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Werther clown et enfant

Lyon
Opéra
01/24/2011 -  et 26, 28, 30 janvier, 1er, 3, 5, 7 février
Jules Massenet : Werther
Arturo Chacón-Cruz (Werther), Karine Deshayes (Charlotte), Lionel Lhote (Albert), Alain Vernhes (le Bailli), Anne-Catherine Gillet (Sophie), Jean-Paul Fouchécourt (Schmidt), Nabile Suliman (Johann), Marie-Laure Cloarec (Kätchen), Grégory Escolin (Bruhlmann), Victor Fleury (l’Enfant)
Orchestre et Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Leopold Hager (direction)
Rolando Villazón (mise en scène)


(© Michel Cavalca)


Chacun son métier : Rolando Villazón n’est pas un metteur en scène et son Werther lyonnais est un ratage. Non que plonger le drame lyrique de Massenet dans les mondes de l’enfance et du cirque, à travers Schmidt et Johann ou Kätchen et Bruhlmann, ces deux derniers joués ici par de vrais clowns, constitue en soi une mauvaise idée. Les enfants, au début et à la fin, ne chantent-ils pas Noël ? Les deux compères ne créent-ils pas un contrepoint léger, typique de l’opéra-comique, à l’histoire inspirée de Goethe ? Le héros, ainsi, possède deux doubles : un enfant, qui l’accompagne toujours, Bruhlmann symboliquement emprisonné dans une énorme cage à oiseaux. Il n’en reste pas moins que cela s’articule mal, sent le déjà-vu et pèse des tonnes, laissant de surcroît une impression de fâcheuse incohérence. Et la fin ne convainc pas davantage, avec Charlotte revivant l’histoire et Werther finissant de l’écrire, chacun de son côté. Lourds aussi les symboles, ceux des couleurs par exemple – le rouge du sang et de la passion, le noir du deuil, le jaune de la jeunesse et de la force –, sans parler de la cage s’effondrant sur Werther enfant à la fin du troisième acte – corsetée par les interdits, Charlotte y a évidemment lu les lettres. Mais la production pèche surtout par l’absence de direction d’acteurs : dans ce décor où des mobiles à la Calder semblent pendre du plafond d’une boutique Habitat, le ténor mexicain livre les personnages à eux-mêmes, leur impose, souvent face au public, les gestes les plus convenus, de la main sur le cœur aux bras tendus, tombant souvent dans une grandiloquence qui frise le ridicule. Lui-même, en Werther, brûlait les planches à Bastille : celui d’Arturo Chacón-Cruz est, scéniquement, d’une affligeante pauvreté. On se satisfait mieux de la « mise en mouvement » assurée par Nola Roe : le côté clownesque est le plus réussi.


L’interprétation musicale ne compense guère l’indigence de la mise en scène. Quelle idée d’aller chercher Leopold Hager, dont les affinités avec cette musique restent à démontrer et dont les Mozart de jeunesse ne valaient que par des distributions de rêve ? On se dit d’abord que l’orchestre va sonner autrement à travers une lecture très polyphonique, que le chef tire de l’ensemble lyonnais des sonorités assez rondes, jamais sèches. Il appuie cependant trop les basses, certaine tradition germanique oblige, ignore le côté opéra-comique de la partition, manque de nuances et couvre parfois les chanteurs. On avait remarqué le Mexicain Arturo Chacón-Cruz dans Le Duc d’Albe à Montpellier… remarqué également son joli timbre… pas assez mis en valeur par une émission laryngée le contraignant à forcer ses aigus. Cela a peu changé aujourd’hui, d’autant plus que le rôle met à mal une voix plutôt légère. Mais la déclamation satisfait davantage que chez son illustre compatriote et il offre parfois de beaux moments. Sans composer, malheureusement, comme lui, un Werther halluciné et foudroyé, dont on oublie les faiblesses vocales : le texte n’est pas creusé, la composition demeure inaboutie et très en-deçà de ce qu’on attend du personnage. Avec son timbre clair, l’excellente Karine Deshayes rend à Charlotte sa jeunesse, sa fraîcheur d’adolescente écrasée par un destin trop lourd. A partir du troisième acte, la voix ne s’en trouve pas moins mise à rude épreuve elle aussi, surtout dans un médium et un grave dont on a souvent observé la modestie – ils deviennent, à la fin, quasi inaudibles. Dommage : voilà une Charlotte attachante qui sait chanter français. A l’instar du reste de la distribution, exemplaire, des impayables Schmidt et Johann de Jean-Paul Fouchécourt et Nabile Suliman au Bailli bien connu d’Alain Vernhes. Mais, plus encore que l’Albert stylé de Lionel Lhote, transformé en cocu pataud par l’absence de direction d’acteurs, c’est de la Sophie d’Anne-Catherine Gillet qu’on emporte le souvenir, toujours délicieusement fruitée sans jamais être mièvre. Retour, pour la revoir, au DVD de Bastille où Michel Plasson et Jonas Kaufmann distillaient, eux, la quintessence du chef-d’œuvre de Massenet.


Rolando Villazón mettant en scène Werther : le battage médiatique a été à la mesure de la notoriété du ténor mexicain, comme l’accueil du public. Il n’empêche : on préférerait voir ce grand artiste s’attacher à résoudre ses problèmes vocaux. Et Serge Dorny, qui fait du si bon travail à Lyon, a, cette fois, raté son coup.



Didier van Moere

 

 

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