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On achève bien le français

Paris
Amphithéâtre Bastille
06/24/2009 -  et 25, 27, 30* juin
Maurice Ravel : Histoires naturelles [*] – L’Enfant et les sortilèges
Aimery Lefèvre (baryton [*], le Fauteuil), Elisa Cenni (l’Enfant), Aude Extrémo (Maman, la Tasse chinoise, la Libellule), Andrea Hill (la Bergère, la Chatte, l’Ecureuil, Un pâtre), Julie Mathevet (le Feu, le Rossignol), Claudia Galli (la Princesse), Maria Virginia Savastano (la Chauve-Souris, la Pastourelle), Nahuel Di Pierro/Ugo Rabec* (l’Arbre), Vladimir Kapshuk (l’Horloge comtoise, le Chat), Manuel Nuñez Camelino (la Théière/le Petit Vieillard), Vincent Delhoume (la Rainette, le Pastoureau)
Arnaud Arbet [*], Rūta Lenčiauskaitė, Hugo Mahieux (piano), Julie Gacser (flûte), Sébastien Renaud (violoncelle), Didier Puntos (direction musicale)
Jean Liermier (mise en scène)


A. Extrémo, E. Cenni
(© Cosimo Mirco Magliocca/Opéra national de Paris)



C’est parce que nous apprécions le remarquable travail accompli par Christian Schirm avec les jeunes chanteurs de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris que cette soirée Ravel a suscité une certaine déception, voire une certaine irritation. Les Histoires naturelles, L’Enfant et les sortilèges, doivent se dire autant que se chanter. Si le style français est fondé, comme chacun sait, sur une déclamation spécifique à la langue, cela vaut plus encore pour ces deux œuvres. Or on éprouvait en général la plus grande peine à comprendre le texte, au point de regretter l’absence de surtitres. Cela étonne d’autant plus que plusieurs chanteurs viennent de l’Hexagone - s’agissant des autres, on pourrait d’ailleurs citer des exemples de parfaite assimilation du style français. Bref, c’est la sauvegarde d’une tradition, consubstantielle à un répertoire, qui se trouve ici en jeu. Pourquoi ne fait-on pas pour lui ce qu’on fait avec succès pour Lully ou Rameau ?


Les voix sont cependant belles et bien conduites. On prise ainsi, chez l’excellent Aimery Lefèvre, la richesse du timbre, l’homogénéité de la tessiture. Mais il chante les Histoires naturelles comme des mélodies traditionnelles, voire parfois comme des airs d’opéra, avec souvent un sérieux totalement étranger à l’esprit de Jules Renard et de Ravel, alors que toute la partition respire le second degré, la parodie, la dérision, notamment par ses décrochements prosodiques – elle provoqua, en 1906, un mémorable tapage. L’accompagnement impeccable d’Arnaud Arbet ne corrige guère les choses et l’on s’ennuie assez vite.


Faut-il réduire à un quatuor (flûte, violoncelle, piano à quatre mains) les sortilèges… de l’orchestre ravélien ? Comme l’entreprise est a priori vouée à l’échec et que la « Fantaisie lyrique », ainsi mise au régime sec, ne mérite plus son nom, l’adaptation de Didier Puntos, au demeurant bien faite et adaptée à certaines circonstances, en vaut une autre. La mise en scène de Jean Liermier, de toute façon, rétablit les choses, à l’aide des lumières de Pascal Noël : inventive sans effets inutiles, colorée et poétique, elle oppose avec finesse la chambre de l’enfant au jardin couvert de neige, donnant subtilement aux bêtes et aux objets la figure humaine que leur confère l’imaginaire du petit chenapan. On l’imagine déjà curieux de sexualité (duos de la Tasse et de la Théière, du Chat de la Chatte), sensible à la cruauté du monde (l’Arbre ressemble à un blessé de la guerre 1914-1918), identifié aux héros de ses contes (il défendra sa Princesse avec vaillance)… et rebelle aux chiffres (l’Arithmétique a du mal à dresser ses ouailles). Et la fin ressemble bien au terme d’une initiation : la production sert le texte et la musique, dont elle n’est jamais littéralement esclave.


Si l’on passe sur les lacunes de l’articulation, l’interprétation peut satisfaire. Elisa Cenni, beau mezzo au timbre franc, n’est pas la plus inintelligible quand elle incarne l’Enfant, à la fois rebelle et sensible. Les autres ne sont pas forcément égaux dans leurs différentes incarnations. Aude Extrémo, par exemple, mâche les syllabes de la Mère, préférable en Tasse chinoise ou en Libellule. Vladimir Kapshuk se tire mieux d’affaire en Chat qu’en Horloge comtoise, dont la tessiture éclatée met à mal les plus aguerris. De même le syllabisme ébouriffant de l’Arithmétique flatte moins Manuel Nunez Camelino que les déhanchements jazzy de la Tasse chinoise. Déjà remarqué à mainte reprise, Ugo Rabec, en revanche, émeut par la noblesse de son Arbre blessé. Si Claudia Galli peut sembler un rien droite pour un rôle de Princesse enchantée, Julie Mathevet ne met pas d’acide dans les coloratures parfaitement maîtrisées du Feu ou du Rossignol, qui offre à la Libellule un contrepoint de vocalises lumineuses et poétiques.


L’Enfant et les sortilèges est aussi difficile que bref. L’Atelier lyrique s’en sort avec les honneurs… mais sans les mots.



Didier van Moere

 

 

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