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Haydn dans ses murs

Eisenstadt
Schloss Esterházy
09/09/2010 -  et 10 septembre 2010
Joseph Haydn : Die Jahreszeiten
Ana Maria Labin (soprano), Daniel Behle (ténor), Mathias Hausmann (basse)
Wiener Kammerchor, Österreichisch-Ungarische Haydn Philharmonie, Adam Fischer (direction)




A Eisenstadt, tout parle de Haydn, comme tout parle de Mozart à Salzbourg. Avec pas moins d’enthousiasme, mais plus de discrétion. Cela va de la bouteille de vin – issue évidemment des vignobles des Esterházy – à la Haydn Stüberl, taverne où l’on goût aux spécialités de la région. Le festival, lui, a vu le jour en 1989, du moins sous sa forme actuelle – des concerts articulés de façon homogène et raisonnée autour d’une thématique. Autofinancé à 75% pour un budget global de 1.600.000 euros, notamment grâce au mécénat, il affiche, fort d’un taux de remplissage maximum, une belle santé et Walter Reicher, son directeur depuis l’origine, peut se montrer satisfait. Le prix des places, pourtant, n’excède jamais 80 euros : « Nous sommes économes, explique cet ancien étudiant… en économie, qui fait remarquer, avec un sourire malicieux, qu’il est arrivé à Eisenstadt au même âge que Haydn ; notre équipe, par exemple, ne compte que six salariés permanents, moi compris. » Pas de vedettariat non plus : les dix « Haydntage » misent sur la qualité et la fidélité des interprètes, choisis pour l’intimité qu’ils entretiennent avec le compositeur, à commencer par le chef d’orchestre Adam Fischer, qui a créé in loco la Philharmonie austro-hongroise portant le nom de Haydn. Tous s’engagent à inscrire leurs programmes dans la thématique de l’année. De grands noms n’en ont pas moins fait le voyage, de Neville Marriner à Peter Schreier, de Rudolf Buchbinder à Mischa Maisky. Et l’on ne fait pas de différence entre les interprétations traditionnelles et les exécutions « à l’ancienne » : Eisenstadt est le premier festival autrichien à avoir associé les deux approches… avant Salzbourg, s’amuse le directeur.


Si Haydn est omniprésent, il est en compagnie. Après avoir fêté le bicentenaire de sa mort l’année dernière, le festival a choisi cette année ce célébrer des anniversaires : Chopin et Schumann, nés en 1810, côtoient, entre autres, Cherubini, né en 1760, Mahler et Albéniz, venus au monde un siècle plus tard, L’année prochaine, ce sera « Haydn et le Nouveau Monde », où, en 1766, arrivait chez les Mormons une copie de la Dix-Septième Symphonie. L’occasion aussi de rappeler que Haydn a dirigé Idalide de Sarti et Montezuma de Zingarelli à Esterháza, le petit Versailles de Nicolas Ier le Magnifique, situé en Hongrie à une cinquantaine de kilomètres. Sept ans après avoir été engagé à par son frère aîné Paul Anton à Eisenstadt, Haydn s’installa à Esterháza en 1768 et y resta jusqu’à la mort du Magnifique, en 1790 – à la fin de l’année il partait pour Londres.


Les concerts symphoniques sont donnés dans la Salle Haydn du château d’Eisenstadt - 660 places - réaménagée en 1803 : rien n’atteste donc qu’il s’y soit produit, puisqu’il y séjourna pour la dernière fois cette année-là, ne quittant plus Vienne ensuite. La salle de l’Empire, réservée à la musique de chambre, vit en revanche certaines créations, notamment celle du Quatuor « l’Empereur », en septembre 1797. On y croise un public connaisseur et exigeant, dont 40% vient de l’étranger et qui, entre deux concerts, parcourt le Burgenland, se baigne dans le lac de Neusiedl – le plus grand d’Europe – et déguste les vins locaux. Mais il va d’abord à la Bergkirche, où se trouve le tombeau de Haydn, visite sa maison, aujourd’hui transformée en musée, se rend ensuite au village de Rohrau, pour voir sa maison natale, devenue musée elle aussi. S’il pousse plus loin afin d’admirer le palais d’Esterháza, il n’y verra malheureusement aucun des deux opéras : un incendie détruisit le premier en 1779 et le second, inauguré en 1781 et où Haydn dirigea plus de mille représentations, fut démoli au XIXe siècle.


Eisenstadt, enfin, est le siège de la Haydn Stiftung, dont les publications font régulièrement état des dernières avancées de la recherche, échos de colloques réunissant des spécialistes du monde entier, dont le Français Marc Vignal, ou de documents inédits patiemment dépouillés.


Comme chaque année, il revenait à Adam Fischer d’ouvrir le festival, avec, cette année, Les Saisons. Quand on a enregistré l’intégrale des Symphonies– la meilleure, dans le style traditionnel, avec celle d’Antal Dorati -, on connaît son Haydn à fond. Aucun détail de l’oratorio ne lui échappe en effet, tout s’entend – et Dieu sait si la partition témoigne, à travers le moindre détail, d’un jaillissement permanent de l’inspiration. L’introduction du « Printemps » révèle également un sens aigu des atmosphères qui ne se démentira pas – comme le lever du jour ou l’orage, dans « L’Eté », le chœur de vendanges dans « l’Automne », la torpeur de la nature endormie au début de « L’Hiver ». Le chef hongrois conçoit Les Saisons comme une sorte d’opéra de concert : sa direction, très dramatique et jamais séquentielle, aussi souple que puissante, enchaîne les parties dans une continuité superbement maîtrisée, avec un parfait dosage des contrastes. Il la situe, surtout, à sa juste place : dans les dernières années des Lumières, dont elle hérite une sagesse incarnée par le dernier air de Simon, à la charnière du classicisme et du romantisme – rien de moins baroque que ce dernier oratorio de Haydn.


L’orchestre – celui de l’intégrale des Symphonies – est homogène, avec des bois fruités, des cordes rondes et des cuivres assez sûrs pour que les cors ne couinent pas dans la chasse de « L’Automne », pour laquelle ils sont répartis dans la salle. Belle homogénéité, de même, du côté du chœur, si souvent sollicité, impeccable dans les grandes fugues chorales, grâce à Michael Grohotolsky. Les solistes s’intègrent parfaitement à l’ensemble, sans tirer, pour le coup, leurs parties vers l’opéra. Ana Maria Labin, un rien réservée au début, libère progressivement une voix jeune et ronde, aux registres bien soudés, conservant à Hanne sa fraîcheur paysanne sans tomber dans le piège de la naïveté apprêtée. Le Lukas de Daniel Behle compense la blancheur du timbre et la modestie du volume par la musicalité, la souplesse de l’émission et la qualité du phrasé. Encore un peu vert, un peu trop discret dans les graves, le Simon de Mathias Hausmann n’en domine pas moins avec aisance la partie la plus difficile de l’oratorio, toujours très stylé, avec un sens sûr de la déclamation.


Adam Fischer dirigera le concert de clôture le 19 septembre : Quatre-vingt-dix-neuvième Symphonie de Haydn et Quatrième de Mahler.



Didier van Moere

 

 

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