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Partis pris baroques appliqués au répertoire classique

Paris
Cité de la musique
03/27/2009 -  
Joseph Haydn : Symphonie n° 60 en do majeur, Hob. I:60, ‘‘Le Distrait’’
Frédéric Chopin : Variations en si bémol majeur sur ‘‘Là ci darem la mano’’ de Mozart, opus 2
Franz Schubert : Symphonie n° 8 en si mineur, D 759, ‘‘Inachevée’’

Abdel Rahman El Bacha (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Paul McCreesh (direction)


Paul McCreesh (© Sheila Rock)



Dans le cadre d’un cycle intitulé « Répéter/Varier 1 » débuté le 12 mars, la Cité de la musique accueillait ce soir l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par Paul McCreesh pour un programme faisant notamment se côtoyer une rareté pour piano et orchestre et une des symphonies les plus célèbres du répertoire.


A bien des égards, la Symphonie n° 60 ‘‘Le Distrait’’ est une composition particulière. Il s’agit en effet de la seule musique dont on soit sûr qu’elle ait été composée par Joseph Haydn (1732-1809) pour la scène : il s’agissait d’illustrer une pièce comique en cinq actes centrée sur le personnage de Léandre, héros distrait (amant de Héro, prêtresse d’Aphrodite à Abydos, il meurt noyé en allant une nuit, à la nage, à la rencontre de sa dulcinée, provoquant du même coup le suicide de cette dernière), dont les aventures sont notamment relatées dans les Epitres XVIII et XIX tirées des Héroïdes d’Ovide. En outre, cette symphonie comporte six mouvements : après un Presto tout en verve (qui déclenche immanquablement les applaudissements du public), Haydn a en effet adjoint deux autres mouvements qui brisent ainsi les canons stylistiques de l’époque classique. Conduisant avec finesse et entrain un orchestre aux effectifs allégés (moins de vingt cordes), Paul McCreesh joue sur les nuances dans les deux premiers mouvements avant de faire magnifiquement ressortir les aspérités rustiques du Menuetto – Trio. On ne peut que louer les auditeurs pour, exception remarquable, ne pas applaudir après le Presto, enlevé de la plus belle manière : le silence qui suit permet ainsi d’apprécier le sommet de cette symphonie, un Adagio (di Lamentatione) dont le chef parvient à tirer des pianissimi inouïs, d’une délicatesse absolument renversante. Même si le jeu de scène inhérent au Finale – Prestissimo s’avère un peu artificiel (fausses notes des violons, coups de baguette du chef sur le pupitre, raccord des cordes avant que le mouvement ne soit repris…), force est de constater qu’il est conduit de la plus belle manière, offrant ainsi au public une excellente interprétation d’une symphonie pleine d’imagination et de charme.


Les Variations sur ‘‘Là ci darem la mano’’ de Mozart de Frédéric Chopin (1810-1849) ne font pas partie de ses œuvres les plus célèbres. Elles font néanmoins écho au thème développé par la Cité de la musique et témoignent du génie d’un compositeur à peine âgé de 19 ans. Basées sur l’air célèbre chanté par Don Giovanni dans le premier acte de l’opéra éponyme de Mozart, ces variations mettent en exergue un piano virtuose, capable des plus grandes audaces, prenant les plus grands risques. Remplaçant de luxe (le pianiste initialement prévu devait être Frank Braley), Abdel Rahman El Bacha connaît le compositeur polonais sur le bout des doigts : il a d’ailleurs enregistré avec succès une superbe intégrale de ses œuvres chez Forlane. Après une brève introduction orchestrale où le thème n’est qu’esquissé, le piano entre en scène de façon assez martiale qui se trouve fort éloigné de la sérénade chantée par le prince des séducteurs. Lorsque le célèbre motif musical fait son entrée en intégralité, c’est sous forme d’une ballade enlevée avec légèreté par El Bacha avant que celui-ci, emporté par le jeu des variations dont la technicité ne cesse de se développer jusqu’à la fin du morceau, ne se lance à corps perdu dans une partition où les pièges sont légion. Triomphe technique qui, dans un superbe bis (Nocturne opus 48 n° 1 en ut mineur), se double d’un triomphe musical tout aussi mérité.


Si l’effectif orchestral choisi par Paul McCreesh s’avère convaincant dans Haydn, voire Chopin (la primauté conférée au piano soliste facilitant un relatif effacement des autres protagonistes), tel n’est en revanche pas le cas dans la célébrissime Symphonie Inachevée de Franz Schubert (1797-1828). Cette symphonie, composée par Schubert en 1823 à l’attention de la société musicale de Graz lorsqu’il apprit qu’on lui proposait d’en devenir membre d’honneur, disparut longtemps avant d’être redécouverte puis créée en 1865 sous la baguette de Johann Herbeck. Si les timbres des bois du Philharmonique de Radio France sont splendides, l’interprétation pèche immédiatement par un sérieux déséquilibre entre les cordes (au nombre de vingt-deux) et les vents (quinze instrumentistes) de telle sorte que les premières sont constamment couvertes par les seconds. Si le volume sonore de certains pupitres s’avère excessivement faible, on le regrette d’ailleurs moins pour de strictes considérations d’équilibre que pour la manque de suavité et d’épaisseur que requiert la partition : à l’évidence, quatre violoncelles sont insuffisants dans l’Inachevée et lui donnent un caractère aride assez malvenu. En outre, du point de vue de l’esprit de l’œuvre, Paul McCreesh instille peu de tragique à l’Allegro moderato initial, lui préférant une certaine légèreté, voire frivolité, qui s’avère contradictoire avec le climat de cette symphonie. Quant à l’Andante con moto, on admire certes la superbe clarinette solo mais l’atmosphère nonchalante du mouvement, assez proche en cela de la Sixième symphonie, ne convainc pas davantage. Preuve que les recettes de la musique baroque (dont Paul McCreesh est par ailleurs un excellent interprète) ne conviennent pas à tous les répertoires…



Sébastien Gauthier

 

 

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