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Denis le grand

Paris
Salle Pleyel
05/29/2010 -  
Nicolaï Rimski-Korsakov : Antar, suite symphonique (Symphonie n°2) op. 9
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n°3 en ut majeur op. 26
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Francesca da Rimini, Fantasia d’après Dante op. 32

Denis Matsuev (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Leonard Slatkin (direction)


L. Slatkin (© Donald Dietz/Detroit Symphony Orchestra)


Rimski et Tchaïkovski, mais ni Schéhérazade ni Pathétique : on peut remercier Leonard Slatkin d’être sorti des sentiers battus pour un programme inscrit dans l’année France-Russie 2010. Antar et Francesca da Rimini, en effet, n’encombrent pas les programmes de concert. La Suite de Rimski, pourtant, est un superbe morceau d’orchestre, aux couleurs d’un Orient reconstitué - ou plutôt fantasmé - à partir de chansons algériennes, à la fois guerrier et voluptueux, où le héros expire dans les bras d’une péri. Musique à programme témoignant déjà de la science de l’instrumentation du compositeur, de son sens de l’évocation. A la tête d’un Philhar’ aux solistes brillants, le chef américain en donne une interprétation très précise, notamment pour les nuances dynamiques, très souple aussi, plus scrupuleusement attaché cependant aux atmosphères – qu’il veut sombres – qu’à la narration épique, n’échappant pas, du coup, à un certain décousu. En un mot, cela manque un peu de folie, alors qu’on devrait être grisé par cette musique capiteuse – on pense ainsi à ce qu’en faisait un Svetlanov.


Est-ce la présence du pianiste ? Le Troisième Concerto de Prokofiev le montre beaucoup plus inspiré, très attentif au jeu de Denis Matsuev, obtenant un bel équilibre entre le piano et l’orchestre. Inutile de rappeler l’incroyable maîtrise technique du pianiste russe, pour lequel une des partitions les plus redoutables du répertoire concertant semble un jeu d’enfant. S’il sait griffer les touches pour les passages sarcastiques, il n’élude jamais le lyrisme généreux de Prokofiev ; parfois, il joue presque le concerto comme du Rachmaninov, dans un esprit très rhapsodique, dès un Allegro que son imagination semble inventer note après note. Il vagabonde ensuite dans les variations de l’Andantino, puissant, volubile ou rêveur grâce à une infinie richesse de couleurs et de toucher, magnifique dans les accords staccato accompagnant, à la fin, le retour du thème. Sa lecture, enfin, de l’Allegro évite le piège d’une approche exclusivement rythmique, laissant la place à l’humour ou à l’effusion. Bref, Matsuev n’a pas que des doigts, c’est un grand pianiste. Trois bis : l’Etude en la mineur op. 76 n°2 de Sibelius, merveille de finesse et de poésie, la « Révolutionnaire » de Chopin, éruptive mais pas toujours impeccable, l’arrangement – ne soyons pas méchant - de l’air de Figaro du Barbier de Séville de Rossini par Grigori Ginzburg, morceau de bravoure gratuite que le pianiste aime à jouer pour électriser un public déjà tout acquis.



Francesca da Rimini n’est pas le poème symphonique de Tchaïkovski le plus constamment réussi : si l’introduction ténébreuse, le mélancolique passage médian font partie de ses plus belles inspirations, la tempête qui emporte les damnés tourne parfois un peu à vide, surtout dans la dernière partie – digestion difficile de la Tétralogie entendue lors de l’inauguration du Festspielhaus de Bayreuth ? Leonard Slatkin la déchaîne avec la passion et le sens du récit qui faisaient défaut à Antar, entraînant un orchestre qu’il a décidément fait beaucoup travailler dans un tourbillon pourtant parfaitement dominé – beaucoup en font un pandémonium tapageur. Et le passage central, avec son thème mélancolique à la clarinette – remarquable soliste -, est d’un lyrisme incandescent, alors que les couleurs restent nettes, jamais brouillées par l’émotion. Le concert, qui avait commencé dans les braises, s’achève dans les flammes.



Didier van Moere

 

 

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