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Un Idoménée de notre temps

Bruxelles
La Monnaie
03/16/2010 -  et 18, 21*, 23, 24, 26, 28, 30 mars, 1er, 3 avril 2010
Wolfgang Amadeus Mozart : Idomeneo, Rè di Creta, K. 366
Gregory Kunde*/Tom Randle (Idomeneo), Malena Ernman (Idamante), Sophie Karthäuser*/ Simona Saturova (Ilia), Alexandrina Pendatchanska (Elettra), Kenneth Tarver (Arbace), Nigel Robson (Gran Sacerdote di Nettuno), Peteris Eglitis (La Voce), Lies Vandewege, Anne-Fleur Inizan (Due Cretesi), Gijs Van der Linden, Sébastien Parotte (Due Troiani)
Chœurs de la Monnaie, Winfried Maczewski (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Jérémie Rhorer (direction)
Ivo Van Hove (mise en scène), Jan Versweyveld (scénographie, éclairages), Lies Van Assche (costumes), Tal Yarden (vidéo)




Souvenez-vous, c’était en 2006. Jérémie Rhorer dirigeait Le Cercle de l’Harmonie, qu’il avait fondé l’année précédente, dans un retentissant Idomeneo à Beaune, qui a assis sa réputation quasiment du jour au lendemain. Il retrouve l’œuvre et la fosse de la Monnaie neuf mois après d’énergiques et théâtrales Noces. Mozart convient décidément comme un gant au chef parisien, invité d’ailleurs la saison prochaine pour La Finta Giardiniera : aucune lourdeur, à part quelques traits un peu épais, ni baisse de tension, une vitalité et une dynamique incessantes, voilà qui résume une prestation dont il est toutefois permis de regretter le ton par trop uniforme. Grâce à un Orchestre symphonique de la Monnaie égal à lui-même, nonobstant certains légers dérapages des vents, Jérémie Rhorer a sans aucun doute les moyens de ses ambitions. Quelques mots sur le choix de la version : celle, originale, de 1781 a été retenue. L’amateur de belles voix gagne les arias d’Idamante, Electre et Idoménée au troisième acte tandis que le mélomane en quête d’authenticité appréciera dans l’apparition de la Voce les interventions des trois trombones et deux cors dont Mozart a dû se priver lors de la création. Le ballet, en revanche, passe à la trappe.



(© Bernd Uhlig)


Qu’en aurait de toute façon fait Ivo Van Hove ? Sa lecture est résolument ancrée dans la réalité d’aujourd’hui, la scénographie de son ami de trente ans Jan Versweyveld ne trompe d’ailleurs pas : salle de conférences avec tout le confort moderne aux premier et deuxième actes, parc surmonté de structures métalliques, garni de plantes chétives et parsemé de bouteilles en plastique dans le troisième. Le metteur en scène fait d’Idoménée un président revenant de la guerre par avion militaire – Tom Randle dans la seconde distribution aurait facilité le rapprochement avec Barack Obama – et d’Arbace un conseiller en communication et marketing politique. La menace terroriste, symbolisée par la colère de Neptune, ne tarde d’ailleurs pas à éclater. La caméra installée pour diffuser sur grand écran l’intervention d’Idoménée au pupitre en profite pour filmer les victimes ensanglantées, toutes des enfants bien sûr. Avec ses images tristement actuelles, la vidéo souligne la dimension contemporaine du propos mais elle devient un gadget lorsqu’un caméscope fixé sur pied capte en gros plans, dans le parc, les visages ruisselant de sueur d’Ilia et d’Idamante. Et lorsque ce dernier s’entoure d’une ceinture d’explosifs, impossible de ne pas se rappeler que Véronique Gens fit de même dans Iphigénie en Aulide en décembre. Bref, un spectacle logique et pensé mais moins passionnant qu’admirable.


La distribution et les chœurs, excellemment préparés par Winfried Maczewski, permettent d’inscrire cet Idomeneo parmi les belles réussites. Etrangement, Gregory Kunde n’avait pas encore incarné le rôle-titre bien qu’il en ait la vaillance, la maturité et la santé vocale (malgré des aigus parfois plafonnés). Méconnaissable dans Idamante, sauf lorsqu’elle est filmée en gros plan, Malena Ernman joue les beaux gosses passionnés et survoltés avec un mélange convaincant de jeunesse et de virilité tout en accordant à sa partie l’attention qu’elle mérite. Alexandra Pendatchanska et Kenneth Tarver dépensent moins d’énergie : la première, Electre par trop univoque, déploie un chant discret et tranquille tandis que le second adopte la droiture et la sobriété qui siéent à un conseiller dans la haute administration. Quant à Sophie Karthäuser, le charme et la fraicheur incarnées, elle s’impose en Ilia grâce à un charisme et une ligne vocale somptueuse qui distinguent les mozartiennes d’exception. Dans le troisième acte, elle livre avec Malena Ernman un duo agrémenté d’une pointe de coquetterie et d’érotisme bienvenue, le tout porté par la direction attentive et subtile d’un Jérémie Rhorer visiblement envoûté.



Sébastien Foucart

 

 

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