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Phi-Phi en pièce(s)

Paris
Athénée – Théâtre Louis-Jouvet
12/16/2010 -  et 5, 6 (La Rochelle), 11 (Mâcon), 23 (Beauvais) novembre, 10 (Saint-Dizier), 17*, 18, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 29, 30, 31 décembre 2010, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9 (Paris), 15, 16 (Arras), 25 (Elbeuf), 27 (Niort), 30 (Lons-le-Saunier) janvier, 5 (Miramas), 10 (Besançon) février, 22 novembre (Cachan), 4 (Maisons-Alfort), 6, 7 (Charleroi), 10, 11 (Toulon) décembre 2011, 22, 23 (Le Perreux-sur-Marne), 27 (Corbeil-Essonnes), 30 (Martigues) mars, 1er (Alès), 3 (Villefranche-sur-Saône), 5 (Narbonne), 13 (Herblay) avril, 3 (Massy), 5 (Saint-Michel-sur-Orge), 9, 10 (Châtenay-Malabry), 12 (Clermont-Ferrand), 15 (Fréjus), 22 (Reims), 24 (Besançon) mai 2012
Henri Christiné : Phi-Phi (orchestration Thibault Perrine)
Gilles Bugeaud (Phi-Phi), Emmanuelle Goizé (Madame Phidias), Olivier Hernandez (Ardimédon), Lara Neumann (Aspasie), Antoine Sastre (Le Pirée), Christophe Grapperon (Périclès), Florence Andrieu, Nadine Béchade, Marie Blondel, Alexandra Courquet, Nathalie Davoine, Laetitia Le Mesle, Isabelle Monier-Esquis, Laure Pierredon, Marion Sicre (Les modèles)
Boris Grelier/Claire Luquiens (flûte), François Miquel/Christian Laborie/Julien Chabod (clarinette), Emilie Heurtevent (saxophone), André Feydy/Vincent Mitterrand/Rodolphe Puechbroussous (trompette), Frédéric Lucchi (trombone), Nicolas Ducloux (piano, chef de chant), Pablo Schatzman/Benjamin Fabre (violon), Annabelle Brey/Jérôme Huille/Marlène Rivière (violoncelle), Nicolas Crosse/Benjamin Thabuy (contrebasse), Christophe Grapperon (direction musicale)
Johanny Bert (mise en scène), Audrey Vuong (scénographie), Jean-Marc Hoolbecq (chorégraphie), Elisabeth de Sauverzac (costumes), Jean-François Breut (lumières), Einat Landais (marionnettes)


E. Goizé (© Elisabeth de Sauverzac)


Comme de coutume durant les fêtes de fin d’année, la compagnie Les Brigands présente à Paris son nouveau spectacle, poursuivant son exploration d’un siècle de répertoire léger qu’elle contribue activement à remettre à la mode. A défaut de retrouver Athènes, c’est donc à l’Athénée que revient Phi-Phi, l’un des plus illustres représentants du genre. Car si le compositeur d’origine genevoise Henri Christiné (1867-1941) est également l’auteur de nombreuses autres pièces, notamment Dédé, et de grands succès du café-concert et de la chanson populaire, comme Valentine immortalisée par Maurice Chevalier, c’est avant tout pour cette opérette en trois actes qu’il est passé à la postérité.


Au lendemain de la Première Guerre mondiale – au sens propre, puisque la générale eut lieu le 12 novembre 1918, en présence de Félix Mayol, Anna de Noailles et même Bergson – le public de la capitale avait manifestement besoin de se changer les idées. De ce point de vue, il ne fut visiblement pas déçu: l’œuvre se maintint durant trois ans sans interruption aux Bouffes-Parisiens. La pochade conçue par Fabien Sollar use et abuse de la gaudriole, sur des couplets et calembours nés de la plume de l’inévitable Albert Willemetz – «sine qua non» devient ainsi «ciné Gaumont». Parties de jambes en l’air? Même si sa mise en scène introduit une forme de distanciation, Johanny Bert n’en prend pas moins l’expression au mot: les personnages sont incarnés par des marionnettes disloquées, figurant des sculptures antiques et dont les têtes, bras et jambes, animés par les neuf «modèles» de Phidias en collants turquoise sous leurs robes noires, peuvent adopter les postures les plus écartelées et inattendues.


Ce Phi-Phi «mis en pièce(s)» constituait un parti pris original et risqué: car il n’allait pas de soi de reléguer pour tout ou partie des dialogues, airs et ensembles les cinq chanteurs dans la pénombre, en tenue de ville, sur les deux côtés de la scène, au pied des tréteaux sur lesquels ils rejoignent parfois les marionnettes. Mais le résultat se révèle tout à fait probant, notamment grâce à une minutieuse coordination des acteurs avec les mouvements imprimés aux figurines par les manipulatrices, d’autant que les chanteurs-acteurs conservent quand même quelques numéros, agrémentés au besoin de chorégraphies de Jean-Marc Hoolbecq. Et ce second degré n’empêche pas, sans qu’il soit besoin d’en révéler davantage, des moments de pur délire, comme la course de chevaux ou le combat de boxe.


Le premier degré polisson eût pourtant pu parfaitement suffire pour illustrer l’histoire de l’arpète (sic) Aspasie qui épouse Périclès tout en se réservant des cinq à sept avec Phidias, alias Phi-Phi, auquel, sans doute pour faire bonne mesure, sont attribués ici aussi bien la Vénus de Milo que la Victoire de Samothrace. Mais le «prince étranger» Ardimédon n’en fait pas moins avec Madame Phidias, ce qui s’explique sans peine quand on sait qu’elle a les traits et la voix d’Emmanuelle Goizé, le tout sous l’œil du domestique du sculpteur, dénommé tout bonnement Le Pirée. Voilà qui situe Christiné et Willemetz dans la lignée de l’Antiquité tournée en dérision par Offenbach, Meilhac et Halévy (Orphée aux enfers, La Belle Hélène) un demi-siècle plus tôt, avec le même goût pour les anachronismes, d’autant qu’ont été ajoutées quelques allusions à l’actualité de notre siècle.


Si Phi-Phi s’est imposée comme une date-clef dans l’histoire de l’opérette française, ce n’est pas seulement parce que certains de ses airs («C’est une gamine charmante», «Bien chapeautée, gantée, bien corsetée», ...) se sont immédiatement gravés dans les mémoires, mais aussi parce que la partition a inauguré une nouvelle période de la musique légère, celle de l’entre-deux-guerres, marquée par les rythmes de danse importés de l’autre côté de l’Atlantique. Une fois de plus, Les Brigands ont confié les arrangements (pour neuf musiciens) à Thibault Perrine: rassemblant, pour l’essentiel, des fidèles de ces productions, l’ensemble instrumental pétarade sous la direction énergique de Christophe Grapperon.


Ces cent minutes anti-morosité conviennent d’autant mieux au contexte de crise qu’elles font appel à une scénographie et à des costumes économes d’Audrey Vuong et d’Elisabeth de Sauverzac ainsi qu’à une distribution restreinte: peu de rôles principaux – les cinq «sales types qu’on ne peut pas remplacer» (mari, femme, amant, maîtresse et domestique) – et, depuis la fosse, Christophe Grapperon prêtant sa voix grave au rôle parlé de Périclès. Aux anciens de la troupe – Emmanuelle Goizé, Gilles Bugeaud dans le rôle-titre et Olivier Hernandez – s’ajoutent deux nouvelles recrues prometteuses, Lara Neumann (Aspasie) et Antoine Sastre (Le Pirée). Les voix manquent parfois de puissance, mais les textes sont bien articulés et mis en valeur: exigence capitale car avec ce diable de Willemetz, derrière chaque mot peut se cacher un bon mot dont il serait dommage de ne pas pouvoir profiter.


Le site de la compagnie «Les Brigands»



Simon Corley

 

 

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