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La scène dans la fosse

Bayreuth
Festspielhaus
07/29/2008 -  Et les 9* et 21 août
Richard Wagner : La Walkyrie
Endrik Wottrich (Siegmund), Kwangchul Youn (Hunding), Albert Dohmen (Wotan), Eva-Maria Westbroeck (Sieglinde), Linda Watson (Brünnhilde), Martina Dike (Fricka), Sonja Mühleck (Gerhilde), Anna Gabler (Ortlinde), Marina Dike (Waltraute), Simone Schröder (Schwertleite), Edith Haller (Helmwige), Wike te Brummelstroete (Siegrune), Annette Küttenbaum (Grimgerde), Manuela Bress (Rossweisse)
Orchestre du Festival, Christian Thielemann (direction)
Tankred Dorst (mise en scène)



(© Bayreuther Festspiele GmbH/Enrico Nawrath/2008)



Après un Or du Rhin parfois peu théâtral (lire ici), La Walkyrie révèle un Christian Thielemann toujours retenu dans ses tempos, mais beaucoup plus dramatique, même si l’on observe ici ou là quelques chutes de tension, avec un début du deuxième acte trop exclusivement lyrique, une arrivée de Brünnhilde un peu sage au troisième. On notera en tout cas, une fois de plus, que ce chef que l’on dit si « allemand » voire si « germanique » évite tout pompiérisme, notamment au début du troisième acte, qu’il n’écrase jamais l’orchestre de la Chevauchée sous les cuivres, veillant avec soin à concilier la beauté et le fondu des sonorités avec la clarté des plans sonores, quasi chambriste parfois dans son respect des nuances dynamiques. On a rarement entendu un si beau travail sur les crescendos et decrescendos du des cordes dans l’orage initial, ce qui confirme cet art d’animer les passages purement orchestraux, culminant dans les Adieux de Wotan, où l’ensommeillement de Brünnhilde, l’évocation du feu ont quelque chose de magique.


Les parties vocales, plus redoutables ici que dans L’Or du Rhin, sont assumées avec des bonheurs divers. Après la défection d’Adrienne Dugger, Linda Watson revient en Walkyrie, voix ingrate affecté d’un vibrato fâcheux qui, dans la quinte aiguë, compromet l’attaque et la tenue des notes – on comprend que le cri de guerre soit raté. Cela dit, pas de trou dans la voix, au médium et au grave bien assis : l’Annonce de la mort, du coup, ne la gêne pas. Et la chanteuse s’investit dans son rôle, en particulier au troisième acte, si bien qu’on finit par oublier, tout en craignant pour la suite, que cette Brünnhilde humaine, nuancée, parfois émouvante, n’a pas le niveau de Bayreuth. Nouvelle venue sur la Colline, Eva-Maria Westbroeck, en revanche, campe une Sieglinde intense à l’aigu solaire, sans attendre la troisième scène du premier acte pour exister, à peine un peu timide parfois dans le médium, jumelle incandescente d’un Siegmund qu’elle n’a pas de mal à dominer. Très chahuté par le passé, Endrik Wottrich assume au début le Wälsung avec plus de probité que d’héroïsme, mais donne des signes de fatigue à partir de la troisième scène, où il peine à affronter l’orchestre d’une voix blanchissante. Si bien qu’on se souvient davantage des quelques mesures du Hunding brute mais bien chantant de Kwangchul Young, décidément à l’aise dans les rôles noirs. Son alliée Fricka satisfait beaucoup moins : Martina Dike, remplaçant Michelle Breedt, force ses aigus et pèche par un médium insuffisant. Albert Dohmen enfin, qui promène son Wotan sur toutes les scènes du monde, semble atteindre ses limites, toujours solide, avec un beau grave, un phrasé soigné, mais peu impressionnant au deuxième acte, ne s’approchant vraiment de la grandeur du dieu que dans le dernier, où il trouve à la fois les accents du courroux et ceux de la tendresse.


Tankred Dorst est fidèle à lui-même, à sa juxtaposition de deux univers qui ne se rencontrent pas : des enfants viennent voir, au premier acte, la maison sur laquelle s’est abattu un poteau télégraphique où l’épée se trouve fichée, deux jeunes, à bicyclette, flirtent au fond de la scène pendant le deuxième acte. Tout, dans cette Walkyrie, n’est que ruines : on aperçoit, derrière le Walhalla, des statues pétrifiées, témoignage de passés disparus, avec, au centre, un rocher qui n’est rien d’autre que la tête de Wotan, sommet d’une statue gigantesque annonçant elle aussi un monde disparu. Aucun espoir pour le dieu : son double apparaît en Wanderer, les débris de sa lance dans les mains. Et le troisième acte se déroule dans une carrière devenue dépotoir. Rien de tout cela ne va contre la lettre ou l’esprit et peut contenter tout le monde – ou personne, amateurs de nouveauté et partisans de la tradition. En réalité, le spectacle pèche, comme dans L’Or du Rhin, par l’absence de direction d’acteurs digne de ce nom : la troisième scène du premier acte, pourtant si intense, laisse les deux jumeaux fort démunis, comme celle de l’Annonce de la mort, au deuxième, un de ces passages statiques qu’il faut à tout prix animer. Et les ultimes étreintes du père et de la fille, à la fin, n’échappent pas à un pathétique de convention. La marque du Ring de 1976, enfin, reste trop forte pour ne pas, dans les ultimes images, friser le plagiat. Encore une fois, la scène est dans la fosse.



Didier van Moere

 

 

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