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Reviens, Jason, j’ai la même à la maison !

Montpellier
Le Corum
07/30/2000 -  
Luigi Cherubini : Médée

Denia Mazzola-Gavazzeni (Médée), Tatiana Lisnic (Glauce), Jeanne Piland (Neris), Michael Sylvester (Jason), Roberto Scandiuzzi (Créon)
Choeur de Radio France, Orchestre National de France, Friedemann Layer (direction)

Expert confirmé en matière de choix scabreux, Lucien Rebatet aimait à dénoncer " le caprice de Madame Callas " qui avait conduit à ramener sur scène, il y a cinquante ans, un ouvrage jugé aussi académique et formaliste que cette Médée. Notre connaissance moderne du répertoire pré-romantique permet d’en mieux cerner les titres et les limites, et si l’inspiration de Cherubini demeure nettement en deçà de celle de Gluck (le modèle d’Armide, one-woman show d’une toute autre dimension musicale et dramatique, vient naturellement à l’esprit), on n’en goûte pas moins, oubliées quelques fadaises, des airs solistes d’une belle facture, un duo suivi d’un ensemble très impressionnant à la fin du deuxième acte, et surtout un étonnant troisième, construit comme un gigantesque monologue où la musique se met avec une grande économie d’effets au service du seul impact dramatique du texte.

Malheureusement, le festival de Montpellier a choisi de proposer la version italienne remaniée à un siècle d’écart par Lachner et Zangarini, plutôt que l’original français avec dialogues parlés, qui aurait permis de mieux juger des intentions du compositeur. Il en résulte un jeu de comparaison fâcheux mais inévitable avec les enregistrements bien connus des amateurs, renforcé par la présence en tête d’affiche de Denia Mazzola-Gavazzeni. La soprano italienne a certes le mérite de nous sauver d’Hildegard Behrens, qu’on peine à imaginer maîtresse, même au faîte de ses moyens, de la tenue instrumentale animée par les mots qu’exige la tragédie lyrique du XVIIIème - pour comble de rage, les Médée françaises en puissance ne manquent pas aujourd’hui : Brunet, Valayre, voire Delunsch avec la salle et l’effectifs orchestral adéquats. N’ayant eu de surcroît qu’un temps très bref pour préparer son remplacement, Denia Mazzola en est réduite à copier les outrances de Callas (registres disjoints, vociférations hystériques) sans en retrouver le génie (l a noblesse du phrasé, les larmes dans la voix, la subtilité des nuances piano, ici essentielles) : son "Dei tuoi figli" uniformément vindicatif, plutôt que d’attendrir Jason, ne peut que le mettre en fuite. Cependant, l’engagement dramatique de l’artiste est total, la projection de la voix d’une autorité confondante et la diction d’un formidable relief ; elle réussit un dernier acte d’une indéniable puissance, méritant le triomphe que lui réserve la salle. Son incarnation domine comme de juste un plateau où Scandiuzzi démontre une fois de plus sa solidité, la mezzo Jeanne Piland témoignant pour sa part d’une belle musicalité en dépit d’une voix plutôt ordinaire. Sylvester, au timbre homogène et fluide mais sans corps et sans arrêtes, et la soprano Tatiana Listic, dotée d’une jolie couleur mais en péril dans le suraigu, sont plutôt à ranger au rayon des utilités dans des rôles qui permettraient mieux.

Malgré quelques départs hasardeux, les cordes du National sculptent des marbres à la fois amples et élancés, les vents exposant leurs inégalités (splendide solo de basson de Philippe Hanon justement couronné au rideau final, très belles flûtes, hautbois indécent une fois de plus). Muti, Gardiner ou Minkowski donneraient chacun à leur façon de cette oeuvre une lecture excitante et nouvelle. On doit ici se contenter du modeste Friedemann Layer, qui tente un grand écart périlleux à chaque transition rythmique un peu subtile et semble suivre son orchestre plutôt que le diriger. Il est temps décidemment pour le festival de Montpellier de s’interroger sur le sérieux de sa démarche musicologique et des moyens interprétatifs accordés à sa programmation lyrique, la seule rareté des oeuvres ne pouvant tenir lieu de ligne directrice.




Vincent Agrech

 

 

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