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G & G

Dijon
Grand théâtre
02/01/2009 -  et 12, 13, 14 (Nantes), 16 (Orléans), 22, 24, 26 (Nantes), 28, 29 (Angers) janvier, 13 (Besançon), 19 (Poitiers) février, 5 mars (Caen) 2009
Philip Glass : Hydrogen Jukebox (création française)

Mia Delmaë, Céleste Lazarenko (sopranos), Aurore Ugolin (mezzo), Michael Bennett (ténor), Jeremy Huw-Williams (baryton), Jean-Loup Pagesy (baryton-basse), Eric Génovèse (narrateur)
Ars Nova: Pierre-Simon Chevry (flûte), Eric Lamberger (clarinette), Jacques Charles (saxophone), Isabelle Cornélis, Elisa Humanes (percussion), Michel Maurer (piano, synthétiseur), André dos Santos (synthétiseur, chef de chant), Philippe Nahon (direction musicale)
Joël Jouanneau (mise en scène et lumières), Jacques Gabel (décors), Claire Sternberg (costumes), Franck Thévenon (lumières), Camille Béquié (vidéo)


(© Jef Rabillon/Angers Nantes Opéra)



En ce début 2009, Glass est à l’honneur: non seulement Les Enfants terribles sont repris à L’Athénée (voir ici), mais deux autres de ses œuvres lyriques sont données pour la première fois en France, La Colonie pénitentiaire à Lyon et Hydrogen Jukebox (1990), dans une coproduction d’Angers-Nantes Opéra et de l’ensemble Ars Nova, également présentée à Dijon, Besançon et Caen.


Aussi mystérieux qu’efficace, le titre est extrait d’un poème d’Allen Ginsberg (1926-1997) qui a écrit le livret de cet «opéra de chambre pour ensemble et solistes». «De chambre», soit, puisque seuls sept musiciens (trois bois, deux claviers et deux percussionnistes) accompagnent six chanteurs, dont la voix est d’ailleurs parfois traitée comme un instrument se fondant avec les autres. Mais en fait d’«opéra», il s’agit plutôt d’une cantate scénique ou d’une revue satirique: dans un esprit qui rappelle Brecht et Weill, G(insberg) et G(lass), aidés du designer Jerome Sirlin – le dos des combinaisons gris-bleu des personnages est d’ailleurs dûment estampillé «G & G» –, balayent l’histoire des Etats-Unis de Hiroshima à Bush (senior) en passant par le Vietnam, et semblent même annoncer les événements survenus depuis, Irak, 11 septembre et Afghanistan.


Economie, écologie et aussi, beat generation oblige, libération des mœurs, substances hallucinogènes, pacifisme, non-violence et mystique orientale, ces thèmes sont certes présents dans d’autres ouvrages de Glass, mais de façon plus abstraite. Dans sa trilogie consacrée à Einstein, Akhenaton et Gandhi, la distance est introduite par le recours à une langue inusitée (égyptien ancien dans Akhenaton, sanscrit dans Satyagraha), tandis que dans son autre trilogie Qatsi écrite pour le cinéma avec le réalisateur Godfrey Reggio, le message, en l’absence de dialogues ou même d’action, est filtré par l’esthétisme des images.


Ici au contraire, la poésie de Ginsberg plonge crûment dans la réalité et la contemporanéité des choses, sonnant comme une charge virulente contre une Amérique imperatrix mundi, belliqueuse et corrompue. De façon peut-être un peu inattendue, le compositeur, empêché par la succession d’une quinzaine de numéros en moins de deux heures de s’adonner à ces longues plages immobiles et répétitives qui sont sa marque de fabrique, se plie sans peine à l’exercice: il ne renonce certes pas à son style minimaliste et à ses rythmes obsédants, mais il contribue à ce portrait de l’Amérique en s’ouvrant plus ou moins explicitement au jazz, au rock, au folk ou au gospel, avec un surprenant avant-dernier numéro a cappella.


Sur scène, les emblèmes des Etats-Unis sont également au rendez-vous: les chanteurs se transmettent la flamme de la statue de la liberté, une pluie de dollars s’abat sur eux et l’Oncle Sam mène la danse – le chef Philippe Nahon en haut de forme étoilé, redingote bleue et pantalon rayé rouge et blanc. Le plateau est encombré d’un bric-à-brac (fauteuils, vélo d’appartement, cactus, ...) disséminé dans un décor de Jacques Gabel suggérant des coulisses de théâtre, avec, au fond, des tables de maquillage surmontées de miroirs et rampes lumineuses. Au premier plan, la lampe et la machine à écrire de Ginsberg, formidable Eric Génovèse, qui, incarnant également certaines des figures évoquées par les textes, n’est nullement décontenancé lorsqu’il s’agit par exemple d’esquisser, vêtu d’une robe, quelques pas de flamenco.


La mise en scène de Joël Jouanneau, assisté de Franck Thévenon pour les lumières, répond à la densité du propos, s’ouvrant sur un long prologue silencieux durant lequel une poudre très fine commence à s’écouler par un tuyau venu des cintres. Se prolongeant pendant presque toute la représentation comme un rappel du temps qui passe, elle formera progressivement un tas de sable symbolisant ces déserts dans lesquels se sont enlisées les visées militaires américaines. Les combinaisons unisexes de Claire Sternberg sont complétées en tant que de besoin par une vaste déclinaison de perruques ou couvre-chefs aussi divers que plumes d’indien, calot de soldat et voile de mariée. Le dispositif est encadré par deux écrans côté cour et côté jardin, qui diffusent des vidéos en noir et blanc conçues par Camille Béquié et, à défaut de surtitrage, des extraits des textes.


Très sollicités par des rôles longs, exigeants et protéiformes qui en font également des acteurs et des danseurs, les six solistes ne paraissent pas toujours à leur meilleur, tandis que l’accompagnement instrumental se refuse à tout excès de confort, ce qui ne disconvient pas nécessairement à l’âpreté désabusée du propos. En tout état de cause, il faut découvrir ce Glass inhabituellement corrosif, bonifié par Ginsberg.


Le site de Philip Glass
Le site de l’Opéra de Dijon
Le site d’Ars Nova



Simon Corley

 

 

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