About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Faust tout nu

Paris
Opéra Bastille
09/22/2011 -  et 28 septembre, 1er, 4, 7, 10, 13, 16, 19, 22, 25 octobre 2011
Charles Gounod : Faust
Roberto Alagna (Faust), Paul Gay (Méphistophélès), Inva Mula (Marguerite), Tassis Christoyannis (Valentin), Angélique Noldus (Siebel), Marie-Ange Todorovitch (Dame Marthe), Alexandre Duhamel (Wagner)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Alain Altinoglu*/Garrett Keast (direction)
Jean-Louis Martinoty (mise en scène)


(© Opéra national de Paris/Christian Leiber)


Clash entre le ténor et le chef, simple version de concert en raison d’une grève de certains techniciens : un vent mauvais soufflait sur cette tant attendue reprise de Faust. Public assez clairsemé, du coup, alors que la salle devait être comble. De quoi plonger dans l’embarras Nicolas Joel, à la fois proche de Roberto Alagna et d’Alain Lombard. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le directeur de l’Opéra promettait en tout cas que, faute de le voir, on entendrait Faust. Il ne se trompait pas, même si l’on peut, ici ou là, émettre des réserves : l’ensemble est homogène et vole haut. Et chacun sait qu’en version de concert, on ne peut pas tricher : la musique toute nue, en quelque sorte. Les chanteurs, d’ailleurs, jouent un peu, tirant même parti, pour se déplacer, des rangées de chaises destinées au chœur.


On a beau sourire ou s’agacer de certains propos ou de certains comportements, Roberto Alagna reste un magnifique ténor, le Faust français d’aujourd’hui. Par l’articulation exemplaire, qui renoue avec les grandes heures d’une école de chant. Par le timbre, dont le soleil brille à nouveau, en particulier sur l’aigu – dans la Nuit de Walpurgis, il peut oser sans risque « Doux nectar ». Par la beauté de la ligne et l’élégance du phrasé, rendant anthologique la Cavatine. Un défaut ? Comme souvent, Alagna reste plus chanteur qu’interprète, nous laissant un peu sur notre faim quant à l’approfondissement du texte – la faute peut-être, aux circonstances… Inva Mula, elle, s’identifie mieux à Marguerite qu’à Mireille, qui éprouvait une tessiture ici très homogène. On a certes connu voix plus rondes, timbres plus soyeux, sans parler d’articulations plus précises, mais elle incarne un personnage, non sans un côté Mimi, nous offrant la trop souvent omise Chanson du rouet. Elle pèche seulement par des Bijoux laborieux, faute d’un allègement suffisant de l’émission.


Le chant français s’incarne également en Paul Gay, dont les progrès ne sont plus à souligner. Son Méphisto revient heureusement à une tradition plus authentique, qu’avaient fait oublier les Christoff, Ghiaurov ou Ramey. Moins uniformément méchant, le diable devient plus insinuant, plus inquiétant, plus ironique que ricanant, trop bonhomme aussi. Il lui manque, pour être totalement crédible, la puissance de la voix, le mordant du timbre, la profondeur des graves – que n’avait pas forcément un van Dam, qui compensait tout par un travail très fouillé sur la déclamation. Après Les Vêpres siciliennes à Genève, Tassis Christoyannis confirme son assimilation de notre répertoire, Valentin au timbre riche en harmoniques, à la ligne sûre et racée, moins matamore que frère aimant et blessé. Parfaite Marie-Ange Todorovitch en Dame Marthe coquine et pas en bout de course vocale, alors qu’Angélique Noldus paraît un peu chercher la tessiture de Siebel.


Alain Altinoglu a beau connaître son Faust par cœur, lui qui l’a récemment dirigé à Vienne avec Roberto Alagna, il se trouvait dans une situation délicate, puisque l’orchestre avait déjà travaillé avec Alain Lombard. Cela explique peut-être une certaine sécheresse de la pâte et de la direction dans les deux premiers actes, où se révèlent pourtant un sens aigu des couleurs, une volonté de respecter l’intimisme de la partition et d’éviter de sombrer dans le pompiérisme. La musique respire davantage à partir du troisième, des tempi jamais précipités laissant s’exhaler les saveurs des bois. Ce qui frappe surtout, c’est la restitution des nuances, fruit d’une analyse rigoureuse de la partition – et quel beau violon solo dans la Cavatine! Cela fait excuser, aussi, certaines baisses de tension là où on souhaiterait une direction plus théâtrale. Mais là encore, les circonstances… La restitution des nuances ne se trouve pas moins du côté du chœur, d’une rare homogénéité. La Kermesse est parfaitement tenue, la Valse retrouve la légèreté de son rythme et la clarté de ses lignes, les Soldats ne crient jamais : on ne se souvient pas d’avoir entendu, de ce point de vue, Faust aussi bien chanté, comme si la partition était ouverte sous nos yeux.


A voir, maintenant.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com