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Fastes berlinois

Baden-Baden
Festspielhaus
01/25/2011 -  et 27 janvier 2011 (Wien)
Gabriel Fauré : Pelléas et Mélisande, Suite
Antonin Dvorák : Concerto pour violon
Robert Schumann : Symphonie N° 2

Anne-Sophie Mutter (violon)
Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle (direction)


A.-S. Mutter et S. Rattle (© Jochen Klenk)


Festspielhaus comble jusqu’au plus haut des balcons, public tiré à quatre épingles, embouteillage de grosses cylindrées à l’entrée et à la sortie : une ambiance très salzbourgeoise pour cette soirée d’hiver à Baden-Baden, avec même en prime une pluie insidieuse et glaçante pour faire plus vrai. Pour l’ouverture de ces Winterfestpiele Sir Simon Rattle et la Philharmonie de Berlin ont fait le déplacement tout exprès (dans un programme qui hors Berlin ne sera donné qu’ici puis au Musikverein de Vienne). La même semaine Christian Thielemann et les Münchner Philharmoniker se produisent au Festspielhaus pour un cycle des quatre Symphonies de Brahms, et Teodor Currentzis s’aventure dans trois représentations d’un Così fan tutte estampillé « historiquement correct » à la tête du Balthasar-Neumann-Ensemble. Une programmation cossue et variée, dont le niveau indiscutablement festivalier a manifestement attiré beaucoup de monde.


Remplaçant Seiji Ozawa initialement annoncé, Simon Rattle infléchit le programme d’une petite touche originale en y incluant la Suite de Pelléas et Mélisande de Fauré, une œuvre que l’orchestre joue très rarement. La phalange berlinoise en effectif relativement réduit se livre à un merveilleux exercice de musique de chambre de grand format, auquel ne manque parfois qu’un peu plus de pugnacité française dans le timbre des vents. L’absence d’Emmanuel Pahud est à déplorer, encore que Andreas Blau s’acquitte impeccablement de son solo dans la Sicilienne. En revanche, même si la sonorité du hautboïste Albrecht Mayer est un peu trop luxueusement ronde pour ce répertoire, l’élégance de son interprétation de La Fileuse balaye toute réserve. Simon Rattle paraît très interventionniste dans cette musique sans contrastes dynamiques violents dont il s’évertue à tirer un maximum d’effets, avec notamment une gestion idiomatique des nuances et des crescendos, montés progressivement sur plusieurs mesures avec une régularité implacable. La Mort de Mélisande, à défaut de toucher vraiment, se pare d’une belle élégance d’objet 1900, conclusion sans pesanteur ni pathos bien en phase avec une interprétation davantage cursive que vécue avec beaucoup d’intériorité.


En seconde partie l’Orchestre Philharmonique de Berlin paraît davantage en terre familière dans une Deuxième Symphonie de Schumann restituée avec une prodigieuse technicité, s’inscrivant ainsi en faux contre la réputation tenace (mais parfois justifiée) de mauvais orchestrateur que l’on associe communément à Schumann. Il s’agit d’une symphonie difficile, vétilleuse à mettre en place rythmiquement mais très gratifiante quand ses divers pièges sont aussi brillamment déjoués. On retiendra surtout de cette interprétation un sublime Adagio espressivo, chanté par des cordes d’une perfection d’ensemble sidérante que Rattle fait sonner avec presque trop de magnificence, comme si les musiciens en venaient à s’enivrer de leur propre beauté de son. Et on se pose aussi au passage quelques questions sur la physiologie d’Albrecht Mayer, ce hautboïste qui apparemment ne respire presque jamais…


Le milieu de la soirée est dévolu à Anne-Sophie Mutter, véritable star à Baden-Baden, dont la seule présence est garante d’un concert donné à guichets fermés. En dépit des années qui passent la violoniste allemande n’a toujours pas renoncé à ses looks de liane haute-couture et force est de constater qu’elle parvient toujours à entrer dans des fourreaux élastiques vertigineux. Ce soir-là, cela dit, elle paraît quand même gênée par le centre de gravité bizarre de sa robe, et on ne peut s’empêcher de penser qu’elle jouerait mieux, surtout en début de concerto, si elle pouvait écarter un peu plus les pieds pour s’assurer davantage de stabilité. Même le spectateur, à vrai dire, finit par éprouver une certaine gêne visuelle face à tant de contorsions sinusoïdales et mieux vaut écouter attentivement Anne-Sophie Mutter que trop la regarder, car ce qu’elle propose dans le Concerto de Dvorák est souvent extraordinaire. Après quelques accords initiaux arrachés qui sacrifient un peu trop la beauté du son, la violoniste allemande trouve assez vite ses marques dans ce concerto romantique très long dont elle parvient à maîtriser au mieux les aspects parfois décousus. L’autorité de l’archet et l’assise des phrases évitent toute sentimentalité déplacée, menant à bon port une œuvre qui a souvent tendance à se disperser. Très beau mouvement final, furiant caractéristique négocié avec un aplomb infaillible mais aussi une relative et très juste liberté de scansion, ce qui coûte d’ailleurs à Simon Rattle beaucoup d’énergie pour rester en phase, à la tête d’un orchestre capable de réagir, il est vrai, au 10e de seconde près.


L’Orchestre Philharmonique de Berlin est resté une phalange d’élite. Il est toujours agréable de constater que cette vérité première continue à se vérifier à 100%, et on peut compter sur Simon Rattle pour mettre en valeur la beauté de son orchestre. Mais pourquoi ne pas essayer d’obtenir davantage encore d’un tel outil que cette somptueuse perfection de façade ? Simon Rattle a manifestement conscience de ce problème, parsemant ses interprétations de quelques petits phrasés originaux (dont un curieux ralenti dans le second motif du Scherzo de la Symphonie de Schumann). Mais la méthode paraît artificielle, voire discutable. Un tel instrument mériterait mieux.



Laurent Barthel

 

 

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