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Tiercé gagnant

Avignon
Opéra Théâtre
11/22/2009 -  et 24 novembre 2009
Vincenzo Bellini : I Capuleti e i Montecchi
Ermonela Jaho (Giulietta), Karine Deshayes (Romeo), Ismaël Jordi (Tebaldo), Federico Sacchi (Capellio), Patrick Bolleire (Lorenzo)
Chœurs de l’Opéra Théâtre d’Avignon et des Pays du Vaucluse, Orchestre lyrique de Région Avignon Provence, Jonathan Schiffman (direction)
Nadine Duffaut (mise en scène)


(© Cedric Delestrade/ACM-Studio)


Deux ans après Bastille (lire ici), Avignon présente I Capuleti, qui n’y ont jamais été donnés, contrairement à La Somnambule, Norma ou Les Puritains. Une fois de plus, l’Opéra-Théâtre a montré quel niveau il pouvait atteindre dans les distributions : avoir entendu Anna Netrebko et Joyce DiDonato n’a nullement émoussé notre plaisir.



Voix fruitée, avec parfois une pointe d’acidité, Ermonela Jaho, déjà fameuse pour ses Traviata, connaît le bel canto : vocalisation aisée, aigus pianissimo, art des couleurs, rien ne lui échappe. Voici, de plus, une Juliette frémissante, qui tranche sur la victime élégiaque et résignée que l’on nous offre souvent. La soprano albanaise phrase admirablement ses deux airs, nullement gênée, grâce un souffle maîtrisé, par la longue mélodie bellinienne. Elle forme ainsi un couple assorti avec le très beau Roméo de Karine Deshayes. Sa Rosine, qui avait, à Bastille, trahi certaines carences dans le bas médium et le grave, suscitait quelque inquiétude. Mais Avignon n’est pas Bastille et le rôle de Roméo tire plus vers le mezzo que vers le contralto rossinien… une fois passé l’air d’entrée, où elle peine évidemment, en particulier dans la strette de la cabalette… mais où elle ne triche pas en recourant aux artifices du registre de poitrine. La voix s’épanouit ensuite, révèle la richesse de son timbre, l’aisance de ses aigus, le raffinement de ses phrasés, superbe dans la scène du tombeau. Un Roméo aussi fougueux que stylé, préservant à tout instant l’homogénéité de sa tessiture – la pierre d’achoppement du rôle. Mais pas de bons Capulets sans un bon Tebaldo, moins flatté pourtant par Bellini. Chanteur de Mexico pour le Châtelet il y a deux ans (lire ici), Ismaël Jordi brille de l’éclat de sa voix sonore, aux aigus insolents, qu’il plie aux courbures d’une ligne de chant très soignée, qui gagnera encore en élégance lorsque le legato se sera davantage affiné. Celui qu’on sacra « meilleur élève d’Alfredo Kraus » se hausse ainsi au niveau des deux protagonistes, Tebaldo incandescent, aussi passionné dans l’amour que dans la haine, très bien apparié à Roméo dans le duo du deuxième acte. Entendre un tel trio de jeunes chanteurs réconforte.



Les deux basses, heureusement, jouent les utilités : le Capellio de Federico Sachhi et, surtout, le Lorenzo de Patrick Bolleire, aux aigus très problématiques, sont gris et charbonneux. Mais le chœur confirme les progrès qu’il a accomplis grâce à Aurore Marchand. S’il a un peu de mal, dans l’Ouverture, à canaliser les éclats de son orchestre, le jeune Jonathan Schiffman conduit l’opéra de Bellini avec vaillance et finesse, tenant bien le finale du premier acte, tirant le meilleur de musiciens qui abordent la partition pour la première fois et jouent parfois en solistes – la clarinette a réservé de beaux moments. Nadine Duffaut, elle, fait toujours profession d’humilité devant les chefs-d’œuvre, s’effaçant volontiers derrière les compositeurs, quitte à réduire ici sa mise en scène à une illustration minimale de la musique comme on le faisait il y a des décennies. Les chanteurs évoluent dans la pénombre, au milieu d’un décor d’Emmanuelle Favre tenant à la fois du carton-pâte historiciste et de la modernité discrète. Tout cela est consciencieux, au premier degré, avec une touche de symbolisme naïf : quand meurent les deux amants, on voit au fond un couple monter l’escalier, comme s’il allait au paradis.



Didier van Moere

 

 

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