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Schubert en marche

Baden-Baden
Festspielhaus
12/04/2010 -  
Franz Schubert : Symphonie No. 7, D. 759 “Inachevée” – Messe No. 5, D. 678
Michael Gielen : Quatre poèmes de Stefan George, pour chœur mixte et 19 instruments

Sibylla Rubens (soprano),
Ingeborg Danz (alto),
Dominik Wortig (ténor),
Rudolf Rosen (baryton)
SWR Vocal Ensemble Stuttgart,
Orchestre Symphonique du SWR de Baden-Baden et Freiburg, Michael Gielen (direction)


M. Gielen (© Wolfram Lamparter)


Jugeant qu’il est devenu "suffisamment vieux pour prendre sa retraite", Michael Gielen, 83 ans, ne dirige plus que rarement. Ce qui doit nous motiver encore davantage à ne manquer aucune de ses apparitions tardives, majoritairement réservées aujourd'hui à l’Orchestre Symphonique du SWR de Baden-Baden et Freiburg. Au soir d'une journée grise et froide, dans une vaste salle du Festspielhaus de Baden-Baden à demi remplie seulement, il suffit de voir le vieux maître – toujours aussi alerte et droit – lever la baguette pour pressentir des moments extraordinaires. Et on ne sera pas déçu : la Symphonie “Inachevée” de Schubert semble naître du néant, émerger d’une zone grise qui n’est déjà plus tout à fait du silence et pas encore tout à fait du son. Et ces prémisses impalpables vont déjà de l’avant. Double miracle : celui d’une acoustique d'une finesse extraordinaire et d’un couplage parfait entre une phalange et un chef qui sont restés parfaitement familiers l’un de l’autre. Avec pour résultat cette ambiance particulière que l'on pourrait résumer d’un seul mot-clé : l’avancée. Une progression qui donne toujours l’impression de relier clairement un point A à un point B mais sans aucun caractère métronomique, approche en souplesse à laquelle concourt chacun des membres de l’orchestre, tous individuellement de fins musiciens qui savent parfaitement s’écouter. Ne reste ensuite qu’à diversifier, à multiplier des trajectoires qui se superposent, convergent, divergent, fusionnent, dialoguent... en symbiose avec une battue du chef peu interventionniste mais d’une vigilance imparable dès lors qu’il s'agit d'anticiper un moment-clé.


Que devient le romantisme schubertien dans ce qui pourrait prendre des allures de construction à l’architecture inexorable ? Paradoxalement ses interrogations deviennent plus cruciales et les gouffres qu’il laisse entrevoir sous une écriture fondamentalement économe deviennent encore plus vertigineux. A l’issue de l'exécution on reste ébloui par tant de beautés, voire songeur d’avoir ressenti une telle gamme d'émotions au-delà même du texte musical joué. Une Inachevée différente, inconnue presque, hélas trop tôt refermée mais hautement mémorable. Numérotation nouvelle pour cette Symphonie longtemps identifiée comme numéro 8 dans la production schubertienne et qualifiée désormais de 7e dans une numérotation officielle resserrée, suite à un débat musicologique nourri de bonnes et de moins bonnes raisons. Peu importe, encore qu’à titre personnel ce numéro bizarre sur un programme continue à nous déranger.


Soirée composite, comme souvent avec cet orchestre, où l’inclusion d'une œuvre d’un langage plus contemporain s’effectue pour une fois, privilège de l’âge sans doute, au profit de Michael Gielen lui-même, en fait très peu coutumier de ce genre de cumul. L’activité de compositeur de Gielen, toujours présente en marge de sa carrière de chef d’orchestre, n’a jamais fait l’objet d’une attention durable mais représente aujourd’hui un corpus d’œuvres relativement conséquent. Musiques d’accès moyennement aisé, évidemment démarquées de la seconde école viennoise mais où affleure une véritable personnalité. Les Quatre poèmes d’après Stefan George sont détaillés ici par l’excellent Chœur du SWR de Stuttgart, d’une remarquable exactitude d’intonation voire d’une relative intelligibilité dans l’articulation des textes, du moins autant que l’autorisent des intervalles accidentés (écriture dodécaphonique, mais suffisamment souple pour que cela s’entende peu). Un petit ensemble instrumental d’effectif singulier (violoncelles, trombones, piano, timbales, toute une gamme de clarinettes…), variant d’un poème à l’autre, achève de donner à l’œuvre un charme post-schoenbergien un rien daté déjà (1955), auquel ne manquent que quelques gestes plus forts qui marqueraient de façon décisive l’irruption d’une personnalité de compositeur indispensable.


En seconde partie, la Messe D. 678 de Schubert bénéficie à nouveau d’une qualité chorale exceptionnelle, environnement favorable où les solistes n’ont plus qu’à poser joliment quelques phrases qui leur donnent trop peu d'occasions de briller. De grandes dimensions, cette Messe peu jouée séduit par son aisance mélodique et par la subtilité d'une écriture chorale qui n’a en définitive rien de convenu. Et on peut compter sur Michael Gielen pour réussir à en différencier les plans instrumentaux voire choraux avec une acuité de tous les moments, sans jamais dépouiller cette musique de son charme immédiat. Une soirée rare et subtile, bien à l’image de son maître d’œuvre.



Laurent Barthel

 

 

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