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Cordes et vent(s)

Salon-de-Provence
Château de l’Emperi
08/03/2010 -  
Joseph Haydn : Trios «de Londres» n° 1 et n° 2, Hob.IV.1 et 2
August Klughardt : Quintette à vent, opus 79 (*)
Ludwig van Beethoven : Trio à cordes n° 3, opus 9 n° 1
Josef Strauss : Jokey-Polka, opus 278 (arrangement Hisaoki Mizuno)
Johann Strauss jr. : Persischer Marsch, opus 289 – Tritsch-Tratsch-Polka, opus 214 (arrangements Hisaoki Mizuno)
Franz Lachner : Lyrisches Intermezzo
Franz Schubert : Quintette à cordes, D. 956 (#)

Eliette Prévot (soprano), Emmanuel Pahud (flûte), François Meyer (hautbois), Paul Meyer (clarinette), Julien Hardy, Gilbert Audin (*) (basson), Chezy Nir (cor), Daishin Kashimoto, Alexander Sitkovetsky (#) (violon), Antoine Tamestit (alto), Jérôme Pernoo, Raphaël Perraud (#) (violoncelle), Ria Ideta (marimba), Jonathan Gilad (piano)




«Musique à l’Emperi» aime à se positionner à contre-courant: du 28 juillet au 7 août, la dix-huitième édition de l’un des rares festivals à échapper en 2010 à de(ux) pesants bicentenaires est en effet intitulée «Saison viennoise», s’intercalant entre la «Saison russe» de 2009 et, en 2011, la «Mitteleuropa», avec pour fil conducteur Hindemith. Une fois de plus, la thématique retenue par le triumvirat des fondateurs et directeurs artistiques – le pianiste Eric Le Sage, le clarinettiste Paul Meyer et le flûtiste Emmanuel Pahud – fait appel à la curiosité et à la confiance d’un public à la fois fidèle et connaisseur: partitions et compositeurs rares alternent habilement avec les chefs-d’œuvre établis. Ainsi de cet hommage à la capitale des Habsbourg, qui, de Haydn à Schönberg, mais en omettant curieusement Brahms, fait bien évidemment la part belle aux «première» et «seconde» «Ecoles de Vienne», tout en s’intéressant également à des auteurs restés un peu dans l’ombre (Hummel, Spohr, Zemlinsky, Korngold), voire parfois quasiment oubliés (Matiegka, Lachner, Klughardt).


Schubert est à l’affiche de la plupart des dix concerts: rien de plus normal pour ces pantagruéliques schubertiades réunissant des amis musiciens – plus de trois heures, entracte compris, pour ce programme essentiellement romantique néanmoins intitulé «Vous avez dit classique?». Sur les hauteurs du centre historique de Salon-de-Provence, la cour Renaissance du château, dominée par une tour médiévale crénelée, bénéficie d’une excellente acoustique et demeure relativement abritée du mistral qui souffle depuis le milieu de la journée. Les rafales s’engouffrent par moments avec violence, notamment durant la première partie, mais tout se passe presque comme de si de rien n’était: des couvertures bleu ciel sont distribuées à ceux qui craindraient de prendre froid et, grâce à un ingénieux système mêlant pinces à linge et fils lestés par des poids et au renfort de trois tourneurs de pages, les partitions, bien calées dans des classeurs à feuilles de plastique transparentes, ne s’envolent pas.


Musique idéale pour débuter une soirée d’été, les deux premiers des quatre Trios «de Londres» (1794) de Haydn, écrits à l’origine pour deux flûtes et violoncelle, sont tout aussi convaincants lorsqu’ils sont ainsi confiés à la flûte, au hautbois et à la clarinette. Le Quintette à vent (1898) d’August Klughardt (1847-1902), qui devait être donné deux jours plus tôt, apparaît en lieu et place d’une création de Fabien Waksman qui sera finalement présentée le lendemain. Même si le compositeur allemand, né à Cöthen et longtemps en poste à Dessau, ne possède pas un lien évident avec la capitale autrichienne, ces quatre mouvements constituent une bonne surprise, d’un charme frais et délicat qui n’est pas sans rappeler la Petite symphonie de Gounod, tant Emmanuel Pahud et Paul Meyer, nonobstant les bourrasques, y font assaut de raffinement.


A l’Emperi, ambiance décontractée ne rime pas avec laisser-aller: les spectateurs font preuve d’une attention remarquable et les artistes ne se départent pas d’une parfaite concentration. Il en faut, alors même que le plein air est moins favorable aux cordes qu’aux vents, pour parvenir à faire croire que le Troisième trio à cordes (1798) de Beethoven – Premier de l’Opus 9 – peut prétendre concurrencer les quatuors de l’Opus 18: c’est pourtant bien le cas lorsque Daishin Kashimoto, Antoine Tamestit et Jérôme Pernoo, excusez du peu, associent leur dynamisme et leur subtilité pour porter la musique de chambre à un niveau de perfection et de complicité véritablement miraculeux.


Comment ne pas évoquer Vienne sans penser à la famille Strauss? Mais faute d’orchestre, il faut faire avec les moyens du bord, en l’occurrence les arrangements de Hisaoki Mizuno pour un ensemble hautement improbable formé d’une clarinette, d’un marimba et d’un piano. La Jokey-Polka (1870) de Josef puis la Marche perse (1865) et la Tritsch-Tratsch-Polka (1858) de Johann fils résistent plutôt bien au traitement qui leur confère un petit côté «musique de... salon» (avec un «s» minuscule). Il est un peu dommage que Jonathan Gilad soit cantonné à un rôle d’accompagnement assez peu inventif, mais au marimba, la Japonaise Ria Ideta réussit l’exploit de convaincre que percussion et legato ne sont pas incompatibles.


Après un entracte bien mérité, beaucoup auront sans doute découvert Franz Lachner (1803-1890): avant de tenir un rôle important à Munich, l’Allemand séjourna à Vienne; il y connut Schubert, dont il créa avec lui la Fantaisie en fa mineur pour piano à quatre mains. Son Intermezzo lyrique (1832), méticuleusement chanté par la jeune soprano Eliette Prévot, est fondé sur l’un des plus célèbres poèmes de Heine («Sur les ailes du chant»), mis en musique à de nombreuses reprises, notamment par Mendelssohn quatre ans plus tard. Cette mélodie pourrait être signée Schubert, non seulement en raison de son effectif (soprano, clarinette et piano) – celui du Pâtre sur le rocher – mais aussi de son langage et de son atmosphère si gemütlich.


Pour conclure, le trio de cordes de la première partie est rejoint par Alexander Sitkovetsky au second violon et Raphaël Perraud au second violoncelle: la magie opère à nouveau dans un étonnant Quintette en ut (1828) de Schubert. Non que l’interprétation se range parmi les plus abouties, ne serait-ce que d’un point de vue instrumental; sans prétendre non plus aux sommets métaphysiques ou symphoniques atteints par d’autres versions. Mais elle n’en captive pas moins par sa manière de travailler l’instant, aussi fugitif qu’inoubliable: «ici et maintenant», certes, mais avec en même temps la promesse du souvenir ému d’une intense expérience musicale, passionnante et partagée. Le jeu des contrastes crée de puissants effets dramatiques: allant, combatif et mordant, l’Allegro ma non troppo (avec sa vaste reprise) s’alanguit ainsi pour le second thème, qui cultive des nuances dynamiques quasi imperceptibles; de même, la violence de la partie centrale de l’Adagio s’oppose aux murmures des deux sections qui l’entourent et, a contrario, le Trio suspend la folle énergie du Scherzo. Conclusion idéale que cet Allegretto final dont les inflexions populaires et viennoises auront rarement été aussi bien mises en valeur, y compris lorsque la capitale de l’empire austro-hongrois se souvient qu’elle est très proche de Budapest.


Le site de Musique à l’Emperi
Le site de Paul Meyer
Le site d’Alexander Sitkovetsky
Le site d’Antoine Tamestit
Le site de Jérôme Pernoo



Simon Corley

 

 

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