About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Par la petite porte

Paris
Opéra Bastille
01/25/2010 -  et 28*, 31 janvier, 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21, 23 février
Vincenzo Bellini : La Sonnambula
Michele Pertusi (Il Conte Rodolfo), Cornalia Oncioiu (Teresa), Natalie Dessay (Amina), Marie-Adeline Henry (Lisa), Javier Camarena (Elvino), Nahuel di Pierro (Alessio), Jian-Hong Zhao (Un Notario)
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Evelino Pidò (direction)
Marco Arturo Marelli (mise en scène, décors et lumières)


N. Dessay (© Opéra national de Paris/Julien Benhamou)


Jonas Kaufmann doit renoncer à chanter l’une des représentations de Werther. Pour Idoménée, Emmanuelle Haïm est remerciée par l’orchestre. Avant La Somnambule, Natalie Dessay fait annoncer, par deux fois, qu’elle est souffrante. L’Opéra de Paris, décidément, n’a pas de chance. La deuxième représentation de l’opéra de Bellini révèle une voix décolorée dont le médium a perdu sa chair et dont les aigus se tendent dangereusement – quelle idée, d’ailleurs, d’arracher des contre-mi bémol non écrits dont on pourrait fort bien se passer… Cela dit, grâce à sa technique, grâce à son métier, la soprano française la plus célèbre assure, non sans panache parfois, jusqu’à la périlleuse cabalette finale. Si on l’a sentie contrainte à la prudence au premier acte, en particulier dans un air d’entrée assez instable, elle s’est moins contrôlée au second. Et elle ne surjoue pas comme elle le fait si souvent : c’est bien Amina, aimante, fragile, perdue, que nous voyons. On pourrait certes rêver chant plus authentiquement belcantiste, moins français d’école, mais le contrôle de la dynamique, la beauté du phrasé, l’agilité de la colorature inspirent l’admiration.


On ne la trouve pas mal entourée. Le sonore Javier Camarena, qu’on attend dans La Donna del lago en juin, sans avoir le soleil et la souplesse infinie d’un Juan Diego Flórez, assume parfaitement la tessiture d’Elvino, sans forcer dans le passage, au prix il est vrai d’un resserrement du vibrato dans l’aigu, très juste stylistiquement, pertinent dans la caractérisation d’un personnage sans grand relief psychologique. Michele Pertusi a beau donner une leçon de chant italien, en particulier de phrasé et de legato, il a du mal à passer la rampe dans son air, notamment dans le grave. Seule la Lisa ingrate de timbre, sans ligne ni colorature de Marie-Adeline Henry dépare l’ensemble : belle Teresa de Cornelia Oncioiu, Alessio assuré de Nahuel di Pierro. Mais Evelino Pidò déçoit, alors qu’il possède si bien La Somnambule. Après un beau début, alerte et coloré, ne dédaignant pas le pittoresque d’une certaine couleur locale, la direction s’enlise complètement dans la routine, piétine dans le finale du premier acte, pourtant l’un des passages les plus dramatiques de la partition, aplatit la musique d’un opéra qui, n’étant pas le plus dramatique de Bellini, doit être animé par le souffle d’un chef. Si l’on veut garder le souvenir de La Somnambule par Natalie Dessay et Evelino Pidò, on reviendra vite à l’enregistrement publié par Virgin.


La production, inaugurée à Vienne en 2001 ? Voici Elvino compositeur, tentant de faire le deuil de sa mère dans l’hôtel sanatorium huppé où elle est morte. Après avoir lutiné la gérante, il épouse la serveuse. Le décor se prêterait à Intermezzo de Strauss ou à une adaptation de La Montagne magique de Thomas Mann. Au second acte, tout est envahi par la neige, dévasté comme le cœur de la malheureuse Amina, frustrée de ne pas faire la carrière de star dont elle rêve et dont il rêve. Le lieto fine sera du coup un numéro de diva en robe rouge devant le rideau d’une salle d’opéra – il reproduit celui du Palais Garnier... pour mieux nous rappeler l’hérétique absurdité de La Somnambule à Bastille. Marco Arturo Marelli convoque Jung et la psychanalyse, va chercher des explications bien compliquées que l’on retrouve peu dans la mise en scène et dans la direction d’acteurs, totalement illisibles pour qui n’a pas lu le programme : l’apparition de la prima donna, à la fin, s’accorde d’ailleurs bien mal avec le reste. L’ensemble, de plus, manque de rythme et l’on s’ennuie vite, sans parler de déplacements peu maîtrisés du chœur ; on regrette d’autant plus l’absence de la dimension intimiste et champêtre, de la poésie lunaire de ce melodramma. Un essai sur un opéra, fût-il brillant, ne fait pas une mise en scène. Bastille est grand, mais La Somnambule entre à l’Opéra par la petite porte.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com