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America sur l’Elbe

Dresden
Frauenkirche
05/26/2009 -  
Jean Sibelius : Symphonie n°1 en mi mineur op. 39
Igor Stravinsky : L’Oiseau de feu

Orchestre Philharmonique de Vienne, Valery Gergiev (direction)


Valery Gergiev



Ors et stuc des églises, cour du château, Semperoper, mais aussi Hochschule für Musik, Conservatoire Heinrich Schütz, Palais de la culture ou Gläserne Manufaktur, siège des usines Volkswagen, un des principaux sponsors du festival : du 20 mai au 7 juin, le festival de Dresde épouse l’histoire de la cité, des splendeurs du baroque de jadis à la symphonie futuriste de verre et d’acier de la Manufaktur, symbole de l’Allemagne réunifiée, où l’on fabrique la Phaeton dans des ateliers incroyablement clean, en passant par un autre lieu symbolique, le Kulturpalast voulu par la défunte RDA comme une des vitrines de sa politique culturelle.


Né en 1978, le festival prit évidemment un nouveau tournant après la chute du Mur. Tandis que son prédécesseur, le chef d’orchestre Hartmut Haenchen, né à Dresde, fulmine dans la presse locale contre l’absence d’une salle de concert digne des deux orchestres de la ville, la fameuse Staatskapelle et la moins connue Philharmonie, le violoncelliste Jan Vogler, directeur du festival depuis cette année, entend bien l’ancrer dans le siècle nouveau : « Il s’agit pour moi de changer la relation entre la musique et la société, de penser la société à travers la musique. » Loin d’afficher seulement des grands noms du moment, les Dresdner Festspiele veulent proposer une programmation inventive, s’ouvrir au théâtre et à l’opéra, comme Edimbourg ou Lucerne, s’intégrer à la vie culturelle de la ville, tout en explorant des horizons plus lointains : « Le festival doit s’internationaliser davantage. Le thème de cette année est « le nouveau monde », celui de l’année prochaine sera la Russie. » Un vent de nouveauté doit souffler sur ce printemps musical, dans une ville que la grande tradition allemande situe entre Schütz, qui y fut pendant cinquante-cinq ans maître de chapelle à la cour, et Strauss, dont la plupart des grands opéras y furent créés : « Si le festival s’inscrit dans la modernité, il réservera une place de choix à la musique contemporaine et aux jeunes musiciens. Le concert d’ouverture a été donné par The Knights, un jeune ensemble new-yorkais qui s’aventure aussi bien dans le jazz ou la pop que dans le classique. Il faut aussi proposer aux jeunes des tarifs plus attractifs. »


Jan Vogler lui-même, le 4 juin, jouera, avec Kristjan Järvi, le Concerto pour violoncelle d’Udo Zimmermann, qu’ils viennent de créer à Munich, ainsi que celui d’Elliott Carter. On trouve dans le programme, à côté du Dvorak de la Symphonie du nouveau monde, les noms d’Ives et de Barber, d’Adams et de Bernstein, de Copland et de Crumb, d’Aaron Jay Kernis aussi, une des figures de proue de la musique américaine d’aujourd’hui, guest star de l’édition 2009. De son côté, l’Opéra reprend, trois ans après la première à Dresde, Dead Man Walking de Jake Heggie et Terence McNally, mais ce n’est qu’un hasard du calendrier : une raison de plus, selon Jan Vogler, pour tenter un croisement des programmations et mener, le temps du festival, des actions conjointes. Cela dit, on ne fait pas pour autant table rase du passé : La Création marque le bicentenaire de la mort de Haydn, Teofane d’Antonio Lotti ressuscite de l’oubli presque trois siècles après sa création in loco en 1719, Gabriela Montero joue Bach/Busoni, Brahms et Rachmaninov... Les amateurs de grands noms, eux, sont rassurés : ils ont Grimaud, Mutter et Gergiev.


Si souvent inégal et superficiel, celui-ci a justement donné un magnifique concert – le même que la veille aux Champs-Elysées (lire ici) – dans la Frauenkirche, dont l’acoustique est bien meilleure que celle de la Kreuzkirche. De toute façon, le courant passe entre le chef russe et la Philharmonie de Vienne, qui s’abandonne toujours volontiers à cette façon de diriger plus charismatique que pensée. Les sonorités de l’orchestre, du coup, paraissent à la fois plus opulentes et plus raffinées que jamais, grâce à des cordes d’un incomparable soyeux et à des vents d’une rondeur exceptionnelle. Le début de la Première Symphonie de Sibelius, avec le solo de clarinette sur un roulement de timbales, envoûte déjà. On pourra toujours dire que l’Allegro energico, dans sa générosité brûlante, dans son lyrisme un peu appuyé, dans sa grandeur presque épique, tire l’œuvre vers Strauss – ou vers Rimski : cela ne conviendrait pas aux symphonies de la grande maturité, mais flatte beaucoup cet opus 39, dont ressort toute la dimension narrative, ainsi que la richesse des combinaisons de timbres. L’orchestre est plus splendide que jamais dans un Andante très pictural et plein de mystère, avant de tourner un peu à vide dans un Scherzo virtuose. Pierre d’achoppement de beaucoup d’interprétations, le Finale s’avère parfaitement maîtrisé, dans le sillage de celui, moins rigoureusement structuré, de la Cinquième Symphonie de Tchaikovski – d’ailleurs elle aussi en mi mineur –, qu’il rejoint par le paroxysme l’émotion. Du technicolor à la viennoise, certes, mais d’une grande précision, notamment dans les plans sonores, et, à sa façon, inspiré.



L’Oiseau de feu réussit à Gergiev, qui l’a donné à plusieurs reprises avec les Viennois. Strauss et Rimski se croisent une fois de plus dans cette version plus symphonique que chorégraphique, d’une générosité capiteuse jusqu’à la saturation, toute en courbes voluptueuses. La direction, heureusement, conserve une grande souplesse agogique et rythmique, n’émousse pas la sauvagerie de certains passages, même si l’acoustique accentue – ou aggrave – le fondu des sonorités. Elle semble cependant privilégier plutôt le mystère et la magie, les chatoiements de couleurs, avec une fin d’une envoûtante beauté. On aurait peut-être préféré se situer plus près de l’impressionnisme français, entendre une interprétation plus analytique : allons, la mariée est-elle jamais trop belle ? Finalement, contre toute attente, le « Panorama » du deuxième acte de La Belle au bois dormant, donné en bis, ne marque pas vraiment de rupture : tout n’y est que luxe, calme et volupté.


Le site du festival de Dresde



Didier van Moere

 

 

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