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Excès et fulgurances

Paris
Salle Pleyel
01/26/2010 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonies n° 2, opus 17, et n° 5, opus 64

Orchestre du Théâtre Mariinsky, Valery Gergiev (direction)


V. Gergiev et l’Orchestre du Théâtre Mariinsky (© V. Baranovsky)


En septembre dernier, Valery Gergiev a effectué sa désormais traditionnelle visite à Pleyel avec le London Symphony (voir ici et ici). Mais vingt ans avant de devenir le principal conductor de la formation anglaise, il a pris en 1988 les rênes du Kirov, redevenu Théâtre Mariinsky, dont il n’a eu de cesse de mettre en avant l’orchestre. C’est celui-ci qu’il mène dans une dense et intense tournée européenne, du 18 au 30 janvier: treize jours, treize concerts, pour un grand nombre de programmes différents, tous consacrés à des compositeurs russes (Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Moussorgski, Chostakovitch, Schnittke, Chédrine).


Seule Paris a droit à trois étapes – entrecoupées par un crochet de deux jours par Bruxelles – et à toutes les Symphonies de Tchaïkovski, Toulouse ayant cependant déjà pu, au début de ce voyage, entendre les deux tiers de cette intégrale dont le «label maison» du Mariinsky assurera prochainement la parution au disque. La répartition des symphonies est aussi simple qu’astucieuse, en associant à chaque fois deux, dans l’ordre chronologique: l’une des trois premières, trop peu jouées, puis l’une des célébrissimes trois dernières. Consacrée aux Première et Quatrième, la première de ces trois soirées marquait en même temps le coup d’envoi de l’année «France-Russie 2010», prestigieux ensemble de manifestations culturelles se déroulant dans les deux pays: Tchaïkovski, critiqué de son vivant par certains de ses compatriotes pour son «européanisme», eût sans doute souri de se voir devenu le porte-drapeau officiel de sa patrie.


Moins couru que cette inauguration, malgré la présence d’un ancien Premier ministre, mais toujours par un froid glacial comme destiné à pousser jusqu’au bout le souci de couleur locale, le deuxième concert, le lendemain, n’en a pas moins fait salle comble. Les caméras de France Télévisions étaient même là, dont une au bout d’un immense bras articulé installé au premier balcon, balayant de ses grands déplacements presque toute la largeur du parterre: le charismatique Gergiev et le prestigieux Mariinsky, voilà une affiche qui n’a décidément besoin ni de solistes ni de chanteurs vedettes pour attirer le public.


Dans la Deuxième (1872/1879), la déception l’emporte toutefois, surtout dans les mouvements impairs, d’une lenteur méticuleuse: l’Allegro initial n’est pas du tout vivo, celui du Scherzo n’est guère vivace, et Gergiev décompose bizarrement le texte. L’orchestre, quant à lui, multiplie les approximations, à commencer par un cor solo à la sonorité certes dépaysante mais bien malheureux dans ses interventions, le tout donnant même l’impression d’un manque de préparation et de motivation ou peut-être même d’une fatigue au demeurant fort compréhensible après déjà plus d’une semaine par monts et par vaux. L’Andantino marziale, quasi moderato paraît en revanche mieux venu, tandis qu’après une introduction point trop pompière, le Finale, annonçant celui de la Quatrième, dévaste tout sur son passage, comme seul le chef russe sait le faire – élan malheureusement interrompu par un second thème très ralenti, alors que la partition ne prescrit aucun changement de tempo.


Galvanisés par leur «directeur artistique et général», dont ils suivent les moindres inflexions avec une remarquable souplesse, les musiciens se montrent sous un jour nettement meilleur après l’entracte. Bien que toujours en effectif relativement restreint pour ce répertoire, les cinquante cordes sonnent avec une toute autre plénitude, même si seule la prestation des trompettes et trombones peut prétendre faire jeu égal avec les rivaux pétersbourgeois de la Philharmonie. L’interprétation de la Cinquième (1888), que Gergiev, dans une courte allocution en anglais, dédie à la mémoire de son ami Robert-Louis Dreyfus, disparu le 4 juillet dernier, tend trop souvent à tirer l’auditeur par la manche et à tenter de le circonvenir par des effets et un sentimentalisme à l’opposé de la manière plus objective mais non moins expressive dont un Mravinski, hier, et un Temirkanov, aujourd’hui, abordent cette musique.


En cela, le patron du Mariinsky reste fidèle à la conception qu’il avait défendue avec la Philharmonie de Vienne voici un peu moins de deux ans (voir ici), précisément quelques semaines après Temirkanov dans cette même œuvre (voir ici): davantage un poème symphonique – il dirige d’ailleurs les quatre mouvements sans interruption – avec un tempo élastique autorisant toutes les coquetteries, finissant par lasser dans les deux premiers mouvements. Mais qui d’autre que Gergiev peut réaliser une Valse aussi grisante, avec un Trio d’une vélocité confondante? Dans un Finale hésitant entre héroïsme et grandiloquence, il alterne excès et fulgurances, comme cette urgence qu’il parvient à conférer à la coda. Les spectateurs sont aux anges, mais les Russes se feront prier pour offrir un bis aussi bref que brouillon, le «Trépak» du second acte de Casse-Noisette (1891), où un percussionniste particulièrement démonstratif s’illustre au tambourin.


Le site du Théâtre Mariinsky
Le site de Valery Gergiev
Le site de l’Année France-Russie 2010



Simon Corley

 

 

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