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La nuit des étoiles

Millau
Cour du CREA
08/06/2010 -  
Maurice Ravel : Deux mélodies hébraïques (#) – Cinq mélodies populaires grecques (+)
Charles Ives : Watchman! (# *) – At the River (+ *) – His Exaltation (+ *) – The Camp Meeting (# *)
George Crumb : Celestial Mechanics
Johannes Brahms : Sextuor n° 2, opus 36

Erica Brookhyser (mezzo) (#), Christoph Sökler (baryton) (+), Yura Lee (alto), Blaise Déjardin (violoncelle), Jean-Sébastien Dureau, Vincent Planès (*) (piano), Quatuor Elias: Sara Bitlloch, Donald Grant (violon), Martin Saving (alto), Marie Bitlloch (violoncelle)


Le Quatuor Elias, Y. Lee et B. Déjardin


Comme la veille à Sainte-Eulalie-de-Cernon (voir ici), tout l’effectif de la première vague des participants aux «rencontres de musique de chambre du Larzac», directeurs musicaux compris, se retrouve à Millau: derniers moments de partage pour cette communauté d’artistes qui s’est forgée, 300 mètres plus haut, dans une bergerie à l’écart du monde. La météo étant favorable, le concert se déroule dans la cour du CREA (Centre de rencontres, d’échanges et d’animations): une première pour le festival – mais l’expérience devra-t-elle être renouvelée? Car les joies du plein air ont souvent leur revers: ici, ce sont les cordes «vocales et instrumentales», pour reprendre l’expression de Caplet, qui tendent à se perdre dans les airs, tandis que le lieu n’est pas isolé des bruits de la ville (moteurs, cris, ...).


Intitulé «Le Bal céleste», alors même que la vingtième «nuit des étoiles» vient de débuter, le programme propose, en première partie, des œuvres sortant des sentiers battus. Accompagnés tour à tour par Jean-Sébastien Dureau et Vincent Planès, les deux chanteurs du groupe, Erica Brookhyser et Christoph Sökler, se partagent les Deux mélodies hébraïques (1914) et les Cinq mélodies populaires grecques (1904/1906) de Ravel, qui encadrent quatre des innombrables songs d’Ives, Gardien! (1913), A la rivière (1916), Son exaltation (1913) et La Réunion du camp (1912), tous fondés sur des cantiques. La mezzo américaine confirme ses grandes qualités, justesse, souplesse, aisance et timbre agréable. En revanche, le baryton allemand, bien que mettant soigneusement sa voix légère au service des textes, suscite moins d’enthousiasme: paraissant mal à l’aise avec la tessiture de ces pages – Ives trop grave pour lui et Ravel trop aigu – il peine en outre à se départir d’une émission trop souvent nasale et engorgée.


«Bal céleste», c’est le titre que George Crumb, sur la suggestion de son frère, a failli donner à ses Mécaniques célestes (1979), quatrième partie de son cycle Makrokosmos. Comme l’indique Jean-Sébastien Dureau dans son avant-propos, le lien avec Ravel et Ives réside dans l’influence des musiques populaires, extra-européennes en l’espèce, mais une fois de plus, Crumb exploite, dans ces quatre «danses cosmiques» auxquelles il a attribué après coup le nom d’une étoile («Alpha Centauri», «Beta Cygni», «Gamma Draconis» et «Delta Orionis»), toutes les possibilités de l’instrument, un peu à la manière du piano préparé de son compatriote John Cage, mais de façon très personnelle: amplification, déformation par l’adjonction d’une règle métallique, intervention directe des mains sur les cordes, ... A cette fin, la partition n’est pas posée comme de coutume sur le clavier, mais sur un pupitre placé au-dessus des cordes. Le tourneur de pages – en l’occurrence Joël Merah, compositeur en résidence – tient d’ailleurs de fait le rôle d’un troisième pianiste, étant lui-même appelé à jouer sur les touches ou à pincer les cordes. Au fil de ces 28 minutes hors du temps, si les pièces impaires semblent inhabituellement rythmées chez Crumb, les pièces paires cultivent ces atmosphères contemplatives, planantes et carillons qui lui sont chères, la dernière offrant même l’une de ses aventures les plus radicales, un très lent évanouissement progressif de notes répétées et de résonances.


Après l’entracte, le Quatuor Elias est renforcé au premier alto par l’Américaine d’origine coréenne Yura Lee (née en 1985), quatrième prix aux concours Leopold Mozart d’Augsbourg (2006) et d’Indianapolis (2006) puis troisième prix au concours Joseph Joachim de Hanovre (2009) – par ailleurs championne de jungle speed – et au premier violoncelle par Blaise Déjardin (né en 1984) – alias «shepherd Blaise», chargé d’empêcher les moutons importuns d’accéder à la bergerie –, membre de l’Orchestre symphonique de Boston depuis 2008. Le Second sextuor (1865) de Brahms, qui appréciait tant les grandes balades dans la campagne, respire le bon air et les grands espaces, c’est-à-dire tout l’environnement des jeunes musiciens depuis leur arrivée sur le Larzac. Instrumentalement au point, leur interprétation ne manque pas tant de verve (Scherzo, Finale) que de cette impalpable différence entre une exécution vivante, pleinement engagée, et l’évidence d’une musique coulant naturellement de source – mais cela tient sans doute pour l’essentiel au peu de temps, malgré tout, dont ils ont disposé pour travailler ensemble.


Le site de la Société Charles Ives

Le site de George Crumb



Simon Corley

 

 

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