie Dalayrac, André Ernest Modeste Grétry... Précisons enfin que Philippe Herreweghe, Joyce DiDonato, Alan Curtis, Alexandre Tharaud, Sandrine Piau, Jean-Claude Malgoire, Christophe Rousset, Marie-Nicole Lemieux, Raphael Pichon, Jérémie Rohrer et quelques autres seront à la manœuvre, confortant ainsi le Château de Versailles comme le lieu de rendez-vous musicaux incontournables.


Un des grands plaisirs de ces concerts réside également dans le fait de pouvoir écouter de la musique dans des lieux exceptionnels, qu’il s’agisse de la Galerie des glaces ou de celle des batailles, de l’Opéra royal ou, comme ce soir, de la Chapelle royale. Cinquième chapelle du Château, édifiée par Jules-Hardouin Mansart de 1699 à 1708 (elle fut achevée par son beau-frère Robert de Cotte deux ans plus tard), elle frappe le visiteur par la luxuriance de ses décorations (l’autel en dorures ajourées) et des peintures de son plafond où trône notamment, au centre de la nef, une magnifique Gloire de Dieu le Père peinte par Antoine Coypel. On pourra donc sourire au paradoxe d’écouter une musique résolument protestante dans un cadre baroque aussi sublime...


Alors que des débats ont régulièrement lieu, depuis la publication des travaux menés par Joshua Rifkin ou Andrew Parrott, sur le nombre de voix auxquelles il convient de recourir dans l’œuvre de Johann Sebastian Bach (1685-1750), c’est la modestie de l’accompagnement orchestral qui, ce soir, frappe d’emblée. Quatre instrumentistes seulement alors que de récents enregistrements ont proposé un effectif plus conséquent et plus diversifié (les motets BWV 225 et BWV 226 requérant par exemple un hautbois et deux hautbois da caccia, le motet BWV 228 faisant pour sa part appel à des trombones). En vérité, la faiblesse des sources concernant ces motets (composés et remaniés sur une assez longue période qui, vraisemblablement, s’étend de 1723 à 1735) semble permettre de doubler ou non les voix par des instruments et, de ce fait, de varier les interprétations de façon assez considérable.


Bach est un vieux compagnon de Sir John Eliot Gardiner. Ainsi, au sein des multiples disques qu’il lui a consacrés, le chef anglais a très tôt enregistré ses Motets; les deux disques étaient alors parus en avril 1980 chez Erato. Depuis, il a donné une nouvelle version des motets BWV 227 (janvier 2000), BWV 226 (octobre 2000) et BWV 225 (décembre 2000), enregistrés en concert dans le cadre de son magnifique et récent «Bach Cantata Pilgrimage» (toutes ces versions ayant été publiées sous le label Soli Deo Gloria), Gardiner remettant sans cesse la musique de Bach dans ses programmations. Le concert de ce soir marque d’ailleurs le début d’une brève tournée européenne associant Bach et Biber. La réflexion portée sur l’œuvre du Cantor, sa probité intellectuelle, son souci de toujours aller à l’essentiel: autant d’éléments qui font actuellement de John Eliot Gardiner un de ses interprètes les plus avisés. D’autant qu’il dispose des forces du Monteverdi Choir qui, ce soir, divisé en deux chœurs de quatorze chanteurs chacun, a été tout simplement exceptionnel.


On est immédiatement subjugué, le mot n’est pas trop fort, par la souplesse des voix dans le motet «Komm, Jesu, komm» qui ouvrait le concert, Gardiner donnant l’élan nécessaire à l’ensemble dès que cela s’avère nécessaire, chantant d’ailleurs avec le chœur une œuvre qu’ils ont tous parfaitement intériorisée. L’art des nuances (le piano mais aussi le forte de certaines attaques dans le Motet «Fürchte dich nicht, ich bin bei dir», c’est-à-dire «N’aie pas peur, je suis à tes côtés») est évident à chaque instant et contribue à donner de ces motets une interprétation idéale, les voix emplissant sans difficulté le volume de la Chapelle royale dont l’acoustique s’avère excellente, la réverbération étant quasiment inexistante. Le Motet «Jesu, meine Freude» est le plus long des motets de Bach (un peu plus de vingt minutes à lui tout seul) et, certainement, le plus célèbre. Le Monteverdi Choir en renouvelle la dimension, veillant avec une particulière attention aux fins de phrases (les tierces picardes!) et sachant alterner avec justesse douceur et force (le passage «So nun der Geist»). Dans la conclusion du motet BWV 225 («Singet dem Herrn ein neues Lied», c’est-à-dire «Chantez au Seigneur un cantique nouveau»), les chanteurs manifestent une joie communicative qui se termine fort logiquement par un triomphal « Halleluja». L’exceptionnelle prestation des chanteurs du Monteverdi Choir a malheureusement éclipsé en grande partie l’accompagnement orchestral qui, même depuis les premiers rangs, a parfois du mal à bien se faire entendre; on notera néanmoins la prestation de la bassoniste Györgyi Farkas, jouant souvent à l’unisson du violoncelle d’Olaf Reimers. Devant l’enthousiasme du public, Gardiner et les siens donnèrent un bis à la hauteur de ce qui avait été précédemment chanté, le Motet BWV 159 a «Ich lasse dich nicht», supposé être le premier motet jamais écrit par Bach, vers 1712. Le Monteverdi Choir, intervenant sans aucun instrument, fut de nouveau parfait.


Crainte peut-être de ne pas bénéficier, avec ces seuls motets, d’un programme assez conséquent, les organisateurs de ce concert avaient prévu de les entrecouper par quelques œuvres données par l’organiste des English Baroque Soloists, James Johnston. L’orgue de la Chapelle royale, à l’histoire mouvementée (construit par Etienne Enocq à la demande de Louis XIV, il est finalement l’œuvre de Robert Cliquot, remanié à de multiples reprises par la suite et finalement refait par Aristide Cavaillé-Coll en 1873), a été inauguré en 1711 par François Couperin (1668-1733). Il était donc logique que ce compositeur soit à l’honneur avec deux œuvres dont seule l’«Elévation – Tierce en taille» de la Messe pour les couvents (1690) suscite véritablement l’intérêt par l’entrecroisement de ses mélodies et ses passages solennels, convenant idéalement à l’écrin offert par la Chapelle royale.


Signalons enfin que John Eliot Gardiner sera de retour en France à la tête de son Orchestre révolutionnaire et romantique pour un étonnant concert Stravinsky/Brahms/Bruckner à la Salle Pleyel (le 24 octobre) ainsi que, dans quelques mois (les 28 et 30 juin 2012), à la tête de l’Orchestre national de France pour diriger ce qui promet d’être un fantastique Requiem de Berlioz dans le somptueux cadre de la Basilique de Saint-Denis.


Le site de «Château de Versailles Spectacles»
Le site du Monteverdi Choir et des English Baroque Soloists



Sébastien Gauthier

 

 

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