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Vers la voûte étoilée

Forcalquier
Mane (Prieuré de Salagon)
07/27/2011 -  
Ernest Bloch: Trois Nocturnes pour trio avec piano (*)
Anton Webern: Trois petites pièces pour violoncelle et piano, opus 11 (#)
Franz Schubert: Quatuor n° 13 «Rosamunde», D. 804 (&)
Michael Jarrell: ...Nachlese... II (~)
César Franck: Quintette avec piano (+)

Pierre-Olivier Queyras (~), Anke Dill (+) (violon), Pascal Robault (+) (alto), Véronique Marin (~), Jean-Guihen Queyras (#) (violoncelle), Frédéric Lagarde (+), Alexander Melnikov (#) (piano), Dumky Trio (* +): Frédéric Lagarde (piano), Pierre-Olivier Queyras (violon), Véronique Marin (violoncelle), Quatuor Salagon (&): Christine Busch, Lisa Immer (violon), Sebastian Wohlfahrt (alto), Gesine Queyras (violoncelle)




Tout a commencé en juillet 1983 par une «journée continue» de musique de chambre donnée gratuitement par une poignée d’étudiants des conservatoires de Paris et de Lyon en la cathédrale de Forcalquier, puis reconduite d’année en année. Officiellement lancées en 1989, les Rencontres musicales de Haute-Provence sont restées fidèles à leurs origines: même si elles ont pris peu à peu de l’ampleur – répétitions à accès libre depuis 1996, mise en place d’une programmation hors période estivale sur le territoire de la communauté de communes du Pays de Forcalquier-Montagne de Lure depuis 2004, stages ouverts aux élèves de l’école intercommunale de musique – une édition ne saurait débuter sans les quatre heures partagées avec le public à Notre-Dame-du-Bourguet.


Le lieu emblématique du festival n’est toutefois pas situé à Forcalquier, mais à 2 kilomètres de là, à Mane: le prieuré de Salagon, son église romane (XIIe) aux vitraux (1998) d’Aurélie Nemours et son logis Renaissance, propriété du conseil général abritant par ailleurs un musée ethnologique dédié à l’histoire et à la société provençales ainsi qu’un «jardin ethnobotanique». 250 places seulement et une acoustique un peu trop généreuse pour certaines formations, mais un espace couvert – cela n’est pas sans importance par des mois de juillet pluvieux – et de superbes vues sur la campagne environnante. Pas question d’abandonner ce site qui a grandement contribué à établir la réputation de convivialité, de taille humaine: les trois premiers concerts de cette édition s’y tiennent donc.


Cela tombe bien, car la météo n’est redevenue plus clémente que pour les trois autres concerts, qui sont organisés pour leur part en plein air, dans un espace inauguré à l’issue de la précédente édition, le cloître des Cordeliers, dans le bas de Forcalquier. C’est là que le festival, dont la thématique «Ombres et lumières» est suffisamment vague pour pouvoir satisfaire le plus large public, devait prendre fin, sur des «Harmonies en couleurs», autre rencontre, «musicale et picturale» celle-là, avec la participation active in situ de Valérie Buffetaud, qui laissera guider son inspiration, sur l’instant, par les musiques qui seront jouées en même temps. C’est que le cru 2011 est intitulé «Ombres et lumières», thématique suffisamment floue pour que Liszt en soit exclu – le royaume des pianistes, à cette saison, se situe non loin de là, dans les Bouches-du-Rhône – et que Beethoven, Schubert et Webern en apparaissent comme les principales têtes d’affiche, sans compter bien sûr Michael Jarrell, compositeur en résidence, qui succède à Krystof Maratka, Gilbert Amy, Philippe Schoeller, Sven-Ingo Koch, Ivan Bellocq et Bruno Mantovani, et dont une pièce, y compris une création spécialement écrite pour les Rencontres, est programmée à chaque concert.


En allant «vers la voûte étoilée», pour reprendre le titre du poème symphonique de Koechlin, le festival acquiert une nouvelle dimension, puisque la capacité d’accueil du cloître est deux fois plus importante que celle du prieuré, mais n’entend pas changer de nature, quelle que soit la force de la dimension affective inhérente à Salagon. Car l’âme de ce festival qui cultive opportunément la simplicité et la proximité, c’est évidemment la famille Queyras au grand complet: les deux frères, le violoniste Pierre-Olivier et le violoncelliste Jean-Guihen, ainsi que leurs épouses Véronique Marin et Gesine Queyras, toutes deux violoncellistes, mais aussi le père, Jean-François, le potier des Iscles, qui prend visiblement plaisir à s’adresser aux spectateurs au travers d’une présentation liminaire aussi attachante que personnelle.


Rien de neuf de ce point de vue: la famille s’entoure de ses amis pour donner des programmes copieux, mais pas indigestes, notamment grâce à leur diversité stylistique et à leur originalité. Ainsi de ces Trois Nocturnes (1924) pour trio avec piano de Bloch, dont on se demande, à les entendre par le Dumky Trio (constitué de Frédéric Lagarde, Pierre-Olivier Queyras et Véronique Marin), pourquoi ils ne sont pas joués plus souvent: difficile de reconnaître le compositeur, au demeurant, tant dans le premier, qui porte l’influence de Debussy et Ravel, que dans le deuxième – avec son beau chant de violoncelle s’exaltant dans la partie centrale, aussi quiet que le précédent avait pu paraître inquiet – et dans le troisième, un Tempestoso hérité des troubles nuits schumanniennes, même si l’apaisement semble finalement l’emporter.


Les Trois petites pièces (1914) de Webern constituent un ensemble encore plus bref, «paroxysme d’hyperexpressivité» que Jean-Guihen Queyras présente au public: avec son partenaire Alexandre Melnikov, il les joue une première fois presque intégralement, en prenant bien soin de décomposer à haute voix le rythme, pour mettre ainsi en lumière une valse lente dans la première et une valse rapide dans la deuxième. Il manquait encore Gesine Queyras, et la voici donc comme membre d’un circonstanciel «Quatuor Salagon», formé par ailleurs de trois autres Allemands, Christine Busch et Lisa Immer au violon ainsi que Sebastian Wohlfahrt à l’alto. Mais leur interprétation du Treizième Quatuor «Rosamonde» (1824) de Schubert n’est pas le meilleur moment de cette soirée, semblant manquer de conviction et rester en deçà du potentiel expressif de l’œuvre.


Comme de coutume, l’entracte permet de retrouver un peu de fraîcheur devant l’église, avec un muscat effervescent ou un jus de pomme, avant de découvrir une brève page de Jarrell, ...Nachlese... II (2007). Elle s’inscrit dans une série de «relectures» (Nachlese) entamée la même année par ...Nachlese... pour soprano et quatuor, puis suivie, à ce jour, de deux autres, respectivement pour clarinette, violoncelle et orchestre (III «Es bleibt eine zitternde Bebung») et pour violon et orchestre (IV «Paysages avec figures absentes»). Destinée à Ilya Gringolts et Marc Coppey, elle procède à la «relecture» d’un passage d’Aus Bebung (1995) pour clarinette et violoncelle, jouée deux jours plus tôt et elle-même tirée de Bebung (1995) pour les mêmes instruments et ensemble. Dans une courte intervention où, répondant aux propos tenus par Jean-Guihen Queyras en première partie, il commence par comparer Webern à son compatriote Giacometti, le compositeur suisse dit avoir été inspiré par la notion de pulsation et par les scherzos tout en pizzicato des Quatuors de Debussy et Ravel: de fait, seul le violon (Pierre-Olivier Queyras) recourt, très marginalement, à l’archet, tandis que le violoncelle (Véronique Marin) est confiné à ce mode de jeu durant les cinq minutes que dure la partition. Spectaculaire et foisonnant, le discours se raréfie progressivement jusqu’à l’extinction au seuil de l’audible.


Associant la violoniste Anke Dill et l’altiste Pascal Robault au Dumky Trio, les élans chaleureux et passionnés du Quintette avec piano (1879) de Franck sonnent un peu large pour le lieu, mais témoignent, même au prix de quelques accrocs, d’un engagement autrement plus convaincant que dans Schubert: voilà un «Pater seraphicus» qui ne néglige certainement pas les bonheurs terrestres et qui se serait certainement joint avec joie à la dégustation de produits de la région – charcuterie, fromages, fruits, pâtes de fruits, vins – qui prolonge la convivialité bien au-delà de minuit.


Le site des Rencontres musicales de Haute-Provence
Le site de Michael Jarrell
Le site du prieuré de Salagon



Simon Corley

 

 

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