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Pour le meilleur et pour le pire

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/17/2009 -  
Franz Schubert: Sonate n° 16, K. 784
Maurice Ravel: Gaspard de la nuit
Modeste Moussorgski: Tableaux d’une exposition

Mikhaïl Rudy (piano)


Mikhaïl Rudy (© Marthe Lemelle)



Ayant conquis les cœurs par sa sincérité artistique et personnalité attachante, Mikhaïl Rudy appartient à ces artistes très appréciés d’un large public – son désormais traditionnel récital au Théâtre des Champs-Elysées a même attiré Pascal Dusapin. Toutefois – et c’est sans doute le propre de la véritable affection – elle vaut pour le meilleur comme pour le pire.


Dans l’un de ses programmes de prédilection, c’est-à-dire exigeants d’un point de vue aussi bien technique que physique ou expressif (voir ici et ici), ce fut d’abord le meilleur. Très droit, mais d’un pas tranquille et souple, le pianiste rejoint le Steinway pour commencer par une magnifique Seizième sonate (1823) de Schubert, orchestrale, pas tant dans sa puissance que dans son étagement des plans sonores, tout en ménageant des moments complètement hors du temps (second thème de l’Allegro giusto, Andante): une interprétation au sens fort du terme, qui exploite tout le potentiel de cette musique, lui conférant une envergure tour à tour brahmsienne et mahlérienne.


Les choses se gâtent dans Gaspard de la nuit (1908) de Ravel, dont Rudy enchaîne les trois pièces sans interruption: parfois trahi par ses doigts et par sa mémoire, visiblement mal à l’aise, il en devient trop raide dans «Ondine». Et si «Le Gibet» bénéficie d’une somptueuse réalisation sonore, «Scarbo», étrange et extrême dans ses oppositions de registres et son allure précipitée, pour ne pas dire bousculée, tient de la fuite en avant, évoquant davantage Rachmaninov, Scriabine ou Prokofiev que Ravel.


Quatorze ans après avoir achevé Gaspard de la nuit, Ravel orchestra les Tableaux d’une exposition (1874) de Moussorgski: le rapprochement entre les deux œuvres, l’une d’inspiration littéraire, l’autre picturale, se justifie, «Scarbo» s’apparentant à «Gnomus» tandis que la note répétée du «Gibet» rappelle celle d’«Il vecchio castello». Plus instinctif que rigoureux, prenant de grandes libertés avec la partition, Rudy défend une approche descriptive, voire décorative, sans craindre les pièges les plus grossiers – démarrer fortissimo «La Grande Porte» – ni les excès: excès de précipitation, excès de rubato, excès de pédale, excès d’approximations. Dès lors, le résultat confine quelquefois à la bouillie, comme dans «Ballet des poussins dans leurs coques». Mais ici ou là, lorsque le voile de cabotinage se déchire, ce sont autant d’instants privilégiés: pianissimos irréels dans «Il vecchio castello» ou la partie centrale de «La Cabane sur des pattes de poule», attention portée à l’articulation – enfin! – dans «Limoges. Le Marché».


L’assistance en redemande, bien sûr: cela tombe bien, car Rudy, comme à son habitude, se montre très généreux en bis: l’ultime Mazurka de Chopin – la dernière des trois de l’Opus 63 (1846) – qu’il affectionne tout particulièrement, puis le dernier des Préludes de l’Opus 28 (1839), cataclysmique à souhait. D’un bel esprit viennois, le Premier des deux Scherzi D. 593 (1817) de Schubert convainc davantage que les errements faciles et tapageurs de «Montaigus et Capulets» de Roméo et Juliette (1936/1937) de Prokofiev. Enfin, comme en 2006, il conclut sur une adaptation du choral Ich ruf’ zu dir, Herr Jesu Christ de Bach.



Simon Corley

 

 

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