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Une comtesse qui ne s’en laisse pas conter

Zurich
Opernhaus
01/23/2011 -  et 27*, 29 janvier, 1er, 3, 5 février 2011
Gioacchino Rossini: Le Comte Ory

Cecilia Bartoli (La comtesse Adèle), Rebeca Olvera (Isolier), Liliana Nikiteanu (Ragonde), Teresa Sedlmair (Alice, une paysanne), Javier Camarena (Le Comte Ory), Oliver Widmer (Raimbaud), Carlos Chausson (Le Gouverneur), Shinya Kitajima (Gérard), Patrick Vogel (Mainfroy)
Chœur et chœur supplémentaire de l’Opernhaus de Zurich, Jürg Hämmerli (direction), Orchestre La Scintilla de l’Opernhaus, Muhai Tang (direction musicale)
Moshe Leiser, Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Martin Gebhardt, Christophe Forey (lumières)


(© Jef Rabillon)


Deux mois après Guillaume Tell, l’Opernhaus de Zurich poursuit son exploration des opéras français de Rossini en proposant Le Comte Ory. L’œuvre est assurément l’une des plus originales, des plus spirituelles mais aussi des plus sensuelles du compositeur de Pesaro. Partition hybride, à mi-chemin entre l’opéra-comique à la française et l’opéra bouffe à l’italienne, Le Comte Ory a une genèse singulière: en 1828, soit trois ans après la création du Viaggio a Reims, Rossini réutilise une partie de la musique pour écrire un opéra français sur un livret de Scribe et Delestre-Poirson, lui-même tiré d’un vaudeville en un acte des mêmes auteurs, inspiré à son tour d’une vieille ballade picarde. L’intrigue est vite résumée: libertin notoire, le comte Ory profite de l’absence des soldats partis libérer Jérusalem pour séduire les femmes restées seules. Il jette son dévolu sur la comtesse Adèle, essayant de l’approcher déguisé d’abord en ermite, puis en nonne. Mais les croisés reviennent avant qu’il ait pu arriver à ses fins, l’honneur est donc sauf...


Pour Patrice Caurier et Moshe Leiser, les deux maîtres d’œuvre de cette nouvelle production zurichoise, tout tourne ici autour de la frustration de femmes lassées d’attendre le retour de leur époux, d’où l’idée de transposer l’ouvrage dans la France d’avant 1968, d’avant la révolution sexuelle donc, à une époque où, qui plus est, de nombreux jeunes hommes combattaient en Algérie. La société est alors corsetée dans des règles rigides imposées par l’Eglise et l’Etat. Mais cet ordre établi est sur le point d’imploser, avec l’émergence d’une nouvelle génération aspirant à davantage de liberté. Comme à son habitude, le duo de metteurs en scène a conçu un spectacle cohérent et intelligent, par ailleurs truffé de gags et d’allusions sexuelles, mais ne sombrant jamais dans la vulgarité. Et tant les scènes d’ensemble que chacun des rôles principaux sont travaillés avec force détails.


Tête d’affiche de la distribution, Cecilia Bartoli vaut le voyage à elle seule, rien que pour son personnage de grande bourgeoise d’âge mûr et tirée à quatre épingles, mais qui ne se fait pas longtemps prier pour se lâcher et donner libre cours à sa libido. Vocalement, la diva éblouit, comme toujours, par son art de la mezza voce et sa technique superlative, qui lui permet de venir à bout des vocalises les plus périlleuses. Javier Camarena n’est pas en reste, impressionnant par son aisance dans les passages virtuoses et les notes aiguës, ainsi que par sa grande musicalité. Même s’ils ne déméritent pas, loin de là, les autres solistes n’atteignent pas les mêmes hauteurs, peu familiers du français et du chant rossinien. Familier de Rossini, Muhai Tang l’est, lui, offrant une lecture alerte et vive mais néanmoins précise, à la tête de La Scintilla, la formation sur instruments d’époque de l’Opernhaus.



Claudio Poloni

 

 

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