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Trois petits tours et puis s’en vont...

Paris
Salle Pleyel
02/26/2010 -  et 18, 19, 20 (Berlin), 24 (Zaragoza) février 2010
György Ligeti : San Francisco Polyphony
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58
Jean Sibelius : Symphonie n° 2, opus 43

Mitsuko Uchida (piano)
Berliner Philharmoniker, Simon Rattle (direction)


S. Rattle (© Simon Fowler)


Trois ans... Cela faisait trois ans que l’Orchestre philharmonique de Berlin n’était pas venu à Paris avec Sir Simon Rattle, qui en est le directeur musical depuis septembre 2002. Mahler, Adès, Dvorák, Janácek étaient alors au programme des deux concerts donnés par l’illustre phalange à la Salle Pleyel (voir ici). Bien que l’impression générale fût bonne (en raison notamment d’une interprétation géniale de la Symphonie «Résurrection»), le souvenir n’était pas impérissable pour autant. L’attente du premier concert était donc d’autant plus forte.


Il débutait par une œuvre courte (une dizaine de minutes) mais foisonnante puisqu’il s’agissait de San Francisco Polyphony de György Ligeti (1923-2006). Illustrant les atmosphères que l’on peut ressentir en parcourant la métropole californienne, cette partition, composée en 1973 et 1974, joue habilement sur l’entrecroisement inquiétant entre l’orchestre (les glissandi des violoncelles et des contrebasses au début de la partition) et les instruments solistes, qu’ils interviennent seuls ou en groupe. Reprenant ainsi une recette qu’il avait déjà expérimentée dans Apparitions (1959) ou Atmosphères (1961), Ligeti conduit l’auditeur dans une ivresse sonore d’autant plus forte qu’elle fait appel à un orchestre pléthorique, notamment chez les percussions. Sir Simon Rattle, familier de ce répertoire, conduit l’Orchestre philharmonique de Berlin avec une dextérité admirable, les musiciens donnant, si besoin était, la preuve de leur incontestable maîtrise d’une partition dont on devine sans peine la complexité.


Bien que Beethoven représente le pain quotidien du Philharmonique en tournée en France (le 11 mai 1897, Arthur Nikisch dirigeait déjà la Cinquième symphonie au Cirque d’hiver, précédant la Pastorale, donnée le 15, et la Septième symphonie jouée le 17), ce n’est semble-t-il que la deuxième fois que l’on peut entendre l’orchestre accompagner un concerto pour piano de l’illustre compositeur allemand. Il faut en effet se reporter au concert donné le 22 juin 1978, au Théâtre des Champs-Elysées cette fois, pour entendre le Troisième concerto: Herbert von Karajan dirigeait. Ce soir, c’est au tour du Quatrième concerto, dont les esquisses datant de 1802 précèdent une composition qui s’est étalée sur toute l’année 1805, l’œuvre ayant finalement été achevée au début de l’année 1806. Dédiée à l’archiduc Rodolphe de Habsbourg, c’est une composition tout à fait originale par l’introduction confiée au piano seul et grâce à un deuxième mouvement à la fois tragique et apaisé. Tout sourire, Mitsuko Uchida traverse la scène d’un pas rapide et aborde le premier mouvement, Allegro moderato, avec une très grande finesse. Quel dommage que l’orchestre ne soit pas au diapason! En effet, on a beau admirer la puissance des cordes, conduites par Rattle avec un sens du legato qu’on ne lui connaissait pas forcément, on regrette néanmoins la lourdeur de l’accompagnement. Parfois en léger décalage avec l’orchestre, Uchida se joue des difficultés techniques de la partition, privilégiant à chaque instant un éclairage solaire, dépouillé mais nerveux, qui culmine dans une cadence torturée au possible. L’Andante con moto souffre des mêmes critiques: les cordes, pesantes, engluées dans le (très) beau son, s’opposent ainsi à une soliste aérienne qui adopte un jeu recueilli tant dans la musique proprement dite que dans son attitude physique, la soliste étant parfois prostrée sur son clavier. Le dernier mouvement est sans doute le plus réussi, Rattle adoptant un tempo allant et accompagnant avec une attention palpable Mitsuko Uchida, dont le jeu est salué par des applaudissements nourris. Petite frustration néanmoins: trois saluts chaleureux mais pas le moindre bis.


Sauf erreur, l’Orchestre philharmonique de Berlin n’avait précédemment jamais donné de symphonie de Jean Sibelius (1865-1957) en France. On peut s’en étonner tant Karajan, pourtant à la tête de l’orchestre pendant plus de trente ans, était un admirateur inconditionnel du compositeur finlandais: or, jamais il ne le mit à l’affiche de ses concerts donnés en France, pas plus que Furtwängler ou Nikisch. Sir Simon Rattle, excellent interprète de Sibelius, répare ce soir cette injustice en programmant la superbe Deuxième symphonie. Créée en mars 1902 sous la direction du compositeur, elle est le résultat de l’admiration que Sibelius portait aussi bien à Beethoven qu’à Tchaïkovski (la Symphonie «Pathétique» avait été donnée à Helsinki en 1894 puis de nouveau en 1897), alliant à la perfection le climat si particulier des œuvres symphoniques du maître finlandais (une peinture sonore extrêmement délicate propre à faire naître dans l’esprit des auditeurs l’image d’étendues sauvages et tristes) et une emphase (tout particulièrement dans l’Allegro moderato final) qui n’est pas sans rappeler les fugues entendues dans certaines symphonies de Bruckner.


Bénéficiant d’un orchestre superlatif que l’on a enfin plaisir à écouter pleinement, Sir Simon Rattle donne une interprétation en tous points exceptionnelle. Adoptant un rythme allant dès le premier mouvement (Allegretto), il distille une véritable insouciance qui témoigne du climat parfaitement heureux voulu par le compositeur. La beauté de la petite harmonie s’accorde parfaitement avec la puissante cohésion d’un orchestre aux cordes foisonnantes (trente violons, huit contrebasses!), faisant de ce premier mouvement un sommet à part entière. Le deuxième mouvement procède pareillement, faisant s’entremêler avec bonheur les pizzicati menaçants des violoncelles et des contrebasses et la complainte confiée aux deux bassons. Laissant libre cours à la partition, Rattle parvient à exploiter la palette sonore de l’orchestre avec une incroyable réussite, faisant passer celui-ci du pianissimo le plus extrême aux forte les plus inquiétants. Si le troisième mouvement déçoit quelque peu en raison du son parfois imprécis d’Albecht Mayer, hautbois solo, on sort en revanche complètement bouleversé par le dernier, Allegro moderato. Immense fresque héroïque, il est conduit avec une maîtrise époustouflante par Rattle. Ne «dérangeant» l’orchestre que lorsque cela s’avère nécessaire, il dirige la coda finale avec une emphase qui évite à chaque note la moindre lourdeur: les musiciens sont à leur sommet et le public ne peut que laisser ses applaudissements exploser sitôt les bras du chef retombés. Le triomphe reçu sera néanmoins bref puisque, quatre saluts plus tard, les musiciens regagnent les coulisses sans avoir, là encore, donné le moindre bis: c’est dommage tant on aurait souhaité que cette ivresse sonore se prolonge encore quelques instants.


Le site de Mitsuko Uchida
Le site de Simon Rattle
Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

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