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Hymne baroque à la liberté sexuelle

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/05/2010 -  et 7, 9, 11, 14 mai 2010
Pietro Francesco Cavalli : La Calisto

Sophie Karthäuser (Calisto), Lawrence Zazzo (Endimione), Giovanni Battista Parodi (Giove), Véronique Gens (Giunione, Il Destino), Marie-Claude Chappuis (L’Eternità, Diana, Coro di Menti Celesti, Furia 2), Milena Storti (Linfea, Coro di Menti Celesti), Cyril Auvity (La Natura, Pane, Coro di Menti Celesti), Mario Cassi (Mercurio), Sabina Puértolas (Satirino, Coro di Menti Celesti, Furia 1), Graeme Broadbent (Sylvano), Axel Anselmo/Félix Deschamps (Amore)
Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction)
Macha Makeïeff (mise en scène), Dominique Bruguière (lumières), Lionel Hoche (chorégraphie)


(© Théâtre des Champs-Elysées/Alvaro Yanez)


Encore... Encore une fois, voici un opéra dont le livret est inspiré très directement des Métamorphoses d’Ovide, déjà à la source d’un nombre considérable d’œuvres tant musicales que picturales ou littéraires. Francesco Cavalli (1602-1676) est organiste de formation. Il prend néanmoins rapidement la plume pour composer ses premiers opéras dès 1639. La Calisto, dramma per musica en trois actes, est ainsi son quinzième opéra et demeure, avec Il Giasone (1649) et L’Ercole (1662), son ouvrage le plus connu à ce jour.


Cette fois-ci, il s’agit de l’histoire de Calisto, fille de Lycaon, roi d’Arcadie, qui était une nymphe de l’entourage de la déesse Diane et qui devait, du fait même de sa situation, rester vierge. Comme cela lui est déjà arrivé par le passé à l’égard de maintes belles femmes, Jupiter tombe sous le charme de Calisto et entreprend, secondé par Mercure, de la séduire ; malheureusement pour lui, celle-ci reste sourde à ses avances. Jupiter choisit alors de se grimer et, se faisant passer pour Diane (c’est-à-dire pour une de ses propres filles !), parvient immédiatement à charmer Calisto. Or, lorsqu’elle retrouve la « véritable » déesse, elle se voit repoussée par Diane qui lui assure, à juste titre, ne jamais l’avoir embrassée. Enfin, pour simplifier l’intrigue, il convient de préciser que, dans le même temps, le berger Endymion soupire pour Diane et la suivante de celle-ci, Lymphée, se voit, quant à elle, courtisée par un petit satyre... Quelque temps après, ce même satyre surprend Diane qui, bien que déesse, éprouve quelques sentiments, embrassant Endymion qui s’était endormi : il court aussitôt en avertir Pan qui, veillant au grain, court sermonner Diane sur sa conduite. Quant à Jupiter, force est de constater que sa situation se complique lorsque Junon, son épouse légitime, descend sur terre et découvre très rapidement la supercherie qu’il a utilisée afin de séduire Calisto. Spectatrice de ce vaste imbroglio, Lymphée supplie quant à elle le Ciel de bien vouloir lui faire connaître l’amour : il s’en faut de peu pour que le petit satyre et ses compagnons ne la satisfassent violemment... La fin de l’opéra s’avère presque tragique alors que nombre d’ouvrages cherchent au contraire une conclusion heureuse. Ainsi Calisto se voit-elle sermonnée par Junon, qui la transforme en ourse avant de regagner le ciel, Jupiter seul parvenant à lui rendre forme humaine et à l’emmener avec lui dans les constellations célestes. Quant à Endymion, prisonnier de Pan, il est torturé par les satyres l’accompagnant avant que Diane ne le délivre et le convie à la suivre sur le mont Latmos.


Au-delà d’un scénario d’une incroyable complexité (les intrigues amoureuses ne cessant de se multiplier), l’action se caractérise surtout par ses audaces sur la thématique sexuelle : en effet, outre les travestissements d’identité et l’homosexualité qui en découle, le viol collectif dont Lymphée manque d’être victime, les aventures se multiplient, tout le monde essayant de séduire tout le monde sans la moindre morale et, ma foi, tant mieux si ça marche... En outre, on ne peut manquer d’être frappé par l’audace voire, dans certains cas, la modernité des propos tenus par les différents protagonistes. Ainsi, lorsque Mercure estime que « L’amant qui trompe est sûr de jouir » (acte I, scène 16), lorsque Lymphée clame « Je suis résolue à trouver un mari, je veux qu’on jouisse de moi ! » (acte II, scène 14) ou lorsque Jupiter estime qu’« Il est perdu le mari qui laisse sa femme régenter ses désirs » (acte II, scène 9) ! Les exemples peuvent être multipliés à l’envi : replacer de tels propos au milieu du XVIIe siècle (La Calisto ayant été créée en novembre 1651 au Teatro San Appolinare de Venise) ne manque pas de sel et, soyons-en sûr, ne manqueront pas, encore aujourd’hui, de faire rougir quelques personnes.


Le Théâtre des Champs-Elysées, moyennement rempli, accueillait donc ce soir la première des cinq représentations prévues, dans une mise en scène signée Macha Makeïeff. Même si l’on peut regretter quelques éléments (un avion écrasé dans le coin de la scène durant l’acte I) qui n’apportent rien à l’intrigue, force est de constater que les décors s’avèrent très beaux, fondés aussi bien sur le strict aspect esthétique que sur la dimension symbolique (le fait que le principal élément de décor de l’acte II soit un grand dé nous rappelle bien que l’amour est avant tout une « affaire de jeu et de hasard »), décors au surplus parfaitement mis en valeur par un subtil jeu d’éclairages organisé par Dominique Bruguière. La mise en scène est imaginative, mêlant de façon assez adroite le burlesque (naturellement lorsque Calisto se retrouve métamorphosée en ourse rose !), la poésie (la scène du long monologue de Calisto à la scène 1 de l’acte III) ou la folie (lors de la tentative de viol collectif de Lymphée où la scène du théâtre se couvre de satyres et de suivantes de la déesse Diane qui se livrent un combat acharné). En outre, l’usage assez fréquent d’une nacelle qui emporte certains personnages au royaume des Cieux ou de mobiles qui sont accrochés au plafond renvoie au spectateur l’image des machineries qui étaient alors à l’œuvre sur la scène des théâtres et des opéras au XVIIe siècle.


Le cadre ainsi posé, Christophe Rousset ne pouvait que se sentir pleinement dans son élément. Dirigeant tout en tenant assez fréquemment la partie de clavecin et d’orgue, il conduit avec une très grande maîtrise un opéra qui ne séduira en aucune manière ceux qui sont à la recherche d’une musique opulente et diversifiée. Celle-ci s’avère très fréquemment réduite à la seule basse continue même si on entend à quelques reprises les deux flûtes à bec, les deux cornets ou les deux luths ; force est de constater que, de ce strict point de vue, Cavalli se révèle moins attrayant que Claudio Monteverdi qui, lui, n’hésitait pas à avoir recours à un orchestre étoffé et diversifié dans sa composition. Qu’en est-il du chant ? Là aussi, avouons-le, on s’ennuie quelque peu, notamment au premier acte. Avant d’y revenir, précisons immédiatement que les chanteurs ne sont nullement en cause ! Giovanni Battista Parodi campe un superbe Jupiter, jouant non seulement d’une voix puissante et charmeuse, mais également de réels talents de comédien lorsqu’il doit se déguiser en Diane pour séduire Calisto et adopter de ce fait une voix de fausset. Le face-à-face avec Junon (scènes 7 et 8 de l’acte II) fait, à ce titre, partie des grands moments de l’opéra. Véronique Gens, qui incarne Junon, est également parfaite (mais pouvait-on en douter ?) de même que Mario Cassi, Mercure à la fois confident, espiègle et roublard. Le couple vedette Calisto (Sophie Karthäuser)–Endymion (Lawrence Zazzo) est également de très haute tenue : leurs voix bénéficient d’une émission claire et d’une grande variété dans les sentiments ainsi distillés. Au sein des autres protagonistes, on soulignera tout particulièrement l’exceptionnelle Sabina Puértolas qui est le satyre vedette de l’opéra, trublion de tous les instants, avide de sexualité et de manigances en tous genres. Là aussi, la performance de la chanteuse se double d’un incroyable sens du théâtre.


Alors, au regard d’une telle équipe, pourquoi a-t-on pu fréquemment trouver le temps long ? Tout simplement parce que la musique ne traduit pas tous les potentiels de l’intrigue telle qu’elle existe sur le papier. Le refus de clairement choisir entre la comédie et le drame y contribue peut-être mais on peut penser que Francesco Cavalli peint une trame de manière trop souvent statique qui, s’ajoutant à une action dont on a déjà souligné combien elle était foisonnante, engendre une attente trop souvent déçue.



Le site de Sophie Karthäuser
Le site de Lawrence Zazzo
Le site de Véronique Gens
Le site de Marie-Claude Chappuis
Le site des Talens lyriques



Sébastien Gauthier

 

 

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