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Ménage au purgatoire de la musique

Marseille
Opéra
05/26/2010 -  & 29 Mai, 1, 3, 6 Juin 2010
Ambroise Thomas: Hamlet
Franco Pomponi (Hamlet), Patrizia Ciofi (Ophélie), Marie-Ange Todorovitch (Gertrude), Nicolas Cavallier (Claudius), Christophe Berry (Laërte), Bruno Comparetti (Marcellus), Alain Gabbriel (Horatio), Patrick Bolleire (le spectre du roi), Jean-Jacques Doumène, Kévin Amiel (deux fossoyeurs)
Chœur et Orchestre de l'Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef du chœur), Nader Abbassi (direction musicale)
Vincent Broussard (mise en scène), Vincent Lemaire (décors), Katia Duflot (costumes), Guido Levi (lumières)


M.-A. Todorovitch & F. Pomponi (© Christian Dresse)


Comme beaucoup d'œuvres, Hamlet, d'Ambroise Thomas, a connu les limbes de l'oubli, de même que sa Mignon, tout récemment ressuscitée à l'Opéra-Comique (lire ici). La dernière représentation marseillaise de Hamlet date de 1946 et l'œuvre attend encore sa création dans de nombreux théâtres. Depuis la résurgence des sopranos lyriques légers – coloratura soprano si l'on veut – dans les années soixante, l'œuvre semble sortir lentement de son purgatoire et attirer, bon an, mal an, des théâtres d'opéra prestigieux: tout récemment au Metropolitan Opera de New York (lire ici) dans la production du Grand Théâtre de Genève (1996) qui a voyagé ensuite à Londres et à Barcelone.


L'exercice qui consiste à comparer le drame de Shakespeare au livret de Michel Carré et Jules Barbier, pour encenser le premier au détriment des seconds, n'est pas du plus grand intérêt, et ne saurait expliquer le délaissement de cet ouvrage. D'ailleurs, Barbier et Carré, peu familiers avec la langue anglaise, ne connaissaient le drame de Shakespeare qu'à travers l'adaptation (et non la traduction) française – somme-toute assez fidèle - d'Alexandre Dumas, père, et Paul Meurice. Tous deux (les librettistes) savaient fort bien que leur version de la pièce n'avait pas pour vocation de parfaitement coller à l'œuvre originale. Il s'agissait d'écrire un opéra, selon les conventions de l'époque et les contraintes du genre, et ils l'ont fait.


Hamlet, avec ses nombreuses qualités, suscite aujourd'hui un intérêt légitime et la superbe co-production de l'Opéra de Marseille et de l'Opéra national du Rhin est là pour le démontrer.


Le metteur en scène Vincent Broussard place le drame dans les années de la création de l'ouvrage et l'ensemble ne manque ni d'inspiration ni d'efficacité dramatique, avec, en prime, quelques effets saisissants, notamment l'apparition du roi défunt au premier acte, ou encore le cortège funèbre du dernier tableau qui semble sortir des entrailles de la terre, et parfois audacieux, dans le duo entre Hamlet et sa mère au troisième acte, ou encore dans la scène de la folie qui voit Ophélie se noyer... dans une baignoire. Le décor de Vincent Lemaire, magnifiquement éclairé par Guido Levi, reste le même pour les cinq actes, sans pour autant lasser. Katia Duflot signe de magnifiques costumes, noirs pour les hommes, et dans un camaïeux de gris pour les femmes.



P. Ciofi (© Christian Dresse)



Musicalement on est au meilleur niveau. Marie-Ange Todorovitch est une Gertrude en bonne forme vocale. Le médium est velouté, riche en couleurs, la projection idéale. Elle campe une reine tourmentée par le remords et la souffrance. Patrizia Ciofi, excellente dans le redoutable «À vos jeux mes amis», déclenche une ovation fort méritée. Rien ne manque à son Ophélie, ni les notes périlleuses, ni la justesse du ton. Le baryton Franco Pomponi est un Hamlet lui aussi tout en justesse. La voix est souple, puissante et nuancée, et le chanteur ne tombe pas dans le piège du Hamlet falot. Bien au contraire. Il incarne un prince viril, énergique et sincèrement amoureux. Les autres rôles sont tenus avec talent: le Claudius de Nicolas Cavallier est touchant dans son air du troisième acte «Je t'implore, Ô mon frère». Christophe Berry (Laërte), Bruno Comparetti (Marcellus), Alain Gabriel (Horatio), Antoine Normand (Polonius) complètent une solide distribution.


À la tête de l'orchestre, Nader Abbassi fait un travail rigoureux. Il sert avec panache une musique fort bien écrite, riche en couleurs et pleine de vitalité. Le chœur est lui aussi en grande santé vocale et sa prestation digne d'éloges, tout particulièrement dans son accompagnement de la mise au tombeau à la fin de l'opéra.


Le public est manifestement conquis par l'incontestable qualité de cette coproduction. Hamlet sort peu à peu de l'ombre et on ne peut que saluer une initiative qui réhabilite un œuvre injustement boudée.


Mais faire le ménage au purgatoire de la musique ne devrait pas seulement consister à en faire sortir certaines œuvres. Peut-être devrait-on songer aussi à y faire entrer quelques unes qui nous bercent les oreilles ad nauseam.



Christian Dalzon

 

 

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