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Une version théâtrale

Paris
Théâtre du Châtelet
10/22/2010 -  et 31 octobre, 1er novembre 2010 (Wien)
Giuseppe Verdi : Messa da Requiem

Krassimira Stoyanova (soprano), Ekaterina Gubanova (mezzo-soprano), Francesco Meli (ténor), Georg Zeppenfeld (basse)
Chœur de Radio France, Matthias Brauer (chef de chœur), Orchestre national de France
Daniele Gatti (direction)


K. Stoyanova (© Johannes Ivkovits)


Peut-on parler de «pause» dans le cycle Mahler donné par l’Orchestre national de France et son directeur musical, Daniele Gatti? Certes, l’intégrale des Symphonies donnée au Théâtre du Châtelet constitue le fil directeur de la saison du National mais, pour autant, celui-ci sait sortir du cadre ainsi fixé pour se frotter à de nombreux autres compositeurs. Peut-on également parler de «pause» lorsqu’il s’agit d’une œuvre aussi monumentale et aussi périlleuse que le Requiem de Giuseppe Verdi (1813-1901)? Là aussi, on n’oublie pas que l’orchestre est en terrain connu, ayant déjà eu l’occasion de le jouer à maintes reprises, notamment sous la baguette d’un autre chef italien, dans un concert resté dans toutes les mémoires voilà un peu plus d’un an (voir ici) mais, à notre connaissance, c’est la première fois que Daniele Gatti le dirige à Paris, à la tête de son orchestre. La confrontation était donc attendue pour servir ce chef-d’œuvre qui, comme on le sait, fut composé en hommage au poète italien Alessandro Manzoni (1785-1873) et créé le 22 mai 1874, à Milan, sous la direction du compositeur.


La scène du Théâtre du Châtelet s’avère tout juste assez grande pour accueillir un orchestre National venu en force (comptant notamment huit contrebasses, divisées en deux ensembles, à droite et à gauche de la scène) et un chœur de Radio France comprenant lui aussi près de cent protagonistes. En voyant Daniele Gatti s’avancer sur scène, à la suite des quatre solistes, on a une petite appréhension: sa stature, son air un peu renfrogné, l’allure de bête fauve prête à bondir qui émane de sa personne, laissent craindre une interprétation prise trop à bras-le-corps. Il n’en fut rien. En vérité, il existe deux manières d’interpréter le Requiem de Verdi: la bonne et la mauvaise. Et quelle que soit l’option retenue, il existe ensuite trois possibilités. Le chef peut choisir une interprétation pleinement religieuse, quelque peu détachée du monde réel (comme savait le faire Carlo Maria Giulini par exemple); il peut également lui préférer une interprétation théâtrale, jouant notamment sur les effets de masse, comme l’avait fait Daniel Barenboim à la Salle Pleyel il y a quelques mois (voir ici). La troisième possibilité se situe à mi-chemin des deux précédentes; c’est celle qui est généralement donnée, avec plus ou moins de réussite.


Ce soir, Daniele Gatti, chef lyrique s’il en est, a clairement opté pour la version théâtrale: ce fut une véritable réussite. Le pianissimo inaugural de l’œuvre, tout en finesse, est à l’image de ce que sera l’orchestre au fil du concert. Gatti joue sans aucune difficulté le rôle de l’architecte idéal, bénéficiant de cordes puissantes, de bois exemplaires (encore une fois, Nora Cismondi au hautbois et Calogero Palermo à la clarinette pour ne citer qu’eux ont été magnifiques) et de cuivres rutilants. Certes, on peut remarquer les imperfections des bassons au début du Quid sum miser tunc dicturus (bassons qui se rattrapent de la plus belle manière dans leur accompagnement du passage Huic ergo parce, Deus, toujours dans le Dies iræ) ou les trompettes parfois chevrotantes dans les échos retentissant au début du Tuba mirum, mais, au-delà de ces rares anicroches, on assiste à une magnifique démonstration orchestrale. Saluons encore une fois le travail de Daniele Gatti qui, usant d’une gestique précise et minimaliste, fait ainsi ressortir avec une méticulosité de dentellière la douceur du hautbois dans le passage Ne me perdas illa die ou le jeu des clarinettes lorsqu’elles accompagnent l’Inter oves locum praesta (deux extraits du Dies iræ). Cette réussite nous fait d’autant plus regretter les tempi parfois trop retenus adoptés par le chef italien, notamment dans les célèbres martellements au début du Dies iræ qu’on aurait aimés plus dévastateurs.


Avec un tel orchestre, il fallait quatre solistes à la hauteur de l’enjeu: indéniablement, ils furent eux aussi du plus haut niveau! A l’applaudimètre, ce fut incontestablement la reine de la soirée: Krassimira Stoyanova fut effectivement impériale, notamment dans un Libera me à couper le souffle, d’une justesse, d’une précision et d’une musicalité incroyables. Issue de la troupe du Théâtre Mariinsky, Ekaterina Gubanova, inscrivant son chant dans la veine théâtrale souhaitée par Daniele Gatti, impressionne par la complexité de sa voix, alchimie parfaite de douceur et d’embrasement, idéale pour interpréter une partition ô combien redoutable: son Liber scriptus proferetur est à marquer d’une pierre blanche. Très attendu notamment dans l’insurpassable Ingemisco tamquam reus, le ténor italien Francesco Meli, qui remplaçait Stuart Neill, initialement prévu, fut également idéal, déclamant avec une véritable humilité sa partie où tant de chanteurs aiment se faire plaisir, au détriment du discours. Quant à Georg Zeppenfeld, il fut admirable de dignité et de profondeur, qu’il chante en qualité de soliste (dans le superbe Confutatis maledictis) ou au sein du quatuor, ce dernier ne cessant de regarder le chef d’orchestre afin de répondre au mieux à ses sollicitations.


Le Chœur de Radio France, préparé avec son professionnalisme habituel par Matthias Brauer, participa également au succès de la représentation, qui prouve une fois encore que le courant passe très bien entre l’Orchestre national de France et Daniele Gatti. Cette production, qui va être donnée à deux reprises au Musikverein de Vienne, devrait donc ravir les mélomanes autrichiens qui, à l’instar du public de cette soirée, devrait lui faire un véritable triomphe.


Le site de Krassimira Stoyanova



Sébastien Gauthier

 

 

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