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« Au revoir, Dominique »

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
07/01/2010 -  
Nikolaï Rimski-Korsakov : Capriccio espagnol, opus 34
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour piano n° 1, opus 23
Serge Prokofiev : Symphonie n° 5, opus 100

Igor Tchetuev (piano)
Orchestre national de France, Neeme Järvi (direction)


N. Järvi (© Frederick Stucker)


Pour son dernier concert parisien de la saison, la chaleur a contraint l’Orchestre national de France à renoncer à la queue-de-pie et au nœud papillon: la lumière éclatante des chemises des musiciens est à l’unisson du décor immaculé de Semele de Haendel, présenté en ce moment au Théâtre des Champs-Elysées, mais aussi de la veste blanc cassé de Neeme Järvi, invité à diriger un programme entièrement russe qui a presque fait salle comble.


A un nombre impressionnant de fonctions honoraires témoins d’une riche carrière (Symphoniques de Detroit, de Göteborg et du New Jersey, Orchestre royal national d’Ecosse), l’Estonien ajoute trois postes permanents: premier chef invité du Philharmonique du Japon depuis septembre 1995, chef-dirigent de l’Orchestre de la Résidence de La Haye depuis septembre 2005 et, à compter de la rentrée prochaine, chef principal de l’Orchestre symphonique national d’Estonie. Sans être fréquentes, ses apparitions à la tête du National n’en sont pas moins régulières (voir par exemple en février 2001 et en février 2007). Sa venue dans la capitale précède de peu l’accession de son fils Paavo au poste de directeur musical de l’Orchestre de Paris... que son plus jeune fils Kristjan vient de diriger pour la Fête de la musique sous la pyramide du Louvre.


La soirée débute avec un Capriccio espagnol (1887) de Rimski-Korsakov soigneusement mis en scène, moins en verve que soucieux de prendre le temps nécessaire pour mettre en valeur la finesse et les détails de l’orchestration. Conforme à sa grande tradition, la toute française transparence de texture du National s’avère ici précieuse, rehaussée de parfaites interventions du premier violon solo, Luc Héry. Autre «tube» finalement pas si fréquent que cela en concert, le Premier concerto (1874) de Tchaïkovski permet au public parisien de découvrir le pianiste allemand d’origine ukrainienne Igor Tchetuev (né en 1980), qui vient de triompher à Lille dans un excellent Troisième concerto de Prokofiev (voir ici). Ne se laissant pas démonter par un démarrage pénible, il s’impose par la même subtilité de toucher et le même refus de la facilité, du sentimentalisme, de la débauche de décibels, du passage en force et du défi physique permanent, même si, quand il le faut, il fait crépiter les traits et déploie la puissance requise. Dans des tempi allants, n’abusant pas de la pédale et sans chercher l’originalité à tout prix, il n’en jette pas moins un œil assez neuf sur une partition ô combien fameuse, qui ne fait pas toujours l’objet d’autant d’attention et de nuances: une approche qui trouve à s’exprimer au mieux dans l’Andantino semplice central et, nonobstant un accompagnement qu’on pourra juger sobre ou insuffisamment motivé, n’oublie pas pour autant le panache. Comme à Lille, Tchetuev, qui se produira à Bagatelle dans le cadre du Festival Chopin dès le 5 juillet (voir ici), ne se fait pas prier pour offrir en bis la délicieuse Tabatière à musique (1893) de Liadov.


Avec son intégrale réalisée pour Chandos avec l’Orchestre royal national d’Ecosse voici une vingtaine d’années, Neeme Järvi s’est affirmé comme l’un des meilleurs spécialistes de Prokofiev. Interrogé durant l’entracte sur France Musique, il rappelle qu’il a abordé la Cinquième symphonie (1944) dès la fin de ses études à Leningrad, voici exactement un demi-siècle. Plutôt que de la concevoir comme une «symphonie de guerre» à l’image de celles de Chostakovitch ou Khatchaturian, il dit y trouver beaucoup d’amusement, de beauté et de rythmes. De fait, dès l’Andante initial, plus joyeux que solennel ou triomphal, l’œuvre, abordée à vive allure (40 minutes), paraît moins massive et épique qu’à l’ordinaire. Sans excès d’ironie ni de précipitation, l’Allegro marcato ne roule pas des mécaniques mais est acéré à souhait. Dépourvu de pathos, l’Adagio confirme cette volonté assez inattendue d’équilibre classique, comme une descendance lointaine de la Première, composée quant à elle durant la Première Guerre mondiale (et la Révolution russe). Avec une gestuelle aussi économe qu’efficace, le chef gère magistralement les alternances de tension et de respiration, et obtient d’un National presque parfait une clarté et un esprit chambriste jusque dans l’Allegro giocoso final.


Voilà qui laissera sans doute un beau souvenir à Dominique Meyer: vivant actuellement les ultimes journées de son mandat, le directeur général du Théâtre des Champs-Elysées accueille en effet pour la dernière fois le National. Il n’est toutefois pas au bout de ses surprises, puisque, fait exceptionnel de la part d’un orchestre en résidence, son départ pour le Staatsoper de Vienne est salué par un bis: une valse, bien sûr, celle du troisième acte du Lac des cygnes (1877) de Tchaïkovski, précédée de l’«Entrée des invités». Au moment des saluts, quelques musiciens brandissent des panneaux sur lesquels sont inscrits des lettres formant les mots «Au revoir Dominique». L’intéressé rejoint alors la scène pour recevoir les applaudissements de l’orchestre et des spectateurs, puis pour entendre l’Andante festivo (1922/1938) de Sibelius, assis sur le podium, dos à la salle et aux pieds du chef, qui avait déjà donné cette pièce en février 2008 avec l’Orchestre de Paris (voir ici). «Au revoir Dominique» et surtout «Merci M. Meyer» pour ces onze années mémorables passées avenue Montaigne, où c’est à Michel Franck qu’échoit la rude tâche de lui succéder.


Le site de Neeme Järvi



Simon Corley

 

 

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