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De Leipzig au Rhin

Paris
Salle Pleyel
06/23/2011 -  
Robert Schumann : Ouverture «Hermann und Dorothea», opus 136 – Konzertstück pour quatre cors, opus 86 – Symphonie n° 3 «Rheinische», opus 97
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5, opus 73

Till Fellner (piano), André Cazalet, Benoît de Barsony, Bernard Schirrer, Jean-Michel Vinit (cors)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)


T. Fellner (© Fran Kaufman)


A la différence de celui de Christoph Eschenbach, le Beethoven de Paavo Järvi est allégé, vif et nerveux – ceux qui ne connaissaient pas ses enregistrements ont déjà pu en avoir un premier aperçu dans la Quatrième Symphonie en mars dernier, avant d’entendre la Cinquième en inauguration de la prochaine saison de l’Orchestre de Paris. Mais quid dans Schumann, que son prédécesseur avait beaucoup pratiqué durant son mandat? La peu courante ouverture Hermann et Dorothée (1851) n’apporte pas de réponse très tranchée: si la présence de huit contrebasses inquiète, le chef, malgré cet important effectif de cordes, s’attache à éclaircir les textures schumanniennes, mais le ton, d’une amabilité toute mendelssohnienne, semble néanmoins manquer un peu de conviction.


Le long poème de Goethe dont s’est inspiré Schumann, au moment même du coup d’Etat du futur Napoléon III, fait référence à la période révolutionnaire, nouvelle occasion pour le compositeur de citer La Marseillaise. Mais l’Empereur ne perce alors pas encore sous Bonaparte et de toute façon, ce n’est pas lui qui, malgré son sous-titre et à la différence de la Symphonie «Héroïque», inspire à Beethoven son Cinquième Concerto (1809). L’œuvre est à l’affiche trois saisons de suite à l’Orchestre de Paris: avant Yefim Bronfman en janvier prochain, Till Fellner (né en 1972) fait oublier la déception suscitée par Radu Lupu en juin 2010. Sous l’œil de ses collègues Vahan Mardirossian et Jonas Vitaud, le pianiste viennois, qui vient de donner de par le monde l’intégrale des Sonates, séduit par sa liberté, dès la quasi-cadence liminaire: élégant, assuré, net et sans fioritures, son jeu possède suffisamment de diversité pour rendre justice au caractère dramatique et épique du développement du premier mouvement, pour situer l’Adagio un poco mosso entre Mozart et le bel canto puis pour livrer un Finale plus souriant que conquérant. L’orchestre, massif et en forme moyenne, n’apparaît pas malheureusement toujours en phase avec le soliste.


Fellner reviendra à Gaveau le 28 novembre avec Mark Padmore dans Le Voyage d’hiver, puis les 11 et 12 janvier à Pleyel dans le Quatrième Concerto de Beethoven sous la direction de Herbert Blomstedt, mais son bis s’inscrit dans l’incontournable «année Liszt» – celui-ci fut d’ailleurs l’un des premiers à défendre le Cinquième Concerto, qu’il joua notamment à Paris sous la direction de Berlioz, au moment où il travaillait sur son propre Premier Concerto, dans la même tonalité de mi bémol. Avec une pimpante «Canzonetta del Salvator Rosa» tirée de la Deuxième (Italie) des Années de pèlerinage (1849), il montre que comme son mentor Alfred Brendel, on peut être à la fois un grand beethovénien et un grand lisztien.


Il rejoint les rangs du public pour la seconde partie de ce généreux programme alternant grand répertoire et pages moins connues: offerte deux jours plus tôt sous la pyramide du Louvre à l’occasion de la Fête de la musique, elle débute par le rare Konzertstück pour quatre cors (1849). Le pupitre de l’Orchestre de Paris, emmené par ses deux premiers solos André Cazalet et Benoît de Barsony, négocie avec talent les redoutables aigus que Schumann destine à l’instrument emblématique du romantisme allemand. La cohésion et la sonorité d’ensemble du quatuor frappent, mais elle ne surprend guère à la lecture de la biographie des deux autres cornistes: Jean-Michel Vinit a été le professeur de Barsony... avant que celui-ci n’étudie avec Cazalet, qui fut lui-même l’un des maîtres de Bernard Schirrer.


Le détour par les bords de l’Elster – c’est à Leipzig que furent en effet créés aussi bien le Concerto «L’Empereur» que le Konzertstück – prend fin après ce bonus bienvenu au traditionnel déroulement ouverture/concerto/symphonie: retour sur les bords du Rhin, cadre de l’action de Hermann et Dorothée, ce Vater Rhein glorifié par Schumann dans sa Troisième Symphonie (1850). Par bonheur, la Rhénane de Paavo Järvi se positionne aux antipodes de celle de Daniele Gatti en septembre dernier avec le National: svelte, enthousiaste, frémissant, plus ardent que majestueux, allant sans cesse de l’avant, quitte à omettre la reprise du premier mouvement ou à aborder fort vivement le deuxième mouvement, pourtant marqué «Très modéré», le chef donne ici une réponse beaucoup plus évidente qu’en début de soirée à la question initialement posée: son Schumann possède bien toutes les qualités de son Beethoven. Suivent un Intermezzo délicat et gracieux, un Maestoso dépourvu d’anachronique solennité brucknérienne et, attaca, un Finale juvénile et espiègle, s’acheminant vers une péroraison en apothéose, renforcée d’un cinquième cor. Vivement la Première Symphonie les 11 et 12 avril prochain!


Le site de Till Fellner



Simon Corley

 

 

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