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Un anniversaire dignement fêté

Paris
Salle Pleyel
11/17/2009 -  et 15 (Metz), 24 (Versailles) novembre 2009
Henry Desmarest : Motet «Usquequo Domine»
André Campra : Motet «Exaudiat te Dominus»
Jean-Philippe Rameau : Motet «Deus noster Refugium»
Jean-Baptiste Lully : Te Deum

Amel Brahim-Djelloul, Emmanuelle de Negri (dessus), Toby Spence, Cyril Auvity (tailles et hautes-contre), Marc Mauillon (basse-taille), Alain Buet (basse)
Les Arts Florissants, William Christie (direction)


(© Philippe Matsas)



En 1979, le jeune ensemble « Ensemble vocal et instrumental baroque d’Ile-de-France » fondé par un claveciniste américain du nom de William Christie, connu de seuls quelques férus de musique baroque, voyait le jour. Sur la suggestion du ténor Michel Laplénie, le nom se mua rapidement en « Arts Florissants », hommage à la partition éponyme de Marc-Antoine Charpentier. Que de chemin parcouru depuis ! Ayant joué dans le monde entier (de la France à l’Australie, des Etats-Unis au Japon), dans les lieux les plus divers (de la Philharmonie de Berlin à la petite église de Mareuil-sur-Lay en Vendée, où William Christie rentre régulièrement cultiver son jardin au sens propre du terme !), Les Arts Florissants figurent depuis plusieurs années parmi les meilleures formations qui soient pour interpréter le répertoire baroque, notamment français, si longtemps délaissé au profit des Allemands (Bach évidemment), des Italiens (Vivaldi et quelques autres) ou Anglais (Purcell et Haendel).


Dans le cadre des célébrations de leur trentième anniversaire, Les Arts Florissants donnaient ce soir un concert parfaitement illustratif du répertoire ainsi défriché, parcouru et approfondi depuis trois décennies. Etaient à l’honneur de grands motets (genre dont la naissance remonterait à l’hiver 1664, où Madame de Sévigné aurait pleuré à l’écoute du Miserere de Lully), et un Te Deum composés par quatre des plus brillants représentants de ces XVIIe et XVIIIe siècles français.


Henry Desmarest (1661-1741) est un compositeur étonnant du Grand siècle. Protégé de l’Abbé Goupillet (un des maîtres de chapelle de Louis XIV), il fut également la cause de la chute de ce dernier en dévoilant que les motets de l’Abbé étaient en fait les siens propres. Ainsi que le rapporte Evrard Titon du Tillet dans son ouvrage Le Parnasse français (1743), Desmarest « y fut la cause de la disgrâce de Goupillet ; le Roi ayant sçu qu’il composoit pour ce Maître de Musique des Motets qui recevoient tant d’applaudissements, Goupillet fut renvoyé avec un Canonicat que le Roi lui donna, et sa Pension de neuf cent livres, qui lui fut continuée, avec ordre de ne plus paroître à la Cour ». Compositeur talentueux mais condamné à mort par contumace pour des affaires de mœurs (il se maria avec une belle demoiselle sans avoir obtenu le consentement préalable du père de celle-ci), il erra quelque peu, passant successivement au service de la Cour d’Espagne puis de la Cour de Lorraine et n’ayant été autorisé à revenir en France qu’en 1722. Le motet Usquequo Domine date vraisemblablement de 1707, de même que la plupart de ses autres grandes œuvres religieuses (on signalera notamment les autres motets Veni Creator, Cum invocarem, Domini est terra et Quemadmodum desiderat). S’ouvrant sur un chœur d’une ferveur incomparable, donnant ainsi d’emblée aux chanteurs des Arts Florissants l’occasion de briller, ce motet fait intervenir prioritairement la belle voix d’Emmanuelle de Negri qui, qu’elle soit accompagnée des solistes masculins ou qu’elle intervienne seule, distille une passion contagieuse, implorant Dieu avec ferveur pour son aide et son soutien dans les épreuves de la vie quotidienne. William Christie l’accompagne avec une attention palpable, notamment dans le très beau « Cantabo Domino » où la jeune chanteuse dialogue harmonieusement avec deux flûtes : on ne pouvait rêver plus belle entrée en matière.


Caractère totalement opposé à son aventureux compatriote, le sage André Campra (1660-1744) commence sa longue carrière de musicien dans le sud de la France, travaillant successivement à Toulon, Arles, Toulouse, Montpellier notamment, avant d’être nommé maître de musique à Notre-Dame de Paris en 1694. Directeur de la musique du prince de Conti en 1722, il succède la même année à Richard Delalande comme maître de la Chapelle royale. Son motet Exaudiat te Dominus instaure un climat totalement différent de l’œuvre précédente : plus brillant (trompettes naturelles aidant), plus festif, plus clair dans les tonalités. Dès le début, Toby Spence illumine l’œuvre dans son très beau « Exaudiat te Dominus in die tribulationis » : voix pleine, puissante et douce à la fois, le chanteur anglais démontre l’étendue de toutes ses capacités avec une aisance remarquable. Tout aussi agiles vocalement, Cyril Auvity et Marc Mauillon entonnent un touchant « Memor sit omnis », jouant à ce propos sur une prononciation très particulière des paroles latines. Enfin, on ne peut que louer l’orchestre qui, qu’il s’agisse des deux flûtes accompagnées de seulement deux violons et de la basse continue dans le « Impleat Dominus omnes » ou des trompettes dans le chœur « Hi in curribus », s’implique pleinement dans cette véritable réjouissance musicale.


La seconde partie du concert rendait hommage à deux des compositeurs de prédilection des Arts Florissants, Rameau et Lully. Faut-il en effet rappeler que le choc provoqué par Les Arts Florissants vient notamment de ces représentations historiques d’Atys, mis en scène par le compère Jean-Marie Villégier, en 1987 ? Faut-il également mentionner le fait que William Christie, remplaçant John Eliot Gardiner, dirige Hippolyte et Aricie à l’Opéra-Comique en 1985 ?


En l’espèce, deux œuvres sacrées : le motet Deus noster Refugium de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) et le Te Deum de Jean-Baptiste Lully (1632-1687). Loin d’être l’œuvre la plus célèbre de Rameau, ce motet s’avère très complet dans la palette vocale présentée puisque interviennent aussi bien les chanteurs en qualité de solistes (magnifique Alain Buet au début de la pièce ou Amel Brahim-Djelloul dans le passage « Fluminis impetus ») qu’en groupe. A cet effet, le passage « Venite et videte » fut particulièrement splendide, associant les quatre solistes masculins au violon solo et à la basse continue. Le vrombissement de l’orchestre dans « Arcum conteret et confriget », où brillèrent une fois encore Toby Spence et Marc Mauillon, donna une image particulièrement éclairante de la violence souhaitée par Rameau dans ce passage destiné à souligner la puissance de Dieu, capable de « briser l’arc, détruire les armes et consumer les boucliers par le feu ».


A la violence succéda ensuite l’éclat avec le Te Deum (1677), œuvre fatale pour Jean-Baptiste Lully puisque la légende veut, mais rien n’est moins sûr, que ce soit à l’occasion d’une répétition de cette composition qu’il se frappa le pied de son bâton d’orchestre, cause immédiate de la gangrène qui devait l’entraîner dans la tombe quelques semaines plus tard. Dédiée tant à la gloire du roi que de Dieu, cette œuvre particulièrement brillante (débutant et finissant comme il se doit par des chœurs accompagnés de timbales et des deux trompettes respectivement tenues par Jean-François Madeuf et Gilles Rapin) ne fait intervenir les solistes que de façon secondaire, donnant lieu à plusieurs reprises à un dialogue entre eux et les chœurs, les climats alternant entre la puissance et l’intimisme. William Christie, dont on ne peut au passage qu’admirer la jeunesse d’esprit et la forme olympique (bondissant sur son podium, chantant avec les solistes et les chœurs, invitant chaque intervention instrumentale particulière d’un doux geste de la main droite), démontre à qui en douterait sa pratique et ses affinités avec l’œuvre du grand « Surintendant de la musique du Roy ».


Le triomphe fait par un public silencieux comme rarement nécessitait un bis. Particulièrement généreux, William Christie et ses équipes en donnèrent deux : Jean Joseph Cassanea de Mondonville (l’introduction d’In exitu Israel) et, une fois encore, Jean-Philippe Rameau (un extrait des Indes galantes), conclurent ainsi de la plus belle manière une superbe soirée en attendant, notamment, de pouvoir fêter dignement le quarantième anniversaire d’un ensemble hors pair !


Le site des Arts Florissants
Le site d’Amel Brahim-Djelloul
Le site de Marc Mauillon



Sébastien Gauthier

 

 

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