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Sinistre galerie de portraits

Bruxelles
La Monnaie
10/26/2010 -  28, 30 octobre et 2, 4, 5, 7*, 9, 12, 14 novembre 2010
Leos Janácek : Kát’a Kabanová
Pavlo Hunka (Dikoj), Kurt Streit (Boris), Renée Morloc (Kabanicha), John Graham-Hall (Tichon), Evelyn Herlitzius (Kát’a), Gordon Gietz (Kudrjás), Natascha Petrinsky (Varvara), Georg Nigl (Kuligin), Emma Sarkisyan (Glasa), Mireille Capelle (Feklusa), Blanka Modra (Grunja)
Chœurs de la Monnaie, Zsolt Czetner (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Leo Hussain (direction)
Andrea Breth (mise en scène), Annette Murschetz (décors), Silke Willrett, Marc Weeger (costumes), Alexander Koppelmann (éclairages)




Durant le mandat de Bernard Foccroulle, la Monnaie a repris en 2001 la Kát’a Kabanová que Christoph Marthaler et Anna Viebrock avaient dévoilée trois ans auparavant au Festival de Salzbourg (voir ici) : spectacle fameux, représentatif de l’esthétique développée par ce tandem réputé mais décrié et d’une efficacité qui ne laisse pas indemne. Se hisser à sa hauteur constitue un défi que Andrea Breth, issue du théâtre, relève non sans mérites même si sa lecture ne présente rien de neuf. Baignés de bleu, de gris et de noir, les décors relèvent de ce misérabilisme auquel le spectateur est de nos jours habitué. Sur un plateau d’une saleté inqualifiable évolue un clan où il ne fait guère bon vivre. Solitude, ennui palpable, intimidation, bigoterie et ivresse rythment le quotidien de cette sinistre galerie de portraits. Accessoire désormais incontournable sur la scène contemporaine, une baignoire symbolise la Volga – Kát’a ne s’y noie pas mais se coupe les veines – tandis qu’un réfrigérateur constitue pour l’héroïne une sorte de refuge. Du Regietheater ? Dans une certaine mesure mais cette mise en scène, qui repose sur un travail d’acteur conciliant expressivité et précision, ne se disperse pas et présente davantage d’acuité qu’il n’y paraît de prime abord. Le scepticisme qui prévaut dans la première scène cède rapidement la place à la conviction.



(© Bernd Uhlig)


Le théâtre et la puissance de suggestion compensent donc les éléments visuels, hideux et oubliables, mais la musique porte à elle seule cette Kát’a au rang d’honorable réussite. Malgré la difficulté reconnue de la langue, la distribution traduit avec engagement et naturel les intentions, parfois éprouvantes, du metteur en scène sans sacrifier le chant. Posant sur un entourage un regard éloquent, Evelyn Herlitzius apporte au rôle-titre, incarné pour la première fois, toute sa sensibilité et son sens de la tragédie – l’expérience d’Isolde (la résistance) et de Katerina de Chostakovitch (le quotidien sinistre) se ressent. Bien connue du public bruxellois, Natascha Petrinsky (Varvara) confirme son charisme et son aisance tandis que Renée Morloc, jamais apparue sur cette scène, compose sa Kabanicha avec la domination et la froide cruauté requises. Si Pavlo Hunka (Dikoj), stupéfiant dans son duo libidineux avec la belle-mère, Kurt Streit (Boris) et Gordon Gietz (Kudrjás) s’imposent sans difficulté, force est de reconnaître une fois de plus l’épaisseur que confère à ses personnages John Graham-Hall, Tichon d’anthologie. La fosse contient un Orchestre symphonique de la Monnaie de nouveau impressionnant et acquis depuis l’ère Mortier à la cause de Janácek. Leo Hussain, remarqué dans un décapant Grand Macabre, trouve aisément son chemin dans cette splendide partition dont il souligne la constante tension, l’âpreté et les ineffables instants de poésie. Un constat pour finir : La petite renarde rusée, Jenůfa, De la maison des morts et L’Affaire Makropoulos n’ont plus été montés depuis respectivement 1986, 1987, 1990 et 2000. Si ces chefs-d’œuvre figurent au répertoire de la Monnaie, leur reprise est attendue avec impatience.



Sébastien Foucart

 

 

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