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Enthousiasmante rencontre de Kurtág, Beethoven, Sir S. Rattle et Dame M. Uchida

Berlin
Philharmonie
02/13/2010 -  et 14* février 2010
György Kurtág: Grabstein für Stephan, opus 15c
Jean Sibelius: Symphonie n° 4, opus 63
Ludwig van Beethoven: Concerto pour piano n° 5, opus 73

Mitsuko Uchida (piano)
Berliner Philharmoniker, Simon Rattle (direction)


M. Uchida, S. Rattle (© Berliner Philharmoniker)


Cet hiver, Simon Rattle et les Berliner Philharmoniker se consacrent aux Hongrois, à Sibelius et aux Concertos pour piano de Beethoven avec Mitsuko Uchida. Ce dimanche, le concert commence par une pièce de György Kurtág, Grabstein für Stephan pour guitare solo et ensemble. Cette pièce, hommage du compositeur à un ami disparu, force immédiatement l’attention par sa grande simplicité et sa force expressive. Bâtie autour d’un arpège de guitare qui résonne avec une douceur et pourtant une intensité surprenantes dans la salle bondée, la musique de Kurtág se développe lentement, comme avec résignation, autour de ce fragile matériel. Soudain l’explosion survient dans un tutti aussi violent qu’inattendu, qui se termine aussi brutalement qu’il a commencé. Puis la guitare reprend son chant répétitif. Les musiciens berlinois, qui avaient créé l’œuvre en 1991, l’interprètent avec maestria: osant des nuances à la limite de l’audible (notamment aux percussions, splendides), les musiciens font preuve d’une grande délicatesse dans chacune de leurs interventions. On est tenu en haleine de la première à la dernière seconde. Le sens de la forme de Kurtág est encore une fois confirmé dans cette œuvre aux proportions parfaites. Il n’y a dans cette musique pas une seule note qui soit de trop.


Ensuite, l’orchestre complet entre sur scène pour la Quatrième symphonie de Sibelius. On est frappé, au début, par le très beau solo de contrebasses. Et, d’une manière générale, par l’extraordinaire qualité de ce pupitre, mis à l’honneur dans la musique de Sibelius. Les cornistes, aussi, font montre d’une finesse inégalable. Dans l’ensemble, on est nécessairement séduit par l’engagement des musiciens, tous autant qu’ils sont. Le moindre geste du chef a une répercussion immédiate sur le son de l’ensemble. On sent que Rattle peut se reposer sur ses musiciens, ce qui lui donne une grande flexibilité. Jamais il n’a besoin de porter l’orchestre à bout de bras.


On n’échappe cependant pas tout à fait à l’ennui dans le premier mouvement, malgré de beaux moments. Dans le deuxième mouvement, l’orchestre fait preuve d’une grande souplesse, il survole cet Allegro molto vivace avec beaucoup d’élan. Puis on est renversé, dans le mouvement lent, par la densité sonore des cordes et notamment par un spectaculaire solo d’altos. Le son des Berliner Philharmoniker est décidément incomparable. Et on réussit donc, malgré des difficultés au début, à entrer dans le monde parfois un peu hermétique de Sibelius. Le quatrième mouvement, sans doute le plus complexe de cette symphonie, est impressionnant de clarté, de fluidité, de variété dans les couleurs. Les tutti sont majestueux, l’ensemble parfait. L’orchestre ne semble jamais jouer au maximum de sa force, on reconnaît là l’ampleur sonore typique des grandes phalanges allemandes.


Après la pause, l’orchestre a de nouveau radicalement réduit son effectif pour accompagner le Cinquième concerto de Beethoven, «l’Empereur». Simon Rattle entre sur scène avec une dame très menue, au visage très ridé et à l’élégance plutôt excentrique qui n’est pas sans rappeler celle de Mischa Maisky. Mitsuko Uchida se met au piano avec un enthousiasme prometteur. Lors du premier solo, on est un peu déçu pourtant par le son du piano, pas assez puissant, pas aussi grandiose que ce que l’on attendrait de ce premier mouvement. Mais finalement l’immense énergie d’Uchida gagne rapidement l’auditoire et même si on pourrait souhaiter, parfois, plus de force, plus de chaleur dans le son, on est obligé de reconnaître que l’entrain et la rigueur rythmique avec lesquels elle conduit le concerto de la première à la dernière phrase fait d’elle une grande interprète de Beethoven. Mais surtout, ses pianissimi sont renversants. Déjà dans l’Allegro initial, mais plus encore dans le deuxième mouvement. Toute la salle retient son souffle Et la transition qui conduit au troisième mouvement est habitée d’une telle tension que l’on est réellement soulagé d’entendre, enfin, la première phrase glorieuse du Rondo final.


L’orchestre est, encore une fois, exemplaire, brillant dans les tutti et incroyablement discret lorsqu’il accompagne. Aussi extrêmes que soient les pianissimi de la soliste, on n’en perd jamais une note. Rattle laisse souvent l’orchestre jouer seul, encore une fois on le sent très libre. Et peut-être devrait-on souligner une fois de plus, s’il en est besoin, la sonorité et la présence extraordinaires d’Emmanuel Pahud, première flûte. La joie de ce Finale et celle de Rattle et d’Uchida, qui s’embrassent sur la scène sans l’ombre d’un artifice, ont gagné l’auditoire. Uchida salue jusqu’à terre, rit, sort de scène en sautillant comme une enfant. Et le public, très enthousiaste, continue à applaudir debout même après la sortie non seulement de la soliste et du chef mais des derniers membres de l’orchestre. On sort de là revigoré et exultant dans le timide soleil de ce dimanche berlinois, charmé par cette dame élégante, exubérante, au jeu sincère et très intelligent. Mitsuko Uchida joue à ce mois-ci tous les concertos de Beethoven à la Philharmonie (depuis le 3 février et jusqu’au 20), et l’énergie juvénile de cette sexagénaire laisse rêveur. On ne peut que recommander aux Parisiens d’aller les écouter salle Pleyel, elle et les Berliner Philharmoniker, le 26 février prochain. Et, aux autres, de profiter du «Digital Concert Hall» des Philharmoniker pour voir la retransmission de ce concert en ligne, d’ici quelques jours.



Louise Constant

 

 

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