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Plus mystérieuse que fatale

Lyon
Opéra national
04/20/2009 -  et 22, 24, 26, 28, 30 avril, 2 mai
Alban Berg : Lulu
Laura Aikin (Lulu), Hedwig Fassbender (la Comtesse Geschwitz, Une habilleuse), Stephen West (Dr Schön, Jack l’Eventreur), Thomas Piffka (Alwa), Roman Sadnik (le Peintre, Un nègre), Paul Gay (Un dompteur, l’Athlète), Magdalena Anna Hofmann (Un lycéen, un groom), Franz Mazura (Schigolch, Un clown), Robert Wörle (le Professeur de médecine, le Prince, le Valet de chambre, le Marquis, le Professeur), Johann Werner Prein (le Directeur de théâtre, le Banquier), Raphaëlle Hazard (Une artiste professionnelle), Elodie Tuca (Une adolescente de quinze ans), Florence Villevière (Sa mère), Christophe Debiase (Un journaliste), Wieland Satter (Un domestique), Marc Piron (Un machiniste, le Commissaire de police)
Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Kazushi Ono (direction)
Peter Stein (mise en scène)


(© Bertrand Stofleth)


Désormais rendu à ses trois actes grâce à Friedrich Cerha, Lulu est si difficile que peu de maisons s’y risquent – alors que Wozzeck est entré dans le répertoire. Coproduit avec la Scala et les Wiener Festwochen, qui l’apprécieront en 2010, le spectacle lyonnais s’impose par sa cohérence, plus de trente ans après la production de Jacques Rapp dirigée par Sylvain Cambreling – en deux actes, puisque l’on s’en tenait encore au testament d’Helene Berg, qui exigeait, pour la fin de l’opéra, des emprunts à la Lulu Symphonie, où figuraient des passages achevés du troisième acte.


Considéré jadis comme un avant-gardiste, notamment comme intendant de la Schaubühne de Berlin, Peter Stein propose aujourd’hui une approche très classique des œuvres. On sent bien, dans cette Lulu l’héritage de l’expressionnisme allemand ; il y a même un côté George Grosz dans le tableau de la réception parisienne. Mais le metteur en scène n’y met pas de folie, serrant au plus près les correspondances entre le texte et la musique, installant ses personnages dans le beau décor entre-deux-guerres de Ferdinand Wögerbauer. Ni surenchère ni dérision dans ce qui est plus lecture que vision, sans parti pris de cruauté sadique ou d’esthétisme glacial, où le film du deuxième acte ne sera rien d’autre que la projection du texte. Sans doute veut-il ainsi entretenir plutôt que dévoiler le mystère de Lulu, plus énigmatique que vraiment fatale. Bref, voilà un travail exemplaire de probité et de rigueur, d’une implacable efficacité.


Cette humilité un rien distante préserve toute la force de la musique de Berg. Désormais installé à son poste de chef permanent, Kazushi Ono sait d’abord, comme dans Le Joueur trouver l’équilibre entre la fosse, la scène et la salle, qu’il ne faut pas écraser sous l’orchestre. Sa direction met à nu la polyphonie bergienne, mais concilie l’agencement des formes avec le rythme dramatique, évitant ainsi toute sécheresse, s’abandonnant même - non sans quelque réserve, parfois - au lyrisme brûlant d’une partition que certains considèrent d’abord comme un savant échafaudage de structures – les Interludes restent ici du théâtre. Si Lulu est un opéra sériel, c’est aussi – et d’abord - un opéra tout court.


Légère comme un papillon, souple comme un félin, Laura Aikin émeut en Lulu insaisissable, maîtrisant une tessiture impossible et des coloratures à haut risque, ne trichant pas avec le chant proprement dit ; il lui manque seulement la sensualité du personnage, que lui interdisent des acidités corrodant le timbre dans l’aigu, très pénibles au deuxième acte. Autour d’elle, une distribution homogène, pour des rôles très justement caractérisés. On passe, du coup, sur des aigus coincés (le Peintre) ou laborieusement poussés (Alwa) des ténors, sur une Geschwitz trop prosaïque. Car Stephen West, avant d’être Jack l’Eventreur, est un beau Schön, de voix et de style, déchu mais digne, Paul Gay un parfait Athlète, peut-être un rien trop policé. Quant à Franz Mazura, jadis impressionnant Schön chez Boulez et Chéreau lors de la création à Paris de la version en trois actes, il succède en Schigolch aux Greindl et autres Hotter : voix défaites mais grands artistes, construisant, sur des ruines, un personnage plus vrai que nature, qui hante nos mémoires.



Didier van Moere

 

 

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