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Mireille revient aux pieds d'Auguste

Orange
Théâtre Antique
08/04/2010 -  & 7 Août 2010
Charles Gounod: Mireille
Nathalie Manfrino (Mireille), Marie-Ange Todorovitch (Taven), Karen Vourc'h (Vincenette), Caroline Mutel (Clémence), Amel Brahim-Djelloul (la voix/Andreloun), Florian Laconi (Vincent), Franck Ferrari (Ourrias), Nicolas Cavallier (Ramon), Jean-Marie Fremeau (Ambroise), Jean-Marie Delpas (le passeur), Philippe Ermelier (un farandoleur)
Chœurs de l'Opéra-Théâtre d'Avignon des Pays de Vaucluse, des Opéras de Marseille et Nice, Aurore Marchand, Pierre Iodice, Giulio Magnani (Chefs de chœurs), Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Samuel Coquard (direction), ballet de l'Opéra-Théâtre d'Avignon, Eric Belaud (chorégraphie), Ensemble Instrumental des Chorégies d'Orange, Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine, Alain Altinoglu (direction musicale)
Robert Fortune (mise en scène), Christophe Vallaux, Robert Fortune (scénographie), Rosalie Varda (costumes), Jacques Rouveyrollis, Jessica Duclos (lumières)


Nathalie Manfrino (© Philippe Gromelle)


Mireille est tellement ancrée dans un régionalisme désuet - autant qu'attachant pour un Méridional - qu'il est vain de penser que les magnanarelles rechanteront un jour à Dublin, Londres, Philadelphie (1864), à Saint-Pétersbourg (1874) ou au Metropolitan Opera de New York, où une seule représentation fut donnée en 1919. Quant au Regietheater, que tous les saints de Provence et d'ailleurs nous préservent d'une telle abomination s'il venait à s'emparer de cette œuvre. En France, l'opéra de Gounod quitte rarement le Sud où il est régulièrement donné à Marseille, Toulouse, Avignon, Toulon, Nîmes, Vaison-la-Romaine, plus rarement au Festival d'Aix-en-Provence (1954), avec quelques visites à Paris, notamment en 1993 à l'Opéra Comique, lieu de sa création, ou tout récemment au Palais Garnier en ouverture de la saison 2009-2010 de l'Opéra national de Paris (lire ici).


Aujourd'hui, c'est dans le cadre des Chorégies d'Orange que Mireille revient dans l'impressionnant Théâtre Antique. Contrairement à ce que l'on peut lire ici ou là, Mireille ne fait pas son « entrée » à Orange. Elle est déjà venue mourir aux pieds d'Auguste il y a quarante ans.


Cette production ne manque pas d'élégance, ni esthétiquement, ni vocalement. Malgré des répétitions perturbées (la « pré-générale »  est annulée à cause de la pluie, tout comme la générale à cause, cette fois, d'une panne électrique) et une courte ondée qui s'invite au début du quatrième acte le soir de la première, obligeant le chef d'orchestre à interrompre la représentation pour mettre les instruments à l'abri, le spectacle fonctionne bien tant les acteurs et chanteurs font preuve du plus grand professionnalisme. La mise en scène de Rober Fortune, tout en restant classique, est fluide, permettant l'enchaînement des sept tableaux sans qu'on y perde en tension dramatique. Aidé de Christophe Vallaux, il remplace fort subtilement tout décor qui se perdrait sur l'immensité de cette scène par des projections dont on ne saurait dire laquelle est la plus saisissante, de celle utilisée pour le Val d'Enfer, ou celles du dernier acte qui tapissent le vertigineux mur du théâtre de bougies allumées vacillantes placées au dessus des visages des deux saintes de la mer, se transformant peu à peu en lourdes vagues qui roulent sur le rivage, comme pour avaler le corps inerte de Mireille. L'intérêt de cette mise en scène est non seulement qu'elle satisfait pleinement les yeux, mais aussi, et surtout, qu'elle met en évidence les dimensions contradictoires du livret, fait d'un mélange de paganisme et de christianisme où se mêlent le fantastique et la peinture d'une société paysanne avec ses rites chrétiens et son implacable rigidité.


Les costumes de Rosalie Varda sont soignés, cousus dans des tissus riches, variés, aux motifs et couleurs authentiquement provençaux. Les éclairages, que l'on doit à Jacques Rouveyrollis, sont eux-aussi adroitement utilisés, tout particulièrement dans l'acte du Rhône.


Sur le plan vocal, on saluera d'abord une distribution entièrement française dont les qualités d'élocution et la distinction font honneur à l'«école » française. On ne peut que regretter la difficulté de presque tous les chanteurs à passer la rampe (mais ce lieu est tellement immense!) exceptions faites toutefois du Vincent de Florian Laconi dont la voix au timbre ensoleillé est suffisamment puissante pour s'envoler au delà de la fosse, et de Nicolas Cavallier, en Ramon, dont la prestance et la diction sont de très bon aloi. Franck Ferrari est l'Ourrias que l'on attend: fat, vaniteux et poltron à la fois; hélas, son personnage manque un peu de panache. La technique est sûre mais la voix se noie dans l'orchestre, devenant presque inaudible dans son air « Ourrias, bouvier de Camargue ». Marie-Ange Todorovitch en Taven est excellente sur le plan dramatique mais semble peu à l'aise dans la tessiture de ce rôle, accusant des changements de registre dans « Voici la saison, mignonne » parfois heurtés. Amel Brahim-Djelloul signe avec talent l'air « Heureux petit berger ». La voix est claire et, là aussi, la diction irrépréhensible.


Nathalie Manfrino est une Mireille touchante et sincère. Elle rend justice à l'air du deuxième acte « Mon cœur ne peut changer » où la brève ornementation sur « je suis ta femme » aurait gagné à être mieux articulée. Dans l'air de la Crau, Manfrino est poignante et le ton d'une justesse accomplie. La voix n'est certes pas immense et, en dépit de quelques très jolis piani, la chanteuse, soucieuse de se faire entendre, force souvent sur sa voix, au détriment d'un timbre, par ailleurs fort joli, qui perd de son éclat et devient un peu dur dans le registre aigu. Attention à ne pas user trop vite un si bel instrument!


Karen Vourc'h (Vincenette), Jean Marie Fremeau (Ambroise), et Jean-Marie Delpas (le passeur) font également honneur au chant français.


Les chœurs des Opéras d'Avignon, Marseille, et Nice, sont parfois gênés par le manque de répétitions et les décalages sont nombreux au premier acte. Très vite, les choses s'améliorent grâce à la fermeté des départs lancés de la fosse et l'impression d'ensemble est plus que satisfaisante.


La fosse réserve elle aussi une excellente surprise. Alain Altinoglu dirige un Orchestre national de Bordeaux en parfaite santé, avec éloquence et rigueur, attentif à ne rien laisser dans l'ombre, au point cependant de couvrir les chanteurs en quelques occasions.


On ne peut que féliciter les organisateurs des Chorégies d'Orange d'avoir programmé Mireille après une si longue absence. Cela donne à un public venant des quatre coins de France, ainsi que de nombreux pays étrangers, une occasion rarissime de faire connaissance avec cette œuvre.


L'Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine



Christian Dalzon

 

 

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