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L’accompagnateur sort de l’ombre

Paris
Institut hongrois
06/04/2011 -  
Frédéric Chopin : Valses, opus 64 n° 1 et n° 2 – Etudes, opus 25 n° 1 et n° 2 – Andante spianato et Grande Polonaise brillante, opus 22
Franz Liszt : Totentanz – Trois Etudes de concert: Un sospiro – Miserere du Trovatore – Rhapsodie hongroise n° 2
Franz Schubert : Gretchen am Spinnrade, D. 118 – Rastlose Liebe, D. 138 – Schwanengesang, D. 957: «Die Stadt» – Erlkönig, D. 328

Maciej Pikulski (piano)


M. Pikulski


Ethel Rey se plaît à faire connaître à l’Institut hongrois de jeunes pianistes qu’elle a sélectionnés avec un goût très sûr, mais pour conclure sa saison, elle a opté pour un artiste auquel ce ne sera pas manquer de respect que de considérer qu’à quarante-deux ans, il n’appartient plus tout à fait à cette catégorie – pour ce qui est en tout cas de l’état civil. L’initiative de la présidente de l’association Arthèmes n’en est pas moins louable, car l’occasion est en fait assez rare d’entendre en solo Maciej Pikulski: l’accompagnateur privilégié de José van Dam, bien sûr, mais aussi de Felicity Lott ou Laurent Naouri, souffre nécessairement un peu de l’ombre de ses prestigieux partenaires mais sans doute aussi d’un agenda bien rempli, celui d’un musicien très demandé par les chanteurs et chambristes. Voilà probablement une des raisons pour lesquelles il se produit devant des rangs très fournis, où l’on reconnaît notamment son confrère Nicolas Stavy et auxquels il s’adresse au fur et à mesure pour commenter les œuvres: autant en profiter, car si, dans cette catégorie de pianistes, les mythiques Michael Raucheisen, Gerald Moore et Jean Hubeau ont eu une activité de récitaliste ou de concertiste, le peu qu’on en sait incline à penser soit qu’ils n’en ont guère eu le temps, soit qu’ils n’ont guère eu envie de le faire savoir...


Comme il y a cinq ans dans le cadre du festival «Les Journées romantiques» qu’il a fondé et qu’il codirigeait alors avec David Selig, il a choisi Chopin et Liszt: programme en écho à la fois à l’interprète et au lieu, associant le plus célèbre Polonais de Paris au héros de l’année 2011. L’Institut hongrois de Paris, à deux pas du jardin du Luxembourg, trouve ainsi un complément à sa propre programmation lisztienne, d’une qualité exemplaire: retracée dans un superbe livret comprenant des textes de Jean-Yves Clément, commissaire général de l’année Liszt en France, elle a notamment accueilli, depuis janvier, Jenö Jandó, Adrienne Krausz et Károly Mocsári, et prendra fin le 25 juin avec un récital de la soprano Lúcia Megyesi Schwartz et de la pianiste Izabella Simon.


Mais c’est donc avec Chopin que débute la soirée et deux de ses trois Valses de l’Opus 64 (1847): après une Deuxième bien compliquée, maniérée et hésitante, où le pianiste paraît gêné par son Steinway (dont il ajustera ensuite à plusieurs reprises l’ouverture du couvercle), la Première – la fameuse «valse minute» – ne manque ni de coquetterie, ni de spiritualité. Il enchaîne sur deux des Etudes de l’Opus 25 (1836): la Première, guère chatoyante, puis la Deuxième, expédiée à toute allure. La Grande Polonaise brillante, précédée de son Andante spianato (1831), semble bien plus satisfaisante, d’un point de vue tant technique, avec ses traits finement articulés, que stylistique, avec une très séduisante hauteur aristocratique.


Ce diptyque de Chopin existe dans une version dotée d’un accompagnent orchestral, ce qui est bien évidemment aussi le cas de la Danse macabre (1859) de Liszt, dont Pikulski joue ici la rare adaptation pour piano seul (avec une coda légèrement différente) réalisée six ans plus tard par le compositeur lui-même (peu de temps avant qu’il ne réserve le même sort à une autre Danse macabre, celle de Saint-Saëns). La version concertante étant déjà passablement redoutable, inutile de dire que le pianiste doit ici faire preuve de bravoure: les arpèges du début passent difficilement et les accrocs, dont on pourra assurément imputer une partie à la chaleur étouffante qui règne dans la salle pleine à craquer, ont tendance à se multiplier, mais le moins qu’on puisse dire est qu’il faut du cran pour aborder de telles partitions en concert.


La seconde partie s’ouvre sur quatre des plus célèbres mélodies de Schubert dans des arrangements (1838-1839) de Liszt, qu’il a enregistrés voici quelques années chez Zig-Zag Territoires: après un bon Marguerite au rouet (1814), il est moins heureux dans Amour sans repos (1815), mais crée de magnifiques sonorités dans «La Ville», extrait du Chant du cygne (1828), et réalise une narration dramatique très convaincante du Roi des aulnes (1815). Comme si l’accompagnateur réputé voulait décidément prendre une sorte de revanche en devenant lui-même chanteur, non seulement de lieder mais d’opéra, après une pause bienvenue avec un remarquable «Un sospiro», dernière des Trois Etudes de concert (1848), il s’attaque à l’une des huit «paraphrases de concert» verdiennes de Liszt, le Miserere du «Trouvère» (1860), où ses qualités de coloriste font merveille. Pour finir en beauté, une Deuxième Rhapsodie hongroise (1847) tout aussi racée que la Polonaise en première partie, sans esbroufe, ni vulgarité, ni cabotinage, mais non sans saveur.


Les spectateurs en redemandent: une des six mélodies de Chopin transcrites par Liszt aurait constitué un bis idéal, associant les trois facettes de ce récital essentiellement hongrois d’un Polonais expert en musique vocale, mais il préfère offrir les Cinquième et Septième des dix Préludes de l’Opus 23, histoire de montrer que son Rachmaninov plus délicat qu’athlétique mérite le détour et de faire du même coup un peu de réclame: il vient en effet de lui consacrer un disque, intitulé «Inspiration», complété par la Deuxième Sonate de Chopin et tout juste paru chez Stermaria, éditeur d’autant plus mystérieux que son nom proustien évoque plutôt la littérature que la musique.


Le site de l’Institut hongrois
Le site de Maciej Pikulski



Simon Corley

 

 

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