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(Im?)posture(s)

Paris
Théâtre des Bouffes du Nord
01/25/2010 -  
Philip Glass : Metamorphosis II
Jean-Philippe Rameau : Gavotte et six Doubles (extraits des «Nouvelles suites de pièces de clavecin»)
Girolamo Frescobaldi : Toccata en fa
Garrett Byrnes : Abstra
Nico Muhly : Skip Town
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonates n° 13, K. 315c [333], et n° 11 «Alla turca», K. 300i [331]
Claudio Monteverdi : Extraits d’«Orfeo»
Matan Porat : Whaam! (création)

David Greilsammer (piano)


D. Greilsammer (© Emilie Hermant)



Après un récital d’un seul tenant en forme d’arche, tant en concert qu’au disque, David Greilsammer, nommé entre-temps directeur musical de L’Orchestre de chambre de Genève, revient aux Bouffes du Nord, mais son nouveau récital obéit à un déroulement plus traditionnel: morceaux séparés par des applaudissements, entracte, bis.


Pour ce «moment inattendu et d’esprit pop» qu’il décrit dans sa note d’intention, le pianiste israélien (né en 1977), n’a rien perdu de son caractère aventureux et original, jusque dans de flashy souliers marron glacé, et n’a pas renoncé à surprendre, sinon à provoquer, renouvelant le répertoire sur un large éventail, du baroque à nos jours, et recherchant des associations inédites ou inouïes: certains enchaînements se font attaca, passant directement de Glass à Rameau, de Nico Muhly (né en 1981) à Mozart; le piano est confronté à une bande préenregistrée, chez Muhly mais aussi chez Garrett Byrnes (né en 1971); les assemblages de photocopies des partitions, pas même déblayés entre les deux parties de la soirée, jonchent le sol, où il les a jetés au fur et à mesure, dans un geste très étudié. En revanche, même si la configuration insolite de la salle n’est sans doute pas pour lui déplaire, ce n’est pas lui qui l’a choisie. Elle s’explique en effet par la présentation, à partir du lendemain, d’une nouvelle production de Joël Pommerat, Cercles/Fictions, dont les décors comprennent une tribune: placée au fond de la scène, elle complète ainsi le demi-cercle formé par les rangs habituels du parterre, l’ensemble entourant les artistes au milieu du plateau.


S’intéressant à «certains liens avec le pop-art, la musique pop, ou le minimalisme», le programme ne pouvait débuter qu’avec Glass, en l’occurrence la Deuxième de ses cinq Métamorphoses (1980), titre un tantinet provocateur pour une trop prévisible oscillation d’un accord parfait mineur, sans la moindre perspective de véritable changement. Variations, en revanche, chez Rameau, qui suit immédiatement, dans la même tonalité de la mineur, avec les «Gavotte et six Doubles» extraits des Nouvelles suites de pièces de clavecin (1728), qu’il avait déjà joués en octobre 2006 aux Invalides (voir ici). Greilsammer dit vouloir explorer «l’étrange vie d’un son, sa naissance, sa métamorphose, son épanouissement, ses peurs»: de même que son Rameau hétéroclite, entre swing et romantisme rappelant les arrangements de Bach par Busoni, son Frescobaldi (Toccata en fa) paraît pour le moins expérimental, au point de sembler souvent lui aussi plus moderne que Glass.


Mais mélanger les genres, brouiller les pistes et les repères, font sans nul doute également partie des objectifs d’un tel menu. Abstra (2002) de Byrnes, dont Toros Can a donné la première française en ces mêmes Bouffes du Nord en mars dernier (voir ici), y contribue lui aussi, avec son choral qui finit par émerger des mugissements ou grognements préenregistrés et des clusters ou accords frappés dans l’aigu avec les poings. Décidément, il faut toujours préférer l’original (Crumb) à la copie. Rien d’antipathique mais rien de bien neuf non plus dans Skip Town de Muhly, dialogue détraqué entre le piano et une bande enrichie de sonorités de percussions et cordes pincées: voici belle lurette que Nancarrow a ouvert la voie à des réalisations comparables.


David Greilsammer a souhaité conclure chacune des deux parties par une sonate de Mozart, dont il interprétera l’intégrale en une seule journée le 29 mai prochain au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines: la Treizième (1778) s’enchaîne sans solution de continuité avec la brève page de Muhly. En attendant ce défi insensé, on peine à comprendre ce qu’est devenu le mozartien qui, voici quatre ans, avait séduit par un premier disque consacré à trois concertos pour piano (voir ici). Car il est aberrant de gaspiller de si beaux moyens pianistiques, malgré quelques menus accrocs, pour un résultat aussi infantile et incohérent, où alternent dans une totale subjectivité affectations gouldiennes, phrasés chichiteux, soupirs, pâmoisons, sforzandi brutaux et traits perlés, triturant le texte dans un stop and go incessant.


Huant à l’issue de cette première partie, un spectateur s’écrie «Imposteur!». Imposture? Le mot est probablement trop fort. Mais les postures, en revanche, évoquent trop l’artifice ou le marketing.


Sans autre précision de la part d’un programme qui donne par ailleurs un tout mignon «Allegrino» comme indication de tempo pour la «Marche turque», la seconde partie s’ouvre sur des «extraits» d’Orfeo (1607), quasi méconnaissable dans une sorte de pénombre digne du dernier Brahms. Voici deux ans, Greilsammer avait intégré une création de Jonathan Keren dans son parcours: cette fois-ci, il a commandé une pièce à son compatriote Matan Porat (né en 1982). Whaam! (2009) s’inspire du tableau éponyme (1963) de Roy Lichtenstein, qui, reprenant les codes de la bande dessinée, montre un avion en faisant exploser un autre sous ses tirs. Le compositeur israélien fait état de sa fascination pour «le caractère violent et très direct du jazz "hard-bop" des années 1960», mais cette petite dizaine de minutes se révèle plus calme et transparente que ne le laissait prévoir cette déclaration, même si la péroraison se fait sur un ostinato vigoureux, dans un élan spectaculaire qui se conclut sur une transposition littéralement physique de la destruction en vol: le pianiste, refermant violemment le couvercle du clavier, effectue une élégante et vive chute en arrière.


Venu assister à cette première, Porat est par ailleurs lui-même pianiste et, lors de son passage à l’Auditorium du Louvre en février 2006 (voir ici), c’est précisément pour la Onzième sonate (1778) de Mozart qu’il avait opté. Greilsammer en a une approche assez voisine, toujours aussi irritante à force de maniérismes et de complications, même s’il faut louer son souci, dans le premier mouvement, de varier les reprises des variations et si la «Marche turque», un peu raide, est néanmoins relativement sage.


Toutes les feuilles n’étant pas encore tombées par terre, un bis était donc prévu, mais Greilsammer change d’avis, revenant avec le recueil complet des onze pièces de Musica ricercata (1953) de Ligeti, dont il sélectionne la Huitième (Vivace. Energico), déjà à l’affiche de son précédent récital. Revenant encore une fois des coulisses, il brandit triomphalement une liasse de papiers froissés dont il extrait une miraculeuse Troisième gnossienne (1893) de Satie.


Le site de David Greilsammer
Le site de Philip Glass
Le site de Garrett Byrnes
Le site de Nico Muhly
Le site de Matan Porat



Simon Corley

 

 

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