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Essentiels fragments

Paris
Auditorium du Louvre
11/19/2008 -  
Pierre Boulez : Dérive 1 – Improvisations I et II sur Mallarmé (extraites de «Pli selon pli») – Mémoriale (…Explosante-fixe… Originel)
Enno Poppe : Zug (création)
Dai Fujikura : Fifth Station (création de la nouvelle version)
Igor Stravinski : Deux poèmes de Balmont – Trois poésies de la lyrique japonaise

Christine Schäfer (soprano), Sophie Cherrier (flûte)
Ensemble intercontemporain, Pierre Boulez (direction)


P. Boulez (© Philippe Gontier)


Jusqu’au 9 février, le Louvre présente une exposition «Pierre Boulez. Œuvre: Fragment»: un choix de dessins (d’Ingres à Klee), partitions (Wagner, Stravinski, ...) et textes (Mallarmé, ...) qui «aborde quelques aspects de l’autonomie esthétique de l’esquisse telle qu’elle s’est développée avec la modernité». De fait, Boulez est l’un de ceux qui, sensible à la notion de work in progress, semble difficilement se résoudre à la double barre de mesure à la fin d’une partition: bon nombre de ses œuvres fonctionnent ainsi sur le principe de la déclinaison (Notations, Dérive, Anthèmes, Incises, ...) quand elles ne se proclament pas «ouvertes» (Pli selon pli, Troisième sonate pour piano). L’exposition trouve un écho dans une importante série de concerts, du 6 novembre au 2 décembre, dont l’un des temps forts est ce programme de l’Ensemble intercontemporain (EIC), parfaite illustration de la thématique du fragment.


Pierre Boulez dirige plusieurs de ses pages qui interrogent la conception traditionnelle et fermée de l’œuvre. C’est d’abord le cas des ondulations continues de Dérive 1 (1984) pour six instruments, dont rien ne dit qu’elles n’ont pas commencé avant et qu’elles ne se poursuivent pas après. Pli selon pli, dont la composition et la révision se sont étalées sur plus de trente ans (1957-1989), est le type même de l’œuvre ouverte: les deux premières Improvisations sur Mallarmé (1957) qui contribuent à ce «portrait» du poète avaient donc toute leur place dans un tel cadre. La sensualité de l’écriture pour les percussions, claviers et harpe ainsi que le dramatisme de la partie chantée, incarnée ici par une Christine Schäfer à la diction peu claire et aux aigus parfois voilés, font le reste, c’est-à-dire la magie de cette musique. Avec Mémoriale (1985), le fragment, dans le prolongement de …explosante-fixe..., se fait hommage hédoniste (au flûtiste Lawrence Beauregard): vingt-trois ans après en avoir assuré la création, Sophie Cherrier demeure toujours aussi impériale.


Trois compositeurs s’inséraient parmi ces repères bouléziens. Le Louvre et l’EIC ont commandé à Enno Poppe (né en 1969) une pièce pour sept cuivres (cors, trompettes et trombones par deux, tuba). Zug se montre à l’image de son titre (allemand) polysémique, fanfare fantomatique et grotesque, recourant aux micro-intervalles mais non exempte d’allusions tonales, pour progresser par deux fois vers un emballement et une complexité rythmique croissante. Le maître dût-il en frémir, l’ombre du jazz passe parfois sur ces quelques moments plaisants et virtuoses.


C’était également la première de la nouvelle version de Fifth Station (2005) de Dai Fujikura (né en 1977), qui a toute sa place dans un musée, puisqu’elle est inspirée du tableau éponyme (1960) de Barnett Newman (1905-1970). Fondée sur un dispositif spatialisé – Boulez dirigeant face au public les musiciens répartis, seuls ou par groupe de deux, dans l’ensemble de l’auditorium – la partition offre une apparence de concerto pour violoncelle et trompette: non seulement ces deux instruments sont les seuls à demeurer sur scène, par conséquent derrière le chef, mais ils se voient confier une longue cadence introductive avant de se joindre aux autres pupitres, dans une surenchère graduée d’éruptions et paroxysmes.


Le Japon de Stravinski cultive le haïku, avec ses Trois poésies de la lyrique japonaise (1913), précédées des non moins économes Deux poèmes de Balmont (1911/1954): du pays de Fujikura aux sortilèges mallarméens, le lien est ainsi fait, faisant en outre ressortir la portée considérable de ces mélodies pourtant si brèves. De l’importance des fragments, en somme.


Le site de Dai Fujikura



Simon Corley

 

 

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