About us / Contact

The Classical Music Network

Berlin

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Le rare et prémonitoire Rienzi

Berlin
Komische Oper
05/22/1999 -  
Richard Wagner : Rienzi
Carole FitzPatrick (Irene), Anne Schwanewilms (Adriano), Guenther Neumann (Cola Rienzi), Carlo Hartmann (Steffano Colonna), Klemens Slowioczek (Paolo Orsini), Bernd Grabowski (Raimondo), Andreas Conrad (Baroncelli), Wolgang Hellmich (Cecco del Vecchio)
Solistes du choeur du Komische Oper et membres du Ernst-Senff-Chor, James Tuggle (direction)
Christine Mielitz (mise en scène), Gottfried Pilz (décors), Isabel Ines Glathar (costumes)

Assistance clairsemée pour cette reprise d'une production pourtant donnée ici avec une certaine parcimonie (26e représentation depuis la première en septembre 1992). Cependant, on ne peut pas dire que les spectateurs de Rienzi fassent partie de quelconques "happy few" dans la mesure où la musique de Wagner, sans être tout à fait ennuyeuse, sort rarement du "presque uniformément pompeux" que Debussy vilipendait à juste titre chez Gluck, et qui rappelle ici plutôt Meyerbeer ou le Donizetti "sérieux", surtout aux deux premiers actes. L'intérêt se ravive par la suite, mais de façon ponctuelle : l'auditeur est convié à une sorte de jeu de pistes où, dans le ronronnement ambiant, certains passages lui annoncent les grandes oeuvres à venir, tel trait lascif de violons Tannhäuser, telle descente de trombones L'Or du Rhin, tels gruppetti le Tagesanbruch du Crépuscule des Dieux, et surtout certains choeurs d'hommes, cent lieues au dessous de ceux de Parsifal, mais qui produisent quand même une forte impression. On peut quand même regretter que sur un pareil sujet Wagner n'ait pas voulu céder aux charmes de l'opéra italien : il le fera dans le Vaisseau Fantôme (sur un livret beaucoup plus nordique !) et une comparaison entre ces deux oeuvres étonnamment proches dans le temps peut sembler sans appel pour Rienzi.

Cependant l'oeuvre a des chances de se maintenir au répertoire pour ses vertus dramatiques qui elles, ne souffrent aucune critique (Wagner, tout en l'excluant lui-même du programme de Bayreuth, y voyait d'ailleurs malgré tout ses vrais débuts de compositeur dramatique). Le cinquième acte en particulier, si ramassé, est un chef d'oeuvre et l'on peut penser que sur ce point, Wagner ne retrouvera pareille inspiration que pour les deux derniers actes du Crépuscule des Dieux (mais il est vrai qu'entre temps ses conceptions sur la Musique et le Drame avaient bien changé !).

La mise en scène de Christine Mielitz insiste en apparence sur la jeunesse de l'oeuvre et renonce intelligemment au statisme du "Grand Opéra" (ou de certaines mise en scènes wagnériennes traditionnelles), ce qui serait importun ici puisque la musique ne suit pas. L'ensemble est bien rythmé comme les péripéties du drame et en particulier le placement des choeurs (omniprésents) est admirable, même si l'on peut se lasser de leurs interventions trop nombreuses depuis les loges de spectateurs (comme dans le Fidelio de Braunschweig). Toutefois le point de vue central de cette mise en scène est de faire le lien avec certains thèmes de la maturité de Wagner, en faisant de Rienzi une sorte de tyran "malgré lui". Cela peut surprendre au début mais ne laisse pas finalement de convaincre, pour le parallèle très pertinent qui est proposé par exemple avec la destinée d'un Siegfried : bien qu'évoluant dans des thématiques différentes (le premier dans celle de l'émancipation politique, le second dans celle de l'émancipation individuelle "par l'amour") Rienzi et Siegfried ont tous deux une soif infinie de liberté, mais qui se mue rapidement en inconscience et les expose aux pires duperies. Un tel pessimisme peut sembler prématuré pour une oeuvre de jeunesse, mais l'idée est très séduisante.

L'ensemble est défendu par un plateau de chanteurs très convaincant. Carole Fitzpatrick est une Irène à la voix souple et puissante, dotée d'un fort joli timbre. On la sent capable d'aborder à plus ou moins court terme Elsa, Elisabeth, ou même Senta. Dans le rôle périlleux d'Adrianno Colonna, Anne Schwanewilms s'est taillée un beau succès, faisant preuve il est vrai d'un réel engagement dramatique et d'une très grande maîtrise dans les passages de bravoure. Je reste néanmoins réservé sur ses qualités de timbre, que j'ai trouvé parfois quelconque. Guenther Neumann soulève en revanche en Cola Rienzi une adhésion presque sans faille, d'abord pour sa remarquable endurance dans ce rôle écrasant. Il donne une composition très dense, très concentrée, et sa prière au début du cinquième acte est un grand moment d'émotion. Le tout servi par une voix du tonnerre mais qu'il sait nuancer, utilisant dans les piani le registre de tête de façon très habile. On lui pardonne quelques aigus tirés et des débuts de phrase pas très justes. Clefs de Fa solides et sans surprise, dont se détache tout de même l'Orsini de Klemens Slowioczek au beau baryton clair, qu'il faudrait entendre dans Gunther ou Wolfram. A noter enfin en un jeune ténor prometteur, Andreas Conrad, qui en porte-parole des Romains tient la dragée haute à Rienzi dont la voix est a priori beaucoup plus large que la sienne. C'est assez rare dans ce type de confrontations.

Le choeur du Komische Oper, renforcé pour l'occasion par le "Ernst-Senff-Chor", offre une prestation scénique et vocale presque parfaite, et reçoit une juste ovation. A la tête de l'orchestre du Komische Oper, James Tuggle s'acquitte fort bien de son rôle ingrat de "grand accompagnateur", et fait habilement ressortir les passages instrumentaux où le génie de Wagner commence à poindre.



Thomas Simon

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com