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Le Festspielhaus de Baden-Baden pavoise

Baden-Baden
Festspielhaus
05/13/2011 -  et 12 (Basel), 15 (Wien), 19 (Berlin), 21 (Dresden), 23 (Leipzig) mai 2011
Gustav Mahler : Kindertotenlieder – Symphonie N° 5

Thomas Hampson (baryton)
New York Philharmonic, Alan Gilbert (direction)


A. Gilbert (© Jochen Klenk)


«L’Orchestre Philharmonique de Berlin et le Festspielhaus de Baden-Baden vont créer conjointement un nouveau festival de concerts et d’opéra à partir de Pâques 2013». Ce bref communiqué de presse, publié alors que le Festspielhaus vient tout juste d’accueillir le New York Philharmonic en tournée, annonce rien moins qu’un important changement dans la carte des festivals européens, mutation dont la région de Baden-Baden a tout lieu de se réjouir.


«Nous avons besoin de perspectives sûres pour nos activités d’opéra et de concert, une stabilité à long terme que le Festspielhaus de Baden-Baden peut nous offrir»… Tenus par un représentant officiel des Berliner Philharmoniker ces propos paraissent clairs : la phalange d’élite berlinoise vient chercher ici ce qu’elle ne trouve plus ailleurs, en l’occurrence à Salzbourg, où l’organisation du Festival de Pâques souffre depuis plusieurs saisons des conséquences financières de malversations commises par un administrateur peu scrupuleux. En l’occurrence dans la ville natale de Mozart beaucoup de dents grincent déjà haut et fort suite à cette défection inopinée, pendant que dans l'ex-ville de villégiature de Brahms on se réjouit largement de cette future collaboration prestigieuse, qui envisage une programmation élargie par rapport aux Osterfestspiele salzbourgeois, abandonnés par leur orchestre à l’issue de l’édition 2012. La nouvelle manifestation annonce, en marge des grands concerts et représentations lyriques de rigueur, une ouverture vers des projets plus «expérimentaux» ou des récitals de jeunes artistes promus par la Fondation de l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Ces concerts pourront investir non seulement le vaste Festpielhaus mais aussi d’autres endroits plus intimistes de la ville thermale de Baden-Baden (le luxueux complexe du Kurhaus, le joli petit théâtre 19e où fut créé Béatrice et Bénédict de Berlioz, le cadre très contemporain du Musée Burda…), possibles lieux de concert tous architecturalement remarquables.


Mais revenons pour l’instant au présent concert, non moins luxueux. Ce passage du New-York Philharmonic au cours d’une tournée européenne commencée la veille à Bâle et qui se terminera à Prague le 24 mai, a suscité l’intérêt d’un public nombreux et d’origines géographiques variées. C’est ce type d’auditoire prêt à se déplacer de loin pour une seule soirée de prestige, voire pour quelques jours de vacances haut de gamme incluant un ou deux concerts, que le Festival de Baden-Baden cible prioritairement, grâce à des affiches aussi alléchantes que possible, garantes d’un remplissage suffisant. Quant un juste dosage entre interprètes vedettarisés et programme attractif est trouvé la salle se garnit bien. Ce soir-là la recette semble avoir fonctionné, attirant un public nombreux et de surcroît concentré et très silencieux (ce qui n’est pas toujours le cas, malheureusement …).


En début de programme le baryton américain Thomas Hampson se taille un beau succès personnel dans les Kindertotenlieder de Mahler. Si l’interprète garde une prestance et un magnétisme indéniables sa voix accuse aujourd’hui quelques zones d’ombre, avec des graves qui manquent de puissance et des aigus qui commencent à tirer dans les passages les plus exposés. L’articulation allemande manque aussi de clarté à certains moments, transformant ces Lieder où chaque mot compte en tableaux allusifs dont on comprend globalement la substance mais dont trop de détails restent estompés. Heureusement l’émotion véhiculée par ces pièces d’un post-romantisme maladif, cruellement prémonitoires dans la vie de Mahler, est globalement préservée grâce à l’apport décisif des timbres du New York Philharmonic, dont les bois brillent par leur sécurité et leurs magnifiques couleurs automnales.


Alan Gilbert, jeune directeur musical du New York Philharmonic, dont il est responsable depuis 2009, déconcerte ensuite par une 5e Symphonie de Mahler qui semble ignorer toute tradition viennoise. L’orchestre est en permanence relancé par une battue relativement difficile à déchiffrer depuis la salle mais qui paraît sur-diriger de nombreux passages en décomposant minutieusement les mesures. L’effet d’avancée obtenu est saisissant, encore que les tempi ne soient jamais exagérément rapides, mais il est entretenu au prix d’une relative raideur. On apprécie l’absence de dispersion apparente d’une telle interprétation, qui empêche l’auditeur de buter constamment sur l’épisode suivant d’une action musicale qui parfois n’en finit pas de se répandre en péripéties, mais quand même, ici ou là, un rien d’alanguissement et de pathos supplémentaires ne dépareraient pas. Cette exécution franche deviendrait vite excessivement anguleuse si elle n’était pas servie par un orchestre aussi sûr (tous les cuivres sont d’une impressionnante fermeté américaine, avec une mention particulière pour les interventions phénoménales du corniste Philip Myers). Dans le long développement du Stürmisch bewegt quelques agrégats trépidants accrochent quand même l’oreille : s’il nous est arrivé de penser que la musique de John Adams sonnait parfois comme du Mahler re-mixé il ne nous avait en revanche jamais paru évident que la musique de Mahler… puisse sonner comme du John Adams ! Adagietto sublime à sa manière, chaque strate de cordes semblant superposée à la précédente avec la perfection formelle d’une construction classique, instants d’émotion rigoureusement contrôlés qui s’enchaînent sans la plus minime césure avec la première attaque de cor d’un rutilant Rondo final.


Enorme succès, amplement mérité, pour un orchestre qui semble en phase de progression technique après le mandat controversé de Lorin Maazel. Dans l’Intermezzo de Manon Lescaut de Puccini accordé en bis, Alan Gilbert se révèle à nouveau singulier dans sa manière de traquer tout alanguissement puccinien au profit d’une relance de la phrase d’une régularité presque mécanique. Le New York Philharmonic est-il en passe de devenir un orchestre post-moderne ? Le regretté Leonard Bernstein n’y retrouverait sans doute plus ses valeurs…



Laurent Barthel

 

 

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