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Maeterlinck à Vienne

Paris
Salle Pleyel
11/27/2010 -  
Alexander von Zemlinsky: Sechs Gesänge, opus 13
Arnold Schönberg: Pelleas und Melisande, opus 5

Yvonne Naef (mezzo)
Orchestre philharmonique de Radio France, Alan Gilbert (direction)
Doug Fitch (mise en image), Maurizio Montobbio (directeur technique), Lukas Trottenberg (création des animations), Mischke Weinreb (dramaturgie)


A. Gilbert (© Chris Lee)


Le Philharmonique ayant cédé son traditionnel vendredi de Pleyel à l’Orchestre de chambre de Bâle (voir ici), c’est le lendemain qu’il retrouve la rue du faubourg Saint-Honoré: aussi bref qu’homogène, son programme a hélas peiné à trouver un public. Pourtant, l’affiche, aussi bien les œuvres que les artistes, était de qualité et l’idée consistant à associer deux grands compositeurs viennois autour de Maurice Maeterlinck ne manquait pas d’intérêt.


Zemlinsky est à l’honneur cette saison au Philhar’, qui l’a inaugurée avec la rare Sinfonietta et la poursuivra dès la semaine prochaine avec la Symphonie lyrique, sa seule partition à avoir acquis une place au sein du répertoire orchestral, puis en janvier avec La petite sirène. L’orchestre s’intéressera aussi de nouveau à Maeterlinck, puisque Jean Deroyer dirigera le 15 avril Ariane et Barbe-Bleue de Dukas avec Emmanuelle de Negri et Béatrice Uria-Monzon: les deux principaux opéras qu’il a inspirés seront ainsi donnés à Paris le même soir, puisque ce sera aussi la première de Pelléas et Mélisande de Debussy au Théâtre des Champs-Elysées, également en version de concert, avec Natalie Dessay, Simon Keenlyside et Laurent Naouri.


Alors que l’écrivain belge venait de se voir décerner le prix Nobel de littérature, c’est parmi ses Quinze Chansons (1896-1900), traduites par Friedrich von Oppeln-Bronikowski, que Zemlinsky a sélectionné ses Six Chants (1913/1921), dont quatre furent créés le 31 mars 1913, lors de ce fameux concert au cours duquel les Altenberg-Lieder de Berg firent scandale. On y retrouve d’ailleurs la même façon d’utiliser avec une parcimonie quasi chambriste (et une grande science de l’orchestration) un effectif fourni (hautbois, clarinettes, trompettes, trombones par trois et même quatre flûtes, harpe, piano, célesta, harmonium), quoique allégé en cors (deux) et en cordes (trente-et-une). Au lendemain de l’Autrichienne Angelika Kirchschlager, voici l’une des autres grandes mezzos du monde germanique, la Suissesse Yvonne Naef, qui reçoit elle aussi un accueil unanimement enthousiaste: puissance, justesse, souffle, tessiture homogène, maîtrise de la ligne de chant et soin apporté à la restitution du texte, la liste de ses qualités est connue et elle les confirme ici amplement.


Elève de Zemlinsky, Schönberg épousa en 1901 sa sœur Mathilde, deux ans avant d’achever Pelléas et Mélisande. Originalité de cette soirée, le vaste poème symphonique est assorti d’une «mise en image» de Doug Fitch (né en 1959), qui a déjà notamment signé un Grand Macabre de Ligeti à New York. Travaillant par séquences afin de pouvoir faciliter la synchronisation de l’animation avec la partition exécutée en temps réel, le designer et metteur en scène américain a réalisé ses séries de dessins (essentiellement en noir et blanc), évoquant furtivement Munch ou Klimt, sur des «tableaux à eau»: leurs contours s’évaporent plus ou moins rapidement pour laisser place, par tuilage, à de nouveaux contours. La scène et la salle sont plongées dans la pénombre et les images sont projetées sur des écrans verticaux «semi translucides» tendus derrière l’orchestre, au milieu des tribunes du chœur. Indépendamment de sa justification technique, cet agencement suggère, selon le concepteur du dispositif, des arbres dans une forêt: sans doute l’une de ces «forêts de symboles» évoquée par Baudelaire – mais le symbolisme, en l’occurrence, n’est évidemment pas déplacé. Silhouettes et visages, mains et larmes, mais aussi escalier et fontaine sont en effet davantage suggérés que clairement figurés, d’autant que la fragmentation, le décalage et la superposition des écrans, au lieu d’un grand écran unique, provoquent délibérément des distorsions et des effets de flou.


Les expériences consistant à accompagner la musique d’une projection se sont certes multipliées ces dernières années, mais au prix de bon nombre de déceptions. De ce point de vue, le travail de Fitch, au-delà de son mérite à s’efforcer de renouveler l’exercice, se situe dans une bonne moyenne. Schönberg aurait-il paraphrasé Hugo et interdit «de déposer des images sur [sa] musique»? Toujours est-il que l’exercice est difficile au regard du rapport entre la musique et les images, devant se tenir à bonne distance de trois principaux écueils: la redondance (par naïveté), la contradiction (par maladresse), mais aussi le chacun pour soi (par trop grand souci d’abstraction), sans compter le risque que l’attention auditive du public ne soit parasitée par une trop grande mise à contribution de ses yeux.


Aucune réserve, en revanche, pour ce qui est de l’interprétation proprement dite. Après une visite avec son Orchestre philharmonique de New York au début du mois (voir ici), Alan Gilbert est déjà de retour à Paris et toujours aussi à son aise dans ce répertoire: comme il l’avait fait en février dernier dans l’Opus 6 de Berg (voir ici), il éclaircit la polyphonie et la masse instrumentale, tout en faisant avancer le discours. Quant à l’orchestre, jouant parfaitement le jeu de la transparence, il se régale visiblement de travailler avec le chef américain tout en renouant avec ce postromantisme qu’il avait si bien défendu et illustré avec son précédent directeur musical, Marek Janowski


Le site d’Alan Gilbert
Le site de Doug Fitch



Simon Corley

 

 

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