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Tombé dans le piège

Paris
Salle Pleyel
10/03/2008 -  
Olivier Messiaen : Turangalîlâ-Symphonie
Roger Muraro (piano), Valérie Hartmann-Claverie (ondes Martenot)
Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


(© Christophe Abramowitz)


C’est l’œuvre la plus post-romantique de Messiaen, la plus spectaculaire et la plus érotique aussi. Une orgie de couleurs et de rythmes, dont certains thèmes – ou leitmotive – restent dans la mémoire, comme ceux de « Joie du sang et des étoiles » ou du Finale. Dans la Turangalîlâ, Messiaen accommode à sa sauce sonore les extases tristanesques, qu’il confie à un effectif de cent trois musiciens : on se croirait chez Strauss, Mahler ou un certain Schoenberg. Le premier enjoignait aux jeunes chefs de diriger Salomé et Elektra comme du Mendelssohn : pour un peu, on donnerait le même conseil à ceux qui affrontent la partition de Messiaen. Bref, il y faut privilégier les lignes et les timbres, surtout pas les masses à la faveur d’une direction trop verticale, en ouvrant le plus possible l’éventail dynamique. Myung-Whun Chung est tombé dans le piège de la démesure de l’œuvre, dirigeant la Turangalîlâ avec un manque de nuances qui la noie dans un magma bruyant et monochrome, là où un Rattle, un Salonen, un Chailly, plus analytiques et plus coloristes, ont su en révéler toutes les subtilités. On n’accusera pas l’acoustique : le chef coréen dirige assez souvent salle Pleyel pour en connaître les inconvénients. L’équilibre entre les pupitres s’avère mal assuré, avec des cuivres écrasants, et l’orchestre avale souvent le piano de Roger Muraro. Les cadences du clavier permettent heureusement d’entendre enfin Messiaen, en particulier ses timbres. Les musiciens eux-mêmes semblent parfois à la peine, fouettés par une direction qui les pousse trop loin dans leurs retranchements. Le chef confond la jubilation dionysiaque et la brutalité, notamment dans « Joie du sang et des étoiles », qu’il dirige comme Le Sacre du printemps. Et le mystère des enchantements sensuels de « Jardin du sommeil d’amour » lui échappe, où les cordes n’ont pas la rondeur veloutée que l’on attend. Les musiciens, pourtant, réalisent une performance eu égard à la difficulté de la partition : on regrette d’autant plus que le chef s’y soit fourvoyé. Ses affinités avec l’œuvre de Messiaen, qu’il a côtoyé, ne sont pas en doute, mais la Turangalîlâ n’est certainement pas l’œuvre qui convient le mieux à quelqu’un qui se montre en général peu heureux dans le répertoire postromantique : on l’a connu plus à son aise dans Eclairs sur l’Au-Delà et l’on gage que le gigantesque Saint François d’Assise l’inspirera davantage.



Didier van Moere

 

 

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