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Point d’exclamation

Paris
Théâtre du Châtelet (Foyer)
06/01/2011 -  
Johann Sebastian Bach : Partita n° 1, BWV 825
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate n° 8, K. 300d [310]
Franz Schubert : Impromptus D. 899 n° 2 et n° 3
Frédéric Chopin : Valses opus 34 n° 2 et opus 64 n° 1 et n° 2
Franz Liszt : Années de pèlerinage. Troisième Année: «Les Jeux d’eaux à la Villa d’Este» – Deuxième Année (Italie): «Sonetto 104 del Petrarca»

Paul Badura-Skoda (piano)




Créé par Dominique Xardel, président, et Julien Kurtz, directeur artistique, le festival Les Amateurs! se définit lui-même comme «itinérant»: parti de la Maison de Radio France en 2008, il s’installe au foyer du Châtelet du 1er au 5 juin, à la faveur du long week-end de l’Ascension, après être passé par Nice (2009, 2010), Rio (2009) et Shanghai (2010), et avant de découvrir Budapest (du 31 octobre au 5 novembre). Le principe en est simple: réunir deux fois par an des finalistes des concours de piano amateur, mais sans esprit de compétition, pour le simple plaisir de jouer. Le qualificatif, fièrement revendiqué avec son point d’exclamation, est moins péjoratif que jamais: est «amateur» non seulement celui qui aime (passionnément, voire à la folie), mais aussi celui qui est capable de jouer les Kreisleriana de Schumann, la Méphisto-Valse de Liszt, Petrouchka de Stravinski ou bien des Regards sur l’Enfant Jésus de Messiaen – pour prendre quelques-unes des œuvres au programme de ces musiciens dont on peut penser que s’ils sont «amateurs», c’est qu’ils n’ont pas fait le choix d’être «professionnels», accomplissant par ailleurs une brillante carrière dans un tout autre domaine.


Chacune des cinq journées se déroule de la même manière: trois concerts, en solo ou partagés, à deux pianos ou même avec violon ou saxophone (à 14 heures 30, 16 heures 30 et 18 heures 30), sont précédés à 10 heures par un cours (public) de maître, lequel offre un récital à 20 heures 30, à l’issue duquel les spectateurs sont invités à partager un moment de convivialité autour d’un verre. Avant Bernard d’Ascoli, Jean-François Zygel, Siheng Song et Dana Ciocarlie, c’est Paul Badura-Skoda qui ouvre le bal, devant un public plus jeune qu’à l’accoutumée mais bien trop peu nombreux pour un tel événement. Car il ne faut jamais manquer une occasion d’entendre ce jeune homme de quatre-vingt-trois ans, toujours aussi affable, toujours adepte de la liberté et de la prise de risque, qui appose sa marque, passionnante et atypique, sur tout ce qu’il interprète et qui affronte crânement les difficultés, même s’il est bien davantage trahi par ses doigts que son aîné Aldo Ciccolini.


Pas soucieuse de «vérité» historique pour deux thalers, plus sensuelle qu’abstraite ou métaphysique, la Première Partita de Bach ne s’en révèle pas moins fascinante: à force de pédale et de rubato, on se demande si elle n’a pas été arrangée par Busoni, mais cette souplesse de tempo et de mesure, ces sonorités fondues et ces angles arrondis respirent le bonheur et la sérénité, en harmonie avec ces tours de Notre-Dame que le soleil couchant colore d’un apaisant ocre clair. Changement de ton avec la Huitième Sonate (1778) de Mozart (nantie de toutes ses reprises): rythmes pointés vindicatifs, attaques perçantes, frictions harmoniques soulignées, Finale haletant – on croirait déjà l’Appassionata, même au détour de l’Andantino con espressione central.


Voici ensuite deux Impromptus de l’Opus 90 (1827) de Schubert, autre de ses compositeurs de prédilection: le Deuxième (en sol bémol), où la parfaite ligne de chant de la main droite ne peut évoquer qu’un lied, puis le Troisième (en mi bémol), marquant solidement la main gauche pour soutenir une allure effrénée qui se révèle globalement payante. On le connaît en revanche moins dans Chopin – et c’est dommage, à en juger par les trois valses qu’il a choisies: il ne traîne pas dans la dernière des trois de l’Opus 34 (1838), lui conférant en outre un balancement typiquement viennois; dans un tourbillon de plus en plus rapide, la Deuxième de l’Opus 64 (1847) se caractérise par une main droite très ferme, tandis que la Troisième n’a jamais autant mérité son surnom de «valse minute», enlevée à une vitesse folle, pour tout dire littéralement casse-gueule. Mais Jean-Marc Luisada, expert chopinien s’il en est, donne encore plus de la voix, extériorisant un enthousiasme qui le conduit parfois à formuler des commentaires admiratifs alors même que son aîné est encore au clavier.


Peut-être à la faveur de son bicentenaire, Liszt, un répertoire dans lequel on n’a pas non plus tellement l’habitude d’entendre Badura-Skoda, conclut ce récital chronologique et sans entracte: au lieu du fameux Troisième Nocturne «Rêve d’amour» qui avait été initialement annoncé, il a préféré un extrait de la Troisième (1877) des Années de pèlerinage, «Les Jeux d’eaux à la Villa d’Este», aux couleurs éclatantes et à la saveur orchestrale, puis le «Sonnet 104 de Pétrarque», tiré de la Deuxième année (Italie) (1849), où, comme dans Schubert, l’épanouissement du chant frappe une fois de plus.


On se demande encore comment la Quatrième des Etudes de l’Opus 10 (1832) de Chopin a pu arriver à peu près à bon port, tant il lui imprime un train d’enfer, mais après s’être amusé à relever ce défi virtuose, le poète est de retour, dans la même tonalité d’ut dièse mineur, pour le célèbre Nocturne (1830) posthume. Mais le musicologue n’est jamais loin, précisant avec son délicieux accent autrichien qu’il a opté pour la version originale, se référant au manuscrit, dont la partie centrale offre un rythme plus complexe que la version usuellement retenue.


Le site du festival Les Amateurs!
Le site de Paul Badura-Skoda



Simon Corley

 

 

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