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Le regret du Paradis

Compiègne
Château du Plessis-Brion
07/17/2010 -  
Ludwig van Beethoven : Trio avec piano n° 1, opus 1 n° 1
Nicolas Bacri : Trios avec piano n° 1 «Toccata sinfonica», opus 34, et n° 4 «Sonata seria», opus 98
Ernest Chausson : Trio avec piano, opus 3

Trio Elégiaque: François Dumont (piano), Laurent Le Flécher (violon), Virginie Constant (violoncelle)





Du 20 juin au 18 juillet, le festival des Forêts (de Laigue et de Compiègne), plus que jamais, reste fidèle à une philosophie qui, en s’inscrivant résolument dès ses débuts dans une démarche de développement durable, était alors pionnière. On retrouve cet état d’esprit jusque dans d’amusants clins d’œil: le covoiturage est récompensé par la gratuité du programme de salle et les festivaliers cyclistes se voient offrir une boisson gratuite, tandis que les artistes, au moment des rappels, reçoivent, au lieu des habituels bouquets de fleurs, des arbustes en pots.


L’objectif de la manifestation demeure inchangé: associer, à une heure de route ou de train de Paris, musique, nature et patrimoine. Le vecteur principal en reste le concert précédé d’une randonnée, permettant aux mélomanes d’apprécier les beautés écologiques et architecturales des sites picards, tout en conservant des rendez-vous plus traditionnels, tel le festif spectacle illuminé au château de Pierrefonds. Un tel concept ne pouvait que séduire François-René Duchâble, qui ne rate pas une occasion de sortir des sentiers battus, mais bien d’autres musiciens de qualité sont à l’affiche pendant ces quatre semaines (Henri Demarquette, Marie Hallynck, Pascal Moraguès, Ronald Van Spaendonck, Cédric Tiberghien, les quatuors Diotima et Voce, ...).


Si cette dix-huitième édition respecte donc les traditions, le président et fondateur, Bruno Ory-Lavollée, ne se contente pas de savourer la satisfaction d’avoir été en avance sur son temps en affichant des préoccupations d’ordre environnemental et s’attache donc à multiplier les innovations, particulièrement en direction de la jeunesse. Déjà durant l’hiver et le printemps, comme le pli s’en est pris depuis cinq ans, 450 élèves originaires de quinze établissements ont développé leur apprentissage du vivre ensemble: au travers de la musique, établissements scolaires et spécialisés (pour enfants handicapés et fragilisés) se mêlent à parité dans ce projet citoyen, auquel ont collaboré le percussionniste Emmanuel Curt (Orchestre national) et la flûtiste Magali Mosnier (Philharmonique de Radio France). Pendant le festival proprement dit, deux formules nouvelles ont par ailleurs été proposées cette année: l’une regroupe parents et enfants autour de six «concerts en famille» d’une durée d’une heure, moment d’échange avec le public dont les artistes peuvent disposer à leur guise; l’autre est spécialement destinée aux 4-10 ans, au travers de cinq ateliers «P’tites zoreilles» qui les occupent pendant que leurs parents assistent au spectacle.


Enfin, outre un «voyage inédit dans l’œuvre de Mozart» au Palais impérial, en coproduction avec les Promenades musicales de Compiègne, il faut mentionner l’institution d’une résidence, confiée pour trois ans (2010-2012) à Nicolas Bacri: en plus de la reprise de partitions antérieures, les Deux esquisses lyriques pour violoncelle et piano ont été créées dès cette année et son Concerto luminoso «L’Eté» pour hautbois et trio à cordes le sera en 2011. Le festival a également présenté la deuxième audition de Winter’s night pour violon et orchestre à cordes, commande conjointe avec l’Orchestre de l’Opéra de Massy. Avec Il revient au printemps d’Ivan Jevtic et Echoing Green de Pascal Zavaro, toutes les créations se rattachent donc à la thématique des saisons, illustrant encore une fois une sensibilité singulière aux phénomènes naturels.


En ce beau samedi estival, les spectateurs ont d’abord pu assister à un «concert en famille» puis, installés en plein air devant la superbe façade Renaissance du château du Plessis-Brion, bénéficier d’une séance de présentation assurée par Nicolas Bacri lui-même. Il est ensuite temps de gagner un salon au rez-de-chaussée, où une estrade a été installée devant la cheminée: après une nouvelle intervention du compositeur, le Trio Elégiaque entre en scène. Formé en 2001, il fait partie de ces nombreux ensembles français qui, tels les Arcadis, Archiduc, Atanassov, Cérès, Chausson, Dali, Una Corda ainsi que les prometteurs Métabole, suivent la voie royalement ouverte par les Wanderer, comme l’a montré un disque Dusapin/Messiaen (Triton) aussi remarquable que remarqué. En marge des représentations du Freischütz à l’Opéra-Comique (dans la version française incluant les récitatifs écrits par Berlioz), il interprétera du 11 au 17 avril 2011 l’intégrale des Trios de Beethoven. Malgré une chaleur qui met à rude épreuve l’accord des instruments, le Premier trio (1795) augure bien de cette entreprise: douillettement mozartien dans l’Allegro, le confort sonore finit par devenir un peu indolent dans l’Adagio cantabile, mais la verve reprend ses droits dans le Scherzo et le Presto final.


Le Trio Elégiaque enregistrera prochainement une intégrale Bacri chez Naxos. Il en donne un large avant-goût, avec le Premier, qui n’est autre que la Toccata sinfonica (1987/1993), issue d’un Duo pour violon et violoncelle et dont il existe par ailleurs une version pour quintette avec piano, puis, après l’entracte, le Quatrième (2006), commande de ProQuartet dont il est dédicataire. Dans son propos liminaire, le compositeur, pour lequel «toute musique est élégiaque, dans la mesure où elle exprime le "regret du Paradis"» évoqué par Cioran, avait estimé que toute la soirée était placée sous le signe du Sturm und Drang. L’observation vaut pour ses deux trios: sombre et véhément, le Premier est constitué de quatre mouvements enchaînés dont chacun correspondrait à l’un des éléments (terre, feu, eau, air). Un peu plus ramassé (13 minutes) et plus policé, le Quatrième est sous-titré «Sonata seria» et, au fil de sept sections jouées sans interruption, recourt à des formes classiques (chaconne, fugue). Bacri y croit dur comme fer: le romantisme est partout, mais il s’exprime à chaque fois d’une manière différente; de fait, si le Premier rappelle la violence et la noirceur sans concession de Chostakovitch ou Greif, le Quatrième intègre davantage les enseignements des Viennois (Schönberg, Berg, Zemlinsky).


Le futur Beethoven n’apparaît guère dans l’Opus 1 qui date de ses 25 ans, mais tout le futur Chausson, en revanche, est, à 26 ans seulement, dans son Opus 3 (1881): franckisme cyclique, noblesse mais aussi grandes vagues mélancoliques et leurs troubles délices, autant d’atmosphères dans lesquelles s’épanouit une formation qui s’est placée sous la bannière de l’adjectif «élégiaque». Le bis consiste en un extrait de son prochain disque (Triton): entièrement russe, il comprendra notamment le Trio (1897) de Rimski-Korsakov, une rareté qui ne connut qu’une édition posthume, fondée sur compléments apportés par son gendre, le compositeur Maximilien Steinberg. Romance un peu doucereuse, l’Adagio met successivement en valeur le caractère lyrique du violoncelle puis du violon, qui se rejoignent ensuite en un duo amoureux.


Le site du festival des Forêts
Le site de Nicolas Bacri
Le site du Trio Elégiaque



Simon Corley

 

 

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